Fiscalité des cryptomonnaies #3 – Les impôts hors IR
En pleine vague d’incompréhension de nos politiques concernant le bitcoin, retour sur la fiscalité des cryptomonnaies dans ce 3e épisode de notre série. Petit spoiler, si vous pensiez en avoir terminé une fois les questions d’impôt sur le revenu réglées, c’est raté…
Nous traitons ici les questions relatives à la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), ainsi que celles relatives aux droits d’enregistrement.
Nous choisissons d’exclure l’Impôt sur les Sociétés (IS) de notre étude. En effet, l’IS viendrait, pour les questions de la fiscalité des opérations sur des cryptos, se substituer à l’impôt sur le revenu, et son application mériterait une étude complète dédiée.
La TVA sur les opérations cryptos
Une fois n’est pas coutume en matière d’impôt, on commence par une bonne nouvelle : aucune TVA n’est due sur les opérations relatives aux cryptos.
Nous devons cette position à un arrêt de 2015 de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), nous informant que « l’échange de devises traditionnelles contre des unités de la devise virtuelle « bitcoin », et inversement […] constituent des opérations exonérées de TVA » (CJUE, 22 octobre 2015, aff. C-264-14, Skatteverket c/ Hedqvist)
Cette décision est justifiée par une extension aux cryptomonnaies du régime applicable aux devises traditionnelles.
Bien entendu, il ne s’agit pas d’une assimilation entre les deux. La CJUE considère simplement que le bitcoin n’a pas d’autre finalité que celle de moyen de paiement.
À la lecture de cet arrêt, on peut légitimement se poser deux questions :
- La décision concerne-t-elle les trades, ou uniquement les conversions en fiat ?
- La décision concerne-t-elle les autres cryptos ?
Nous sommes tentés de répondre oui aux deux questions, bien que celles-ci ne soient pas clairement tranchées.
Pour la 1re question, il faut souligner que les trades s’analysent juridiquement comme des échanges de biens.
Fiscalement, les deux parties à un échange sont chacune réputées avoir réalisé une vente et un achat simultanés. Cette solution est notamment celle adoptée en matière de TVA.
Ainsi, chaque trader sera considéré comme ayant vendu ses cryptos contre des devises traditionnelles. Avec ces devises, de nouvelles cryptos sont achetées. Bien entendu, cela relève d’une fiction juridique et fiscale.
Selon cette analyse, l’exonération de TVA concerne donc les conversions en fiat, mais aussi les trades.
Pour la seconde question, il est un peu plus difficile de prendre position, dans la mesure où l’analyse de la CJUE est spécifique au bitcoin, qui n’a pas, dans son concept, d’autre finalité que de servir de moyen de paiement alternatif.
Au contraire, concernant les autres réseaux, il existe une multitude d’autres finalités, dont il serait fastidieux de dresser l’inventaire.
Cependant, si les réseaux n’ont pas forcément vocation à servir de moyen de paiement entre les utilisateurs d’une blockchain, leurs cryptos ont en revanche comme finalité de servir à rémunérer les mineurs au titre de la validation des blocs.
Selon cette analyse, pour laquelle nous penchons, les cryptomonnaies ont systématiquement comme finalité unique de servir de moyen de paiement. Les blockchains peuvent en revanche avoir d’autres finalités.
Si l’on devait compléter l’arrêt de la CJUE, on pourrait dire que le Bitcoin et le bitcoin ont tous deux comme finalité unique de servir de moyen de paiement. Au contraire, en prenant l’exemple du réseau Ethereum, il serait plus juste de dire que ce réseau a pour finalité la réalisation de smart contract, tandis que l’Ether a pour finalité de servir de moyen de paiement au profit des mineurs.
C’est pourquoi nous pensons que, dans tous les cas et quelle que soit la crypto envisagée, les trades et conversion en fiat ne seront pas assujettis à la TVA.
Pour l’anecdote, soumettre les opérations cryptos à la TVA, ce serait aussi prendre le risque d’une nouvelle fraude dite « carrousel » massive, comme cela avait été le cas concernant les ventes de quotas carbone (qui avaient coûté la « modique » somme de 1,6 milliard d’euros à la France, et 6 milliards à l’UE).
Devant ce risque, pas sûr que l’UE ose assujettir les cryptos à la TVA…
Les droits d’enregistrement sur les opérations cryptos
La doctrine administrative a précisé que les bitcoins, et par extension les autres cryptos, faisaient partie des biens imposables aux droits de mutation à titre gratuit.
