Affaire FTX : le ton monte entre les avocats de l’exchange et le régulateur des Bahamas
Géopolitique de la justice – Le caractère international de l’affaire FTX a sérieusement tendance à compliquer la tâche de la justice américaine. Lors de la première audience de mardi dernier, les avocats de la plateforme en faillite avaient fait quelques sous-entendus à propos de la gestion de la commission des valeurs mobilières aux Bahamas (SCB) où est enregistrée une entité importante de FTX. Et, le régulateur du petit État insulaire ne compte pas se laisser faire dans cette histoire qui le met tout à coup sous le feu des projecteurs du monde entier. Décryptage.
Subtilités de la loi américaine sur les faillites dans le dossier tentaculaire de FTX
S’intéresser à la procédure de faillite de FTX, c’est d’abord se pencher sur le fonctionnement de la justice américaine. Vous êtes maintenant familiarisés avec le fameux chapitre 11 de la loi sur les faillites qui permet à une entreprise en difficulté de se mettre sous la tutelle d’un tribunal américain pour gérer le remboursement de ses dettes. Aujourd’hui, nous allons découvrir le chapitre 15 de cette même loi sur les faillites.
Il donne la possibilité à une entreprise étrangère faisant l’objet d’une procédure de faillite dans son pays d’origine, de demander à un juge fédéral de geler l’ensemble de ses avoirs sur le sol américain. Ceci afin d’empêcher leur saisie par des créanciers étrangers. Et c’est là qu’intervient FTX Digital Market Ltd. (FDM), l’entité bahamienne de FTX.
Des accords sur le transfert du dossier dans le Delaware
Petit rappel rapide des événements : dès le 10 novembre, la SCB suspend les activités de FDM dans le pays et place la société en liquidation provisoire sous l’autorité de la cour suprême des Bahamas. Puis le 12 novembre, dans une confusion certaine, la SCB requiert de nouveau la cour suprême pour procéder à un « retrait » des actifs numériques de la plateforme. Finalement, le 15 novembre, les liquidateurs locaux vont demander le placement de FDM sous le chapitre 15 de la loi sur les faillites auprès du Tribunal du District Sud de New-York.
Mais de son côté, FTX Trading Ltd, l’entité principale de FTX aux États-Unis, avait déjà déposé, le 11 novembre, une demande de mise en faillite sous le chapitre 11 de la loi sur les faillites, mais dans le Delaware. Il y avait donc deux dossiers distincts déposés dans deux juridictions différentes. Finalement, c’est le 22 novembre, soit le jour même de la première audience dans le dossier, que les deux parties se sont mises d’accord pour rassembler l’ensemble des procédures sous l’autorité du Tribunal de Wilmington dans le Delaware.
Désaccords sur la présentation des faits par les avocats de FTX
Et alors que tout ce petit monde semblait d’accord sur la procédure, les déclarations des avocats de FTX lors de l’audience de mardi sont venues mettre le feu aux poudres avec des sous-entendus clairement mal acceptés par le régulateur des Bahamas :
« Il y a des preuves crédibles que le gouvernement des Bahamas est responsable d’avoir ordonné un accès non autorisé aux systèmes [informatiques] des débiteurs [FTX Digital Market] dans le but d’obtenir leurs actifs numériques, et ce, après le déclenchement de la procédure. Ceci posant de sérieuses questions quant au respect du chapitre 15. »
Réponse cinglante de la SCB par communiqué de presse qui fait référence aux témoignages des équipes de FTX :
« Il est préoccupant que les débiteurs du chapitre 11 [ FTX Trading Ltd] aient choisi de s’appuyer sur les déclarations d’individus qu’ils ont, dans d’autres documents, qualifiés de sources d’informations peu fiables et potentiellement gravement compromis. »
La SCB poursuit en accusant également John Ray, le nouveau CEO de FTX, d’avoir « déformé l’action opportune de la commission avec des allégations intempestives et inexactes ». Avant de conclure que compte tenu des révélations sur Sam Bankman-Fried et ses équipes, les autorités des Bahamas ont très bien fait de procéder au retrait en urgence des fonds encore disponibles sur la plateforme pour garantir leur sécurité. Sur ce coup-là, difficile de donner tort au régulateur de l’archipel caribéen tant la gestion de SBF apparaît chaque jour plus désastreuse.