Maintenant que les cryptomonnaies anonymes et les memecoins n'ont plus de secret pour pour vous, penchons nous sur les jetons destinés à tokeniser des actifs. Le terme « tokenisation », version française du mot tokenization peut aussi être traduit par le barbarisme « jetonisation ». Il s'agit de représenter des actifs sur une blockchain à l'aide de jetons numériques. Ainsi, les plateformes de smart contracts telle qu'Ethereum permettent de créer des jetons numériques programmables : c'est le cas par exemple des fameux ERC-20. Grâce à leurs propriétés étonnantes, on peut désormais y représenter tout type d'actif du monde réel, de l'immobilier aux titres financiers, en passant par les œuvres d'art.
Afin de comprendre la place et les atouts de ces jetons dans l'économie, nous commencerons par retracer l'histoire des titres financiers. Nous vous présenterons ensuite les différentes méthodes de tokenisation disponibles en 2024.
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Table des matières
Les titres financiers dans l’économie traditionnelle
Dans la finance traditionnelle, un titre financier ou une valeur mobilière est un actif prenant la forme d’une action ou d’une obligation, émis par une société ou un État. Il s’agit donc de titres de propriété ou de créance conférant des droits divers à leur détenteur.
Ces titres et les droits afférents sont régulés et standardisés. Ils sont négociables et fongibles. Ils entrent donc dans la catégorie des instruments financiers en droit français. Dans le monde anglo-saxon, on parle de securities.
Dans cet article, nous allons présenter leur équivalent numérique et décentralisé : les security tokens. Les protocoles blockchain permettent désormais de programmer facilement des jetons numériques représentant tous types d’actifs. Ils présentent de nombreux avantages supplémentaires par rapport à leurs versions papier ou numérique traditionnelles.
Les titres financiers papier
L’histoire des valeurs mobilières débute au Moyen-Âge, lorsque les titres de créances imprimés sur du papier font leur apparition en Italie. L’utilisation des titres d’emprunt se répand alors en France, et sera très rapidement encadrée par les Rois.
À l’époque, les valeurs mobilières se négocient entre marchands, banquiers et courtiers dans des lieux dédiés. Ce sont les premières bourses de change. Les royaumes les régulent en créant des chartes qui stipulent leur localisation, nomment les intermédiaires, et établissent des taxes.
Dès l’apparition des sociétés de Bourses et de la profession d’agent de change, on distingue deux types de marchés : primaire et secondaire :
- Sur le marché primaire, on émet les titres (comme les actions d’une société donnant des droits de propriété) et on les vend directement à l’investisseur. Ces transactions, bien qu’elles nécessitent un intermédiaire financier entre émetteur et acquéreur, se déroulent de gré à gré ;
- Le marché secondaire est celui des bourses de change, où les titres déjà émis sont négociés. Les investisseurs possédant les titres peuvent ainsi les revendre à de nouveaux acquéreurs. Les lois de l’offre et de la demande déterminent les prix des titres.
L’arrivée de l’informatique
La révolution industrielle de la fin du 19ème siècle participe à développer grandement les places de marché. Avec l’arrivée de l’informatique dans les années 70, c’est une nouvelle révolution, qui transforme profondément la manière dont les titres financiers sont négociés.
Les premières cotations informatisées ont lieu à New-York au NASDAQ (National Association of Securities Dealers Automated Quotations). En France, le 23 juin 1986, on commence à négocier pour la première fois des valeurs mobilières à règlement mensuel sur un système électronique en continu, le CAC.
Peu à peu, la profession d’agent de change se transforme. En 1998, les agents de change sont sommés de quitter le Palais Brongniart, car le réseau Internet permet désormais de se passer de leur présence physique. C’est la fin d’une époque : un peu plus de deux décennies plus tard, la quasi-totalité des marchés est informatisée. Le trading à haute fréquence permet désormais d’échanger des milliers de titres à la seconde.
