Réguler la finance décentralisée : le défi de l’AMF – Crypto Focus
Un dialogue à engager. D’après le dernier rapport sorti de ses bureaux, c’est bien dans ce sens que l’AMF semble vouloir agir. Certes, l’Autorité des Marchés Financiers veut réguler cette nouvelle finance émergente appelée DeFi (finance décentralisée). Mais elle pourrait tout à fait le faire avec la manière, si l’on en croit son dernier rapport fraîchement paru. Tous les détails dans ce dossier.
L’AMF est prête à réguler la DeFi
Le 19 juin dernier, l’AMF a dévoilé un rapport synthétisant les grands axes de l’écosystème DeFi et la manière de les réguler. L’objectif derrière ce compte-rendu, qui balaie de nombreux aspects de cette nouvelle finance, est d’identifier les points de discussion. Ce rapport est d’une importance capitale, puisqu’il doit servir de base à la construction d’une toute nouvelle réglementation pour l’univers DeFi. Des règles qui seront, on l’espère, construites sur mesure afin d’encadrer au mieux ce nouvel écosystème en tenant compte de ses spécificités.
« Les opinions exprimées dans ce papier ne tiennent pas lieu de position officielle de l’AMF sur la finance décentralisée, mais visent à engager le dialogue avec l’écosystème, acteurs publics et privés, afin de permettre l’émergence d’une approche réglementaire équilibrée. »
Les différents acteurs concernés ont jusqu’au 30 septembre prochain pour faire part de leurs commentaires à l’AMF dans l’optique de nourrir la future réglementation européenne et internationale.
A travers ce papier, l’AMF donne sa vision de la DeFi, redéfinit ses spécificités, mais aussi les risques inhérents à cet écosystème émergent :
« […] la DeFi repose sur l’utilisation d’une infrastructure blockchain qui se veut décentralisée, désintermédiée et automatisée. […] Les fonctions traditionnellement fournies par des entités centralisées sont désormais remplacées par l’utilisation de programmes automatisés, sous la forme de protocoles, et de ‘contrats intelligents’ (ou smart contracts), accessibles […] sans intermédiaire. »
L’AMF mentionne aussi la catastrophe Terra (LUNA). Elle met en exergue la nécessité d’un cadre réglementaire afin d’éviter que ce type événement se reproduise. Ce faisant, la DeFi étant mondiale par essence, l’AMF insiste sur la nécessité d’une « action coordonnée » à l’échelle internationale. Un challenge au moins aussi grand en soi que la régulation elle-même, quand on connait la variété de politiques appliquées par les différents pays du monde en ce qui concerne la crypto.
Les 7 sujets de discussion soulevés par l’AMF
L’AMF met en lumière plusieurs points de discussion dans l’optique de débattre sur la future réglementation.
Point n° 1 : les blockchains permissionnées et non permissionnées
L’AMF différencie dans son rapport les catégories de prestations financières : TradFi, CeFi et DeFi.
De fait, l’AMF cherche à catégoriser ces activités de manière légale. L’un des axes d’étude serait le degré de permissivité de la blockchain sur laquelle se trouve le protocole. Le critère principal se baserait sur le nombre d’entités étant en mesure de contrôler l’activité du réseau.
Point n° 2 : les smart contracts
« La nature autonome et continue […] [du] fonctionnement [des smart contracts] peut contraster avec les aspects interventionnistes requis pour qu’une supervision soit établie [par le régulateur]. »
Bien que consciente de la difficulté d’intégrer des paramètres de contrôle au sein de smart contracts, l’AMF sous-entend que ces derniers pourraient être conçus de façon à intégrer des règles permettant une interruption et un redémarrage.
Une proposition difficilement applicable dans les faits. Par essence, les smarts contract ne devraient pas pouvoir être contrôlés par une entité centralisée, sinon il ne s’agirait au final que de reproduire le système financier actuel.
L’AMF tempère toutefois sa position :
« La mise en place de telles mesures devra s’appuyer sur une analyse technique visant à vérifier si certains smart contracts déjà développés et opérationnels peuvent effectivement entrer dans ce cadre. »
Point n° 3 : le code open source
L’AMF s’interroge ensuite sur la notion de code open source qui, pour elle, pose des questions d’un point de vue juridique.
Point n° 4 : les risques inhérents aux activités DeFi
« Si les activités proposées par la DeFi présentent de nouvelles caractéristiques ou permettent de combiner plusieurs activités de type TradFi et DeFi, il convient d’examiner si une réglementation ad hoc [spécifique] permettrait une meilleure protection contre les risques encourus par les utilisateurs. »
Comme l’AMF le fait remarquer, certains aspects de la DeFi pourraient éventuellement être encadrés par la réglementation existante. Toutefois, ce nouvel univers financier fait émerger nombre de nouvelles technologies. De fait, un cadre spécifique semble l’option la plus judicieuse. Les règles existantes pourraient « s’avérer inadaptées, voire impossibles à mettre en œuvre dans certains cas ».
Point n° 5 : les règles de marché d’un protocole d’échange DeFi
L’idée de l’AMF est la suivante : traduire dans un langage non technique, compréhensible par tous, les règles établies au sein d’un smart contract. Ceci afin de permettre leur lecture, leur revue et à terme leur approbation par les organismes de régulation.