En clair, si vous envisagez de donner vos cryptos, ou si vous possédez des cryptos lors de votre décès, l’Etat prélèvera sa dîme sur la transmission.
L’assiette de l’impôt, c’est-à-dire le montant sur lequel il est calculé, est constitué par la valeur réelle des cryptos au jour de l’opération. Cette assiette peut néanmoins être diminuée en appliquant certains abattements.
Retenez aussi que l’impôt est calculé sur la valeur reçue par le bénéficiaire, et qu’il appartient en principe à ce dernier d’acquitter les droits. Pour les donations, les droits peuvent être pris en charge par le donateur sans augmenter la valeur taxable.
Passons en revue les différentes transmissions, pour vous donner une idée de la fiscalité applicable. A noter que les abattements et les tranches d’imposition sont utilisables une fois tous les 15 ans seulement (règle du rappel des donations antérieures).
- Transmission entre époux ou partenaire de PACS
Pas d’impôts en cas de succession, abattement de 80.724 € en cas de donation.
Le taux d’imposition varie de 5% (assiette inférieure à 8.072 €) à 45% (assiette supérieure à 1.805.677 €. En cas de transmission comprise entre 31.865 € et 552.324 €, vous serez à la tranche à 20%.
- Transmission en ligne directe
On vise ici les transmissions au profit des ascendants (parents, grands-parents, etc.) et des descendants (enfants, petits-enfants, etc.), quel que soit le degré de parenté.
En cas de transmission aux enfants, on applique un abattement de 100.000 € par parent et par enfant.
Nous vous donnons seulement l’abattement applicable aux enfants, mais sachez qu’en cas de donation, il existe de multiples autres abattements : pour les petits-enfants, pour les arrière-petits-enfants.
Le taux d’imposition varie de 5% (assiette inférieure à 8.072 €) à 45% (assiette supérieure à 1.805.677 €). En cas de transmission comprise entre 15.932 € € et 552.324 €, vous serez à la tranche à 20%.
- Transmission entre frères et sœurs
L’abattement est ici de 15.932 €, et le taux d’imposition est de 35% pour la valeur inférieure à 24.430 €, 45% pour la part supérieure.
- Autres transmissions
Nous ne ferons pas l’inventaire des abattements ici, il en existe beaucoup, selon le degré de parenté et la situation.
Le taux d’imposition est unique et dépend du degré de parenté.
Entre parents, jusqu’au 4e degré : 55%.
Entre non-parents, ou entre parents au-delà du 4ème degré : 60%.
Pour calculer les degrés de parenté, c’est très simple, il suffit de tracer un arbre généalogique, et de compter les liens jusqu’au bénéficiaire de la transmission. Par exemple, votre cousin direct est votre parent au 4e degré.
III/ Les autres taxes
Une autre bonne nouvelle : avec la suppression de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF), la valeur de votre patrimoine crypto n’est plus taxable. Seuls les biens immobiliers sont concernés par le nouvel Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI).
En revanche, la suppression de l’ISF n’est effective qu’à partir du 1er janvier 2018. Si votre patrimoine dépassait 1,3 million d’euros au 1er janvier 2017 (ou au 1er janvier d’une autre année), vos cryptos étaient taxables.
Si vous dépassiez le seuil compte tenu de la valeur de vos cryptos, ou que vous les aviez omises de votre déclaration, il serait peut-être judicieux de souscrire une déclaration ou de rectifier celle déposée.
Un petit point très rapide sur la Contribution Economique Territoriale (CET), qui comprend la Cotisation Foncière des Entreprise (CFE) et la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE).
Cet impôt vise les personnes qui exercent une activité remplissant les conditions suivantes : habituelle, professionnelle, non salariée et située en France.
Ces personnes sont assujetties à la CFE au titre des locaux utilisés pour les besoins de l’activité, ainsi qu’à la CVAE au titre de leur bénéfice.
En cas d’assujettissement à la CET, il est probable que vous soyez également soumis à diverses taxes additionnelles, telles que la taxe pour frais de chambre de commerce et d’industrie ou la taxe spéciale au profit de la région Île-de-France (si vous habitez la région bien sûr).
Nous n’entrons pas dans le détail de ces impôts, qui sont assez complexes, retenez juste les critères permettant de déterminer si l’on est assujetti à ces impôts.
Nous vous laissons sur le rappel de nos articles parus ou à paraître sur la fiscalité des cryptos :