La certification numérique décentralisée
L’un des apports majeurs du protocole de Satoshi Nakamoto est que la blockchain est un serveur d’horodatage décentralisé. Le réseau peut ainsi certifier la propriété et les transferts de bitcoins sans passer par un organe de contrôle standard.
Plus besoin d'attendre l'ouverture d'un service ou le bon vouloir d'un employé pour pouvoir échanger !
Avec le développement des plateformes de smart contracts permettant de créer des actifs numériques entièrement programmables « simplement », c'est tout naturellement que les titres financiers ont commencés à arriver sur les blockchains.
La révolution est en marche, et les agent de change risquent de voir une fois de plus leur métier évoluer !
Les Security Token Offerings (STO)
Une Security Token Offering ou STO est une offre publique de valeurs mobilières, effectuée grâce à des smart contracts déployés sur une blockchain. Ces actifs numériques (jetons, tokens) présentent les caractéristiques de titres financiers classiques. Ils peuvent, par exemple, donner des droits de propriété, de vote, ou des dividendes à ses détenteurs.
La notion de securities
Le terme securities désigne donc, en anglais, des valeurs mobilières. C'est un contrat d’investissement (entre émetteur et acquéreur) qui définit la nature de l'actif. Une security est un titre échangeable et fongible, qui permet à son émetteur de lever du capital.
On peut distinguer trois grandes catégories de securities. Ces titres peuvent représenter :
- Un droit de propriété sur les parts d'une société (equity) : c'est par exemple le cas des actions (stocks) ;
- Une créance : dans ce cas, la security représente l'argent prêté à une organisation. Par exemple, les obligations d'État représentent une dette, remboursée avec intérêts, à une certaine échéance ;
- Un instrument financier hybride, mêlant equity et dette : c'est le cas de certaines actions d'entreprises qui versent des dividendes à leurs acquéreurs.
En France, c'est l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui régule le négoce de valeurs mobilières. Aux États-Unis, il est encadré par la Securities and Exchange Commission (SEC). On échange donc des securities sur des plateformes régulées par les autorités financières.
Les securities au sein des actifs numériques
Comme nous l’avons évoqué précédemment, avec l’avènement des cryptomonnaies, les smart contracts permettent désormais de créer tous types d’instruments et de produits financiers, à l'instar des jetons émis sur Ethereum.
Ces programmes informatiques autonomes permettent de répliquer et d’appliquer les clauses d’un contrat d’investissement entre deux parties, sans passer par un tiers de confiance. Il est donc possible d'émettre des jetons numériques représentant des valeurs mobilières.
On distingue deux grandes catégories de security tokens :
- Les security tokens « natifs » : ces jetons numériques correspondent à la création d’une valeur mobilière sur une blockchain. Ils définissent un contrat entre une organisation et un détenteur du titre. Les jetons créés lors de la STO permettent alors à leur émetteur de lever des fonds auprès du public ;
- Les tokenized securities (titres financiers « tokenisés ») : dans ce cas, le jeton numérique n’est qu’une représentation on-chain d’un titre déjà existant. La réplication d’une valeur mobilière sur la blockchain permet de bénéficier des avantages de cette dernière.
On peut également classifier les security tokens en fonction de leur nature.
Equity tokens
Littéralement « jetons d'équité », ils sont la version blockchain des actions d’entreprise. Ces jetons donnent un droit de propriété sur les parts émises. Le détenteur bénéficie également des droits de vote associés à ses parts. Contrairement à la finance traditionnelle, ce n'est pas un organisme centralisé qui assure l'enregistrement et le transfert de la propriété des titres. Tout est géré sur la blockchain.
