Guide comptable et fiscal des ICOs par MR Capital
De grandes ICOs impliquent de grandes responsabilités. Mais aussi certaines obligations fiscales et comptables ! L’année 2017 a été marquée par la hausse spectaculaire des prix du bitcoin, ainsi que par la fièvre des ICOs. La SEC a tempéré cette fièvre en arguant qu’une bonne partie des ICOs devraient se voir appliquer le régime des titres financiers – ou securities en anglais. Les porteurs d’ICO ont changé de stratégie en proposant principalement des tokens utilitaires, c’est-à-dire des tokens pouvant être échangés contre des services.
L’exposé qui va suivre ne concerne que cette catégorie particulière de tokens : les tokens utilitaires. MR CAPITAL est un cabinet d’audit et de conseil financier dirigé par Yohan Raccah et Julien Mimoun. C’est à eux que nous devons cette analyse des tenants et des aboutissants de la comptabilité ainsi que de la fiscalité de la vente de tokens utilitaires.
« Les chiffres sont un langage, le traduire est notre métier. » MR CAPITAL
Comment Mr Capital a construit son analyse ?
Il n’existe actuellement aucun consensus sur la comptabilisation des ventes de tokens. De plus, il est quasiment impossible de se référer aux pratiques existantes, dès lors que très peu d’ICOs ont pris place sur le sol français.
Par conséquent, en l’absence de règles, les cofondateurs affirment :
« Il est tentant d’appliquer l’adage « if there’s no rule, then make the rule ». L’idée de ce document n’est cependant pas de créer la règle, mais d’appliquer à de nouvelles problématiques des règles déjà existantes. »
Comme établit précédemment, l’analyse développée tout au long de ce document n’a vocation à s’appliquer qu’aux tokens utilitaires. En raisonnant par analogie, les règles issues du crowdfunding ont été appliquées aux ventes de tokens.
Cette pratique y est définie comme :
« Le financement d’un bien ou service inexistant et financé par des personnes physiques ou morales extérieures au projet, qui ne sont ni créanciers, ni actionnaires (on exclut ici les opérations d’equity crowdfunding) et qui reçoivent en échange un droit d’utilisation du futur service à des conditions préférentielles. »
La comptabilité des ventes de tokens utilitaires
La première question à laquelle répond ce document est la suivante : comment comptabiliser le fruit des ventes de tokens ? Selon MR CAPITAL, ces ventes doivent être envisagées comme du chiffre d’affaires comptablement. En effet, le PCG – Plan Comptable Général – établit que le chiffre d’affaires comprend « les ventes de prestations de services réalisées avec des tiers dans l’exercice de l’activité professionnelle normale et courante de l’entreprise ».
La vente de tokens utilitaires s’entend souvent comme une prestation de services, en ce sens que ces tokens pourront être échangés contre des services une fois la plateforme en place. Nous avons donc une prestation de service, mais quel est son fait générateur ? C’est-à-dire, à quel moment le service est-il considéré comme effectivement réalisé ?
Deux options s’offrent à nous :
- Dans la première, le fait générateur se situe au moment du transfert du token sur les wallets de l’utilisateur.
- Dans la seconde, le fait générateur se situe au moment où l’utilisateur peut effectivement utiliser le token.
Quelle méthode utiliser pour comptabiliser le chiffre d’affaires ?
D’après le point de vue des auteurs, les méthodes applicables découlent des deux options évoquées précédemment. Si l’on retient la première option quant au fait générateur, alors, la méthode de comptabilisation « one shot » s’impose. Celle-ci commande de comptabiliser les ventes au moment de l’ICO.
La seconde option quant à elle permet d’utiliser soit la méthode de l’avancement soit celle de l’achèvement :
- Méthode de l’avancement : ici, même si l’intégralité du projet a déjà été facturée aux clients en amont, le chiffre d’affaires correspondant n’est reconnu que partiellement en fonction des différents jalons atteints par l’entreprise.
- Méthode de l’achèvement : elle conduit quant à elle à reconnaître le produit des ventes au moment de la finalisation du projet.
La méthode de l’avancement est préférable pour les projets de longue durée comme les ICOs, mais amène des obligations comptables accrues. Les obligations sont détaillées dans le document proposé par MR Capital à la page numéro cinq.
La fiscalité des opérations d’ICOs
Classiquement, une entreprise ne peut exercer que les activités qui entrent dans son objet social, c’est-à-dire, le but de cette entreprise tel que définit dans ses statuts.
L’entreprise est aussi autorisée à exercer des activités qui sont accessoires de la première, l’activité principale. Selon le code du commerce, le chiffre d’affaires comprend les ventes de marchandises et la production vendue de biens et services dans l’exercice de l’activité professionnelle normale et courante de l’entreprise.
L’activité principale d’une société porteuse d’une ICO proposant un token utilitaire, est une activité de fourniture de services. La vente de tokens n’est que le corollaire, l’accessoire, de cette activité. D’un point de vue opérationnel, la vente de tokens n’est qu’un moyen permettant la mise en œuvre de l’activité principale.
Toutefois, le résultat généré par la vente desdits tokens semble être assujetti à l’impôt sur les sociétés, selon MR Capital. Les différentes options comptables que nous avons évoquées précédemment ont aussi des incidences quant à la fiscalité de l’entreprise. En effet, ces trois méthodes n’ont pas les mêmes retombées en termes d’impôt sur les sociétés.
Au moment où ce guide a été rédigé, le rapport Landau sur les cryptomonnaies n’était pas encore paru. Et pourtant, les analyses fiscales et comptables développées par MR CAPITAL, que nous vous avons illustré dans l’infographie ci-dessus, sont soutenues par ce dernier. En effet, le rapport établi que la méthode comptable de l’avancement serait préférentielle pour les sociétés émettrices de tokens. L’utilisation de cette méthode, comme nous vous l’avons montré, permet d’étaler la comptabilisation des ventes de tokens. En retour, cela permet d’étaler ainsi que de réduire l’impôt sur les sociétés auquel sera soumis l’entreprise émettrice.
Le mot de la fin
Ayant moi-même un peu d’expérience en matière de crowdfunding, j’ai trouvé le raisonnement par analogie développé par MR CAPITAL tout à fait pertinent. La comparaison entre une ICO et une campagne de crowdfunding est une image que j’utilise souvent pour expliquer le concept d’ICO à un néophyte des cryptoactifs. Non seulement cette comparaison est adaptée, mais encore une fois le rapport Landau soutient ce raisonnement. De fait, les éléments avancés dans cet article ont donc vocation a régir les opérations d’ICOs en France.
La fiscalité des gains en cryptomonnaies a pu vous paraître punitive et la comptabilisation desdits gains extrêmement complexe. Toutefois, comme vous pouvez le voir, celle des ICOs est plus simple qu’il n’y paraît. J’espère qu’après cet article et une brève lecture de l’exposé de MR CAPITAL, les tenants et les aboutissants de la fiscalité et de la comptabilité des opérations d’ICO vous sembleront plus clairs. Peut-être que les plus aventureux et les plus ingénieux d’entre vous se lanceront eux-mêmes dans une ICO.
Cet article ne fait pas un traitement exhaustif de toutes les informations partagées par MR CAPITAL. Le document envisage aussi des problématiques telles que le paiement des conseillers de la société en tokens ou encore les problèmes de conversion liés à l’écosystème des cryptomonnaies. Si vous souhaitez avoir davantage de renseignements, je vous invite à parcourir ce document d’une dizaine de pages qui est une véritable mine d’informations en la matière.
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Sources : MrCapital || Images from Shutterstock