Loi PACTE : adoption d’un label AMF facultatif pour les ICO et les prestataires en crypto-actifs

Une soirée animée à l’Assemblée Nationale, et voilà un nouveau cadre législatif qui s’installe L’Assemblée Nationale a adopté dans la soirée du 28 septembre les articles 26 et 26 bis de la loi PACTE en séance. C’est dans une ambiance âpre que certaines évolutions législatives nous intéressant viennent d’être adoptées, à savoir notamment la mise en place d’un label facultatif à destination des émetteurs de jetons (ICO) et certains autres prestataires en cryptoactifs, délivré par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), rattaché à un droit au compte bancaire a priori plus effectif grâce à l’aide de la Caisse des Dépôts et Consignations.

De très nombreux amendements étaient à chaque fois proposés. Je vais vous résumer ce qui, oui ou non, a été adopté le 28 septembre au soir. Gardez toutefois en tête que, par le jeu de la navette législative, ces évolutions seront probablement amenées à encore muter d’ici à l’adoption du texte de loi définitif.

L’article 26 adopté : création d’un label AMF facultatif pour les ICO

Fût notamment discuté la nécessité pour les émetteurs d’ICO d’être soumis à une obligation d’information, sous la forme de la publication d’un document par l’émetteur à destination des investisseurs. Dans ce document, auraient pu se trouver de multiples informations classiques, parmi lesquelles notamment la présentation du résultat de l’émission de tokens crypto, les soft et hard cap et leurs complétions respectives, ou encore les montants totaux levés. En l’état, si les députés n’ont pas rejeté dans leurs discussions le principe d’un tel document de suivi, ils ont préféré s’abstenir de graver cette obligation dans la loi, préférant laisser l’AMF se prononcer plus tard sur ce point.

La possibilité pour l’AMF de sanctionner un émetteur de jetons qui aurait obtenu son visa mais qui ne respecterait finalement pas ses obligations a aussi été débattue. En définitive, l’AMF ne se verra pas gratifier d’un pouvoir de sanction en pareil cas, car le visa est optionnel et il pourrait être difficile techniquement d’interdire l’émission de nouveaux jetons. La possibilité est néanmoins laissée à l’AMF, en pareil cas, de communiquer le plus largement possible pour annoncer le retrait du visa et l’identité de l’émetteur concerné.

L’Assemblée s’est également prononcée pour que l’AMF ne se prononce pas sur les ICO ayant eu lieu avant l’entrée en vigueur de la loi, notamment pour régler le problème du droit au compte. L’amendement a finalement été retiré en raison de la forme du visa de l’AMF, conçu exclusivement pour les émissions initiales.

Le droit au compte dans les faits : duel à fleurets mouchetés

Un autre point central était abordé en séance : du fait des difficultés actuelles pour les sociétés désirant entreprendre dans la cryptosphère, certains députés ont proposé des amendements pour permettre l’accès à un compte dans le cas où les banques commerciales refuseraient de tenir ce rôle.

L’extension du droit au compte aux plateformes de change, et pas seulement aux émetteurs d’ICO, ainsi que le principe d’un compte bancaire qui serait tenu par une entité publique de subsidiarité ont notamment été discuté. Plusieurs sous-amendements de Laure de la Raudière à destination des prestataires ayant obtenu le label AMF ont été rejetés, lesquels proposaient que ce soit tantôt la Caisse des Dépôts et des Consignations, tantôt la Banque de France qui tiennent ce rôle.

Si le rapporteur et le gouvernement se sont prononcés négativement pour ces multiples sous-amendements, c’était sans compter sur la pugnacité des députés en question : c’est finalement Pierre Person qui a vu son amendement adopté, permettant que ce soit bien la Caisse des Dépôts et des Consignations (CDC) qui soit chargée d’ouvrir un compte aux différentes parties prenantes du crypto-écosystème en cas de refus des banques commerciales, si ces prestataires ont obtenu le label AMF.

Par ailleurs, l’Assemblée Nationale n’a pas adopté de sanction spécifique en cas de discrimination par les banques concernant l’ouverture du compte bancaire:  en parallèle du recours à la CDC, une entreprise opérant dans la cryptosphère qui se verrait refuser l’ouverture d’un compte auprès d’une banque commerciale et qui s’estimerait discriminée pourrait avoir recours au juge ou à l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR). C’est en effet l’ACPR qui devra effectuer les diligences nécessaires pour s’assurer que la lutte anti-blanchiment est effective chez les acteurs crypto, pour que les banques commerciales puissent ouvrir des comptes.

Article 26 bis : l’agrément AMF optionnel ne se limite plus aux ICO

Les députés ont ensuite débattu de la possibilité pour les prestataires de services relatifs aux crypto-actifs de solliciter l’agrément optionnel AMF, comme les émetteurs d’ICO. C’est donc bien l’AMF qui devient le guichet unique auquel s’adresser. Cependant, il y a quelques subtilités : certains des services relèveraient uniquement de l’AMF, d’autres impliqueraient également un avis de l’ACPR (concernant la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme).

Enfin, un dernier amendement a été rejeté : il concernait l’extension du label AMF optionnel aux services de conservation de clés privés (comme Ledger, expressément cité dans l’amendement) mais sans obligation d’un avis de l’ACPR. En l’état, c’est donc un refus, mais le gouvernement s’est engagé à ce que ces dispositions figurent à terme dans les décrets d’application de la loi.

En conclusion, l’Assemblée Nationale a bien adopté le principe d’un label AMF facultatif pour les émetteurs de jetons (article 26) et pour les prestataires de services relatifs aux crypto (article 26 bis).

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Grégory Mohet-Guittard

Je fais des trucs au JDC depuis 2018. En ce moment, souvent en podcast et la tête dans le nuage.