Debt tokens
Les jetons de créance représentent un prêt accordé à une organisation ou à une entreprise. Les intérêts sont versés au prorata des fonds investis au détenteur des jetons. Le contrat d'investissement a généralement un terme, un taux d'intérêt, et un modèle de dividendes. Il est inscrit dans la blockchain sous forme de smart contract. Les debts tokens peuvent correspondre, par exemple, à une hypothèque immobilière ou à une obligation d'entreprise.
Asset-backed tokens
Ces jetons représentent un droit de propriété sur un actif déjà existant. Il peut s'agir de commodités comme l'or ou le pétrole, d'immobilier ou même d'œuvres d'art. La blockchain permet de gérer et transférer ces droits de propriété de façon très efficace. Comme nous allons le voir, tous ces security tokens offrent des avantages par rapport aux titres financiers « classiques ».
Les avantages des STO
Dans le monde financier traditionnel, l’émetteur d’une security peut lever du capital sur les marchés publics ou privés. C'est également le cas pour la version blockchain du titre, mais émetteurs et détenteurs bénéficient d'avantages additionnels.
Règlement instantané
Grâce aux security tokens, les titres financiers peuvent être échangés sans intermédiaire, et très rapidement. La vitesse de règlement dépend de la vitesse de finalisation des transactions sur la blockchain utilisée. C’est un avantage par rapport aux transactions en equity classiques, qui peuvent prendre plusieurs mois.
Transparence
Les smart contracts correspondant aux titres financiers (security tokens) sont publics et n’importe qui peut les auditer. De même, les transactions associées sont également publiques. Les acquéreurs des titres ont donc tous le même degré d'information.
Cette transparence bénéficie au régulateur, lorsque le jeton numérique est enregistré auprès des autorités financières. Le détenteur du jeton en profite également. Il peut tout d'abord consulter et vérifier les informations fournies par l’émetteur. Elles sont de la même nature que celles que l’on retrouvera sur un prospectus classique.
Il s’agit par exemple des résultats financiers de l'entreprise, de sa structure de gestion ou encore des risques encourus par l’investisseur. Ensuite, il aura une visibilité sur les transactions et les échanges de titres.
Disponibilité des marchés
Les marchés secondaires dédiés aux security tokens sont accessibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Le détenteur de jetons peut ainsi les échanger sans contrainte temporelle, à condition qu’il y ait de la liquidité disponible.
Liquidité
Les security tokens sont émis sur des plateformes mondiales et accessibles pour le grand public. Leur émetteur peut accéder facilement aux liquidités des utilisateurs. Pour les détenteurs du jeton, en revanche, la liquidité est assurée par ses pairs.
Les STO permettent de lever du capital de façon plus ouverte, et sont plus accessibles qu'une introduction en bourse. Pour l'instant, la liquidité des marchés secondaires ne peut pas rivaliser avec celle du CAC 40 ! Cependant, les volumes sont en croissance.
Divisibilité et fongibilité
Les blockchains permettent d’émettre des jetons divisibles. Ainsi, peu importe la valeur nominale d’un security token : il pourra toujours être divisé dans la limite prévue par son créateur. La fongibilité de ces actifs numériques est assurée par la robustesse de la blockchain utilisée.
Coût
Émettre un titre financier sur une blockchain est beaucoup moins coûteux qu'avec les procédures traditionnelles. Désormais, de nombreux standards de jetons permettent de créer des security tokens légalement et pour des coûts très faibles.
Les STO face aux ICO
Le terme Initial Coin Offerings ou ICO reste générique : il désigne une levée de fonds en cryptomonnaie. Cependant, on dira aujourd'hui par convention qu'un jeton ICO représente un droit d'usage. C'est le cas de la cryptomonnaie native d'un protocole blockchain (par exemple, le jeton AVAX de la plateforme Avalanche), ou d'un jeton utilitaire, nécessaire pour utiliser un service (par exemple, le BAT du navigateur Brave).
En revanche, les jetons STO représentent des droits financiers et/ou de gouvernance.
Les ICO d’antan n’étaient pas régulées, et virent fleurir de nombreuses arnaques. Plusieurs modèles de jetons issus d'ICO étaient des securities, de par leurs caractéristiques. Par exemple, tout jeton versant des dividendes sera juridiquement défini comme une security. Ceux qui ont tenté d’émettre ce type de jetons sans passer par les autorités financières compétentes ont eu des problèmes.
La création des security tokens d'aujourd'hui fut donc motivée principalement par des raisons juridiques.
Les STO permettent en effet de bénéficier du même niveau de régulation qu’une offre publique de titres classiques. De plus, les avantages technologiques des blockchains assurent un gain de temps et d’efficacité notable. Pour l’entreprise émettrice, l’utilisation d’une plateforme de smart contracts simplifie de nombreuses tâches :
- Procédures KYC/AML automatisées ;
- Réduction de la charge de travail juridique grâce aux smart contracts ;
- Réduction des coûts d’émission du titre ;
- Simplification de la comptabilité et des audits ;
- Paiement des dividendes automatique.
Le déroulé d'une STO
Le cycle de vie d’un security token peut être découpé en quelques étapes-clé. Le point de départ est la conception théorique du jeton. L’aboutissement donne lieu au listing du jeton sur un marché secondaire. Il peut alors y être échangé : offre et demande déterminent son prix.
1. La structuration du jeton
Qu’il s’agisse d’une STO pour un jeton natif ou de la « tokenisation » d'un actif déjà existant, le jeton doit présenter des caractéristiques bien définies :
- Nombre total de pièces émises ;
- Type d’investisseurs autorisés ;
- Juridictions autorisées ;
- Type d’instrument financier ;
- Répartition des jetons entre les parties ;
- Périodes de verrouillage éventuelles.
Un security token peut également comporter des aspects utilitaires. Par exemple, en plus des droits de propriété et de vote, un jeton peut octroyer des récompenses de fidélité, l’accès privilégié à un service, etc.
2. La structuration de la STO
Cette étape comporte tout le travail nécessaire pour émettre un security token en toute conformité juridique. C’est également à ce stade que sont déterminées les conditions de la vente :
- Nombre et durée des rondes d'investissement ;
- Éventuels planchers et plafonds quant au capital investi.
3. Le développement du security token
L’émetteur d’un security token choisit la plateforme de smart contracts adaptée à ses besoins. L’équipe de programmeurs implémente ensuite les différents paramètres du jeton et réalise de nombreux tests.
4. L'émission du security token
Une fois que le smart contract correspond au titre numérique codé, il faut le déployer. Il ne suffit pas seulement d'exécuter une transaction sur la blockchain choisie. En effet, les modalités d’émission dépendent des juridictions. Par exemple, aux États-Unis, il faut passer par un organisme agréé pour fixer la table de capitalisation. L'organisme supervise aussi le transfert de propriété des titres numériques.
Pour faciliter la gestion des security tokens, plusieurs plateformes permettent de superviser leur émission et leur distribution. Elles peuvent aussi, par exemple, brûler et émettre de nouveaux jetons en cas de perte ou de vol. Bien entendu, en déléguant la gestion du risque, le détenteur du jeton n’est pas réellement propriétaire de ses actifs.
Lorsque la phase d’émission est terminée, le jeton est distribué selon les modalités prévues. Il peut alors être négocié sur les marchés secondaires.
5. Le listing du jeton
Le jeton est listé sur des plateformes d'échange (centralisées ou décentralisées). En général, l’entreprise qui a choisi de se faire accompagner par une plateforme de STO pourra bénéficier de la liquidité de cette dernière. Les DEX apportent visibilité et liquidité supplémentaires pour le jeton.
Les détenteurs des jetons peuvent ainsi les négocier, et les investisseurs fixer leurs ordres d’achat et de vente.
Ces marchés secondaires sont un avantage majeur des STO. Ils permettent en effet de négocier en permanence des actifs traditionnellement illiquides, comme l’immobilier ou les œuvres d'art.
