Le futur des altcoins

Chapitre III Article l

Que l’on soit un investisseur ou un passionné de nouvelles technologies, l’avenir des altcoins interroge. Le spéculateur est curieux de savoir quel sera le prochain à afficher un retour sur investissement à 3 chiffres. Le développeur, quant à lui, recherche le réseau où il pourra travailler durablement.

Comment savoir de quoi sera fait demain ? Nous l'avons vu en ce qui concerne les mécanismes de consensus, la recherche est prolifique et les innovations n'arrêtent pas. Les altcoins les plus solides le seront-ils encore demain, ou laisseront-ils la place à de nouveaux venus ? Pour vous faire l'idée la plus juste possible de quels seront les survivants dans la jungle des cryptoactifs, nous vous proposons ici une liste des éléments les plus importants à prendre en compte.

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Les performances

Les performances techniques

Bien entendu, les altcoins de demain seront sûrement ceux présentant les meilleures performances techniques. En effet, dès l’apparition des premiers altcoins, ce paramètre fut mis en avant par leurs développeurs. Parmi les nombreuses métriques permettant d’en juger, citons les plus utiles :

  • Degré de décentralisation du réseau (nombre de nœuds actifs, répartition géographique) ;
  • Débit en transactions par seconde ;
  • Durée de finalisation d’une transaction ;
  • Coût des frais de transaction ;
  • Efficience énergétique (le rapport entre l’énergie dépensée pour opérer et sécuriser un réseau et sa qualité) ;
  • Latence des transactions (la durée entre laquelle une transaction est soumise au réseau et son acceptation ou son rejet) ;
  • Scalabilité (la capacité du réseau à accompagner une montée en charge, c’est-à-dire à s’adapter à un nombre croissant d’utilisateurs tout en gardant ses performances).

Ces métriques sont évidemment inter-dépendantes, ce qui les rend d'autant plus difficiles à mesurer et à analyser. C’est particulièrement le cas de l’efficience énergétique (Bitcoin semble coûteux en énergie mais présente le plus haut degré de sécurité et concentre le plus de valeur). De même, évaluer la scalabilité d’un réseau est complexe, car il faut prendre en compte les différents compromis mis en place pour l’améliorer.

Le trilemme des blockchains

Nous vous en avons déjà parlé dans le Chapitre sur Bitcoin, la course à la performance est fortement marquée par la résolution du fameux trilemme des blockchains.

Du côté des altcoins de couche primaire et des plateformes de smart contracts, le problème est identique. Pour rappel, ce trilemme initialement formulé par Vitalik Buterin, le créateur d'Ethereum, stipule qu'un réseau blockchain ne peut assurer tout au plus que deux des trois propriétés suivantes :

Le trilemme des blockchains
Le trilemme des blockchains

De la scalabilité (capacité du réseau à s'adapter à la montée en charge) découle donc la vitesse, le débit de transactions qu'un réseau blockchain est capable de supporter. C'est un paramètre important, et toutes les plateformes de smart contracts sont en concurrence sur cet aspect. En effet, l'adoption de masse de ces systèmes ne sera possible que s'ils peuvent accueillir un nombre croissant d'utilisateurs.

Le but des développeurs des réseaux blockchain est donc d'offrir le meilleur compromis entre ces trois propriétés. Sur Ethereum, l'amélioration de la scalabilité repose sur ses couches secondaires (layers 2). En revanche, les concepteurs des blockchains dites « de troisième génération » comme Solana ou Avalanche ont tenté de résoudre le trilemme par conception, au cœur du protocole.

L'une des idées est de séparer les différents composants de la couche primaire du réseau en sous-couches :

  • Mécanisme de consensus ;
  • Disponibilité des données ;
  • Calculs et transactions (couche d'exécution).

Ainsi, l'avenir des altcoins passera certainement par les blockchains dites modulaires, où ces composants sont traités sur des couches différentes. C'est le cas, par exemple, de Celestia.

Un avenir multichaînes

Il existe aujourd’hui une grande variété de réseaux (et d'altcoins) différents. Les férus de cryptomonnaies, de smart contracts et de finance décentralisée en utilisent généralement plusieurs. Cependant, le manque d'interopérabilité entre ces différents réseaux entraîne une piètre expérience utilisateur. À l'avenir, nous verrons donc apparaître de nouveaux systèmes permettant d'améliorer cette interopérabilité entre les différentes chaînes.

Concrètement, cela signifie qu'il sera de plus en plus aisé de déplacer ses actifs d'une chaîne à l'autre. De même, les applications décentralisées (dApps) déployées sur un réseau spécifique pourront facilement récupérer des données sur d'autres chaînes, interagir avec un smart contract déployé sur une plateforme spécifique, et ainsi de suite.

L'avenir de l'industrie crypto au sens large dépend donc aussi fortement de la qualité de l'expérience utilisateur (UX). C'est pourquoi les développeurs devront prêter une grande attention à la qualité des interfaces entre l'humain et les blockchains. Du côté des interactions entre les dApps, donc des interfaces machine-to-machine, l'avenir dépend des API (interfaces de programmation). Les meilleures solutions du domaine seront valorisées par le marché.

Lava Network - Altcoins & chains
Quelques exemples des chaînes connectées grâce à Lava Network

Si l'avenir est bien multichaînes, cela signifie sûrement (mais pas obligatoirement) que les altcoins de ces blockchains feront bien partie du futur. Les altcoins des systèmes permettant l'interopérabilité seront aussi de la partie, ainsi que ceux des dApps les plus agréables à utiliser. Reste à savoir lesquels...

Le marketing et l'accessibilité

L’évaluation des performances techniques d’un altcoin est presque un métier à part entière. Tous les concepteurs d’altcoins mettent l’accent sur telle ou telle métrique, se vantant d’avoir la blockchain la plus rapide, la plus scalable ou la moins chère.

Si ce sont bien des points très importants pour évaluer le potentiel d’un altcoin, ils ne sont qu’une partie des facteurs dont leur futur dépend. L'avenir des altcoins, au long terme, ne dépend pas seulement de leurs performances ou de leur appréciