« Satoshi Island » : Nouvel Eldorado Bitcoin ou crypto-mirage ?

« L’utopie n’est pas l’irréalisable, mais l’irréalisé. » – L’incroyable projet d’une île entièrement gérée en cryptomonnaies serait potentiellement sur le point de se concrétiser au milieu du Pacifique. Après plusieurs années d’élaboration, le ministère des Finances du Vanuatu aurait récemment donné son accord et annoncé être prêt à lancer la machine. Satoshi Island va-t-elle vraiment devenir le premier “territoire emblématique” des crypto-enthousiastes ? Ou ne s’agit-il là qu’un des multiples mirages dont l’écosystème crypto est coutumier ?  

Une terre crypto à conquérir en plein océan Pacifique 

Satoshi Island se trouve dans le petit archipel du Vanuatu, situé au sud de l’océan Pacifique. L’île privée est présentée comme appartenant au groupe de gestion de fonds tout aussi privés Satoshi Island Limited dont on peine quelque peu à trouver l’existence légale et la juridiction où l’entité aurait été immatriculée.

L’objectif est simple : être la première société à supporter une finance décentralisée et devenir ainsi la capitale mondiale de la cryptomonnaie et de la technologie Blockchain, rien que ça. Le projet étant supposément soutenu par un gouvernement Vanuatais crypto friendly, il est prévu que les premiers citoyens, investisseurs ou simples curieux puissent être accueillis courant 2022.  

Les 3 millions de mètres carrés de surface que possède l’île seront divisés en 2100 blocs de Lands. Tous les blocs seront eux-mêmes divisés en 10 parcelles, vendues sous forme de NFT.

21 000 parcelles, un symbole fort qui renvoie au nombre maximum de bitcoins qui pourront jamais être minés.

Il sera possible pour les investisseurs d’acheter une ou plusieurs parcelles d’un même bloc afin d’agrandir leur propriété. D’après un récent communiqué, ces Lands seront convertissables en un jeton de propriété non fongible (NFPT) et le détenteur devra poursuivre les démarches afin de transformer ce NFPT en acte traditionnel de propriété, enregistré sur le registre foncier du Vanuatu.

Une fois le NFPT – et donc le terrain – en poche, viendra la conception et l’installation de la villa. Le cabinet d’architectes James Law Cybertecture, en charge du projet, a développé et mis au point les “Satoshi Island Module”, voulus comme des bâtiments “durables et intelligents”. 

« Le développement modulaire est l’avenir de la construction urbaine, au lieu de décennies, ils seront achevés en quelques années » 

James Law 

D’un format studio classique, ces modules ont été pensés afin d’être “combinables” et superposables.  Maisons, bureaux ou commerces pourront ainsi être agencés selon les goûts et les besoins de chacun.  

Satoshi Island propose par ailleurs à ses futurs habitants d’acquérir un “statut de citoyen” – toujours sous la  forme de NFT – ce dernier offrant de nombreux avantages et droits exclusifs. Limités à 21 000, ces “Citizenship NFTs” seront vendus et distribués dans les semaines et les mois à venir. Il est précisé que la citoyenneté de Satoshi Island « n’aurait aucun rapport avec la citoyenneté du Vanuatu« .

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Un goût de « Trop gros, trop beau »

Si les promesses faites par Satoshi Island sont alléchantes, des zones d’ombres persistent. En effet, hormis les informations, plutôt bien présentées, partagées sur le site officiel, nous ne disposons que de très peu d’éléments pour construire une vision objective de la véritable faisabilité du projet.

Plus inquiétant, alors que le groupe a annoncé avoir reçu le feu vert des autorités Vanuataises, de nouvelles demandes de certification sont restées sans réponse. Par ailleurs le Journal du Coin a contacté le consulat du Vanuatu installé en Nouvelle-Calédonie. Il était clair que personne n’avait entendu parler de ce grand projet, somme toute plutôt discret, ce qui contraste étonnamment avec les ambitions annoncées et la campagne de communication actuelle initiée par le projet.

Satoshi Island n’est pas la première ambition libertarienne d’une terre organisée par une communauté crypto. On peut par exemple penser à la très controversée « CryptoLand », une île privée des Fidji rachetée pour y construire un univers entièrement dédié au monde crypto. CryptoLand est – et sera, peut-être – une sorte d’immense parc à thèmes où les cryptofans pourront retrouver leurs mèmes favoris comme un taxi-lambo, des toilettes appelées « Shitcoin » ou bien un mémorial à la gloire de la fameuse arnaque Bitconnect…

Le problème étant qu’aujourd’hui une grande partie de la communauté s’accorde à dire que CryptoLand ne vaudra pas plus qu’un « Fyre Festival » : un projet particulièrement sur-vendu, très peu transparent et dénoncé par certains comme tout simplement irréalisable.

Enfin, et puisque les symboles ont de l’importance, difficile également de ne pas relever que si l’iconographie Bitcoin est largement mise en avant dans la communication du projet – jusque dans son nom de baptême – les actifs sous forme de NFT seront bien émis sur… Ethereum.

Un décalage bien loin de la « pureté » de l’initiative salvadorienne par exemple et qui pourrait bien faire s’étrangler les plus maximalistes, ou plus simplement ceux qui recherchent principalement de la cohérence dans ce type d’initiatives, au-delà du clinquant des effets d’annonces.

Si le projet fou de Satoshi Island ne manquera pas de faire rêver les plus enthousiastes, certains points sont à éclaircir afin d’avoir une vision plus rassurante quant à la faisabilité et la pérennité de l’île. Cette mode des localités indépendantes des institutions traditionnelles et entièrement régies par un écosystème crypto paraît en effet aujourd’hui encore précoce. Les plages et les villas paradisiaques acquises grâce à des NFT ne semblent être encore que des promesses qu’il serait raisonnable de prendre avec des pincettes.

Avertissement : le projet Satoshi Island s’apprête à procéder à ses premières ventes de NFT. Le JDC vous incite à la plus grande prudence s’agissant de ce type de projets exotiques, organisés dans des juridictions où il sera difficile de faire entendre ses droits en cas de déconvenue. Faites vos propres recherches et ne prenez de décisions d’investissement qu’une fois parfaitement éclairé.

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