La régulation des STO
En 2024, il existe peu de juridictions ayant défini clairement un cadre réglementaire pour les STO. Les security tokens sont donc soumis aux lois sur les valeurs mobilières de l’espace géographique concerné. Cela représente un casse-tête pour l’entreprise souhaitant se plier aux exigences de multiples juridictions.
Plusieurs plateformes sont faites pour aider les projets à effectuer la mise en conformité d'une STO avec les lois financières existantes. Bien souvent, c'est la réglementation américaine qui sert à déterminer si un jeton numérique tombe ou non dans la catégorie « security ». Les valeurs mobilières y sont régies par le Securities Act (1933) et le Securities Exchange Act (1934).
Le test de Howey aux États-Unis
L’approche américaine repose sur le fameux test de Howey. Il provient d’une célèbre affaire, datant de 1946, portée devant la Cour suprême, entre la SEC et la société W.J. Howey Co.
Le test de Howey permet de confirmer la nature juridique d’une security. Il y a contrat d’investissement selon 4 critères :
- Il y a investissement d’argent ;
- Dans une entreprise commune ;
- Avec une espérance de gain ;
- Ce profit dérivant de l’effort d’un tiers.
Dans le cas de l’affaire Howey, l’entreprise agricole éponyme avait vendu des parcelles de terrain à différents investisseurs. En Floride, les acquéreurs de ces plantations d’agrumes les avaient ensuite louées à Howey (leaseback). L’entreprise Howey exploitait ces parcelles et partageait les bénéfices avec leurs propriétaires. Elle n'avait cependant pas enregistré les transactions auprès de la SEC.
Lorsque la Commission se saisit du dossier, le juge détermina qu’il y avait bien contrat d’investissement. En effet, les multiples acquéreurs des parcelles ne les exploitaient pas eux-mêmes. Ils n'avaient aucune expérience agricole. Seule l’entreprise Howey exploitait les plantations. Les acquéreurs des titres investissaient donc en espérant gagner une part des revenus d’exploitation, dépendant d’un tiers.
Ce cas fait désormais jurisprudence. Aujourd’hui, plusieurs entreprises crypto sont confrontées à la SEC pour avoir (parfois prétendument) enfreint les lois sur les valeurs mobilières. C’est par exemple le cas d’un altcoin bien connu, le XRP de Ripple.
Les STO dans l'Union Européenne
Les STO ne bénéficient pas d’un cadre réglementaire homogène dans l'Union Européenne. Il faut donc se référer, pour chaque pays, aux lois relatives aux valeurs mobilières.
Il y a cependant deux points essentiels à retenir :
- Les investisseurs accrédités peuvent participer aux STO sans limitation ;
- Les entreprises ont l'obligation légale d’émettre un prospectus à partir d'un certain capital levé. Il varie entre 5 et 8 millions d'euros selon les pays.
Cette limite s’applique aux fonds levés sur l’ensemble des pays de l’UE où se déroule la STO. Ainsi, c'est le pays présentant la limite la plus basse qui est déterminant. Il faut aussi prendre en compte le capital levé au sein de tous les autres pays.
Les plateformes de STO
Il existe de nombreuses plateformes de STO. Certaines se concentrent sur des secteurs précis (comme l’immobilier), d’autres sont génériques. La plupart intègrent des solutions permettant d’alléger la partie KYC/AML pour le porteur de projet. Chacune a sa blockchain préférée. Bien évidemment, Ethereum est très populaire. On retrouvera également Algorand, Stellar ou encore Tezos.
Voici une liste non exhaustive de plateformes dédiée au STO. Elles bénéficient à la fois aux porteurs de projet et aux investisseurs. Cependant, bien qu'elles étudient généralement le bien-fondé des STO proposées, cela n'offre aucune garantie. C'est toujours à l'investisseur de réaliser sa propre due diligence avant de miser le moindre centime !