Point n° 6 : définitions des DEX et des AMM
L’AMF souhaite distinguer les protocoles s’exécutant intégralement on chain de ceux faisant intervenir dans la boucle une partie de leurs activités off chain. En effet, si les opérations restent centralisées à un endroit, peut-on réellement appeler cela de la DeFi ?
Le rapport s’interroge aussi sur la nature des mécanismes de formation des prix s’exécutant au sein des DEX et des AMM.
Point n° 7 : les DAO (organisations autonomes décentralisées)
Une des questions soulevées concerne également le niveau de décentralisation réel des DAO qui régissent le fonctionnement d’un protocole DeFi. Via un système de votes décentralisé, les DAO dirigent la gouvernance d’un protocole, et donc son évolution. De fait, elle possède un grand pouvoir qui se doit d’être décentralisé. Sauf que le poids d’un vote est de manière récurrente, et potentiellement justifiée, proportionnel à la quantité de jetons détenus par une entité ou, dans certains cas, par l’équipe elle-même. Il convient donc d’estimer la part de cette influence vis-à-vis de la répartition réelle des jetons d’un protocole.
« A l’image des organisations et entités traditionnelles, le contrôle d’une DAO peut […] induire une situation de contrôle ‘de fait’ s’il existe un individu ou un groupe d’individus avec un niveau élevé de détention (sans majorité) et que les autres détenteurs sont disséminés ; ou une situation de contrôle ‘de droit’ si un individu ou un groupe d’individus détiennent au moins la majorité des jetons de gouvernance. »
DeFi : les risques identifiés par l’AMF sur la finance de demain
Selon ce rapport, plus de 2000 protocoles décentralisés auraient été dénombrés début 2023, contre seulement 855 en 2022. Et sur chacun de ces protocoles, des milliers de dApps (applications décentralisées) sont en cours de construction ou actives. Bien qu’émergent, l’écosystème DeFi bouillonne et l’arrivée d’une réglementation, à condition que celle-ci soit adaptée, est plutôt de bon augure pour éviter un chaos sans nom.
Selon ce même rapport, la TVL (total value locked) sur ces divers protocoles serait estimée à 80 milliards de dollars. Une baisse notable par rapport aux 258 milliards relevés en fin 2021, bear market oblige. Une chute accentuée, bien évidemment, par le crash de l’écosystème Terra (LUNA).
Les deux tiers de cette TVL seraient actuellement gérés par les AMM (automated market makers), les exchanges décentralisés (DEX) et les protocoles de prêt et d’emprunt, comme AAVE par exemple.
L’AMF identifie plusieurs risques concernant l’écosystème DeFi :
- Le fonctionnement des stablecoins algorithmiques (comme le duo UST-Luna) ;
- Les phénomènes de panique des investisseurs ;
- Les risques de contagion liés aux interconnexions entre protocoles ;
- Le manque de mécanismes de résolution en cas de défaillance, notamment en ce qui concerne la protection des investisseurs.
L’AMF met en avant, à travers ce rapport, son envie de partager ses réflexions avec les acteurs concernés par la future régulation. Son idée consiste à établir des débats autour des points de discussion soulevés. Une approche qui semble compréhensive en apparence, mais dont certaines phrases, présentes en conclusion notamment, seraient fort capables de doucher nos attentes.
AMF : TradFi vs DeFi, le combat entre contrôle et liberté ?
« Dans la définition d’un cadre réglementaire, l’approche générale ‘même activité, même risque, même réglementation’ devrait être appliquée sans ambiguïté, en prenant en compte les aspects émergents induits par ces activités nouvelles. »
L’AMF sous-entend ici que la DeFi doit être régulée à travers le même cadre réglementaire que la finance traditionnelle. Pourtant, l’entièreté du contenu du rapport tend à démontrer la compréhension des spécificités du domaine DeFi par l’AMF.
Cette dernière mentionne également les habituels risques liés au blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et les « problématiques » de pseudonymat de la blockchain. En finance, l’anonymat est considéré suspect. Un préjugé contre lequel il sera bien difficile de lutter. Le blanchiment d’argent est pourtant majoritairement présent en finance traditionnelle. La traçabilité des transactions blockchains étant désormais bien connue, les malfrats auraient plutôt tendance à fuir la DeFi et préférer les billets verts.
Le paramètre récurent qui intervient dans la mise en place de lois par nos politiques, notamment lorsque l’on parle investissement et crypto, c’est l’infantilisation des citoyens. Doit-on considérer les investisseurs comme des enfants inaptes à gérer leur argent et que l’on doit protéger de tout, en toutes circonstances ? Ou doit-on les considérer en adultes responsables de leurs investissements, capables d’apprendre de leurs erreurs ? A l’école, doit-on protéger les élèves des mauvaises notes en régulant le professeur ?
Apprendre de ses erreurs, parfois dans la douleur, assumer le risque pris : n’est-ce pas le propre de l’investissement ? A trop protéger par une régulation excessive, on tue toute liberté. Cette même liberté qui permet justement aux innovations d’apparaître. Ainsi, l’AMF devra choisir la juste mesure. Nous verrons, dans les prochaines années, quel chemin la régulation choisira d’emprunter.
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