- Polymath : elle possède sa propre blockchain et son propre jeton. Créée par Trevor Leverkor, cette plateforme est dédiée à la tokenisation d'actifs. Elle présente quatre couches opérationnelles : protocole, application, juridique, et négoce. Polymath a également créé le standard des security tokens sur Ethereum (ERC-1440) ;
- tZero : c'est l'une des premières plateformes STO, financée à hauteur de 330 millions de dollars. Elle permet d’émettre et de négocier des tokens représentant des actions d’entreprises. Elle propose aussi un wallet et une place de marché ;
- ADDX : c'est une plateforme de STO singapourienne très à cheval sur le volet juridique des STO. Elle effectue une due diligence poussée pour chaque projet, et reste réservée aux investisseurs accrédités. ADDX propose aussi une place de marché ;
- BitBond : créée en 2013, il s'agit de l'une des plus anciennes plateformes dédiées aux actifs numériques. Elle est spécialisée dans les obligations (bonds).
- Securitize : accréditée par la SEC et la FINRA, elle offre différents schémas de STO. Elle propose une place de marché et un accompagnement de bout en bout.
- RealT : ils s'agit d'ne plateforme permettant d’acheter des parts de propriétés immobilières aux États-Unis et au Panama sous forme de tokens sur la blockchain Ethereum. Elle propose aussi une place de marché ;
- Maecenas : la plateforme est spécialisée dans le fractionnement des œuvres d’art en tokens, permettant à plusieurs investisseurs d'en posséder une part. Si vous pouvez y acheter du Picasso ou du Monet, il vous sera cependant difficile de les exposer dans votre salon...
- VeraOne : c'est une plateforme qui permet de tokeniser l’or physique, offrant aux investisseurs une manière sécurisée et transparente d’acheter et de détenir de l’or sous forme de tokens.
L'avenir des actifs tokenisés
Début 2021, le marché des security tokens représentait 18,1 milliards de dollars. Depuis, ce chiffre est en augmentation constante, grâce à la tokenisation d’actifs du « monde réel » comme l’or ou l’immobilier. En 2022, ces asset-backed tokens représentaient l'essentiel des jetons échangés. Les projections des instituts spécialisés quant à la croissance du marché sont très optimistes.
Les security tokens peuvent être un investissement intéressant pour les petits portefeuilles. En effet, il est désormais possible d'accéder à des actifs dont la propriété était auparavant indivisible. C'est le cas, par exemple, d'une œuvre d'art ou d'un parc immobilier. Un particulier peut s'exposer aux intérêts générés par la location d'un immeuble au prorata de ses jetons.
Cependant, comme pour tout investissement, il y a une part de risque. L'entreprise émettant l’altcoin est-elle fiable ? Son business model est-il viable ? Sa STO est-elle conforme à la règlementation ? Le smart contract est-il bien codé ? Quid de la sécurité et de la solvabilité de la plateforme utilisée ? Y aura-t-il suffisamment de liquidité une fois le jeton listé ?
Les security tokens s'inscrivent dans un large mouvement de numérisation de la finance et de l'économie. Ces titres financiers en sont encore au stade expérimental et sont encore loin de rivaliser avec les titres traditionnels en termes de volume d'échange. Comme bien souvent, les régulateurs sont à la traîne, mais les lois qui les encadrent évolueront sans aucun doute avec le temps.
C'est sûrement l'une des raisons qui explique qu'aucune des plateformes d'échange du marché n'ait encore décidé de tokeniser des parts de sa société. Coinbase, par exemple, a choisi d'être coté en Bourse plutôt que d'utiliser la technologie offerte par l'écosystème dont son entreprise profite et qu'elle essaye de mettre en avant. Pour l'instant, certaines d'entre elles ont préféré se tourner vers l'émission de jetons utilitaires, sujet de l'article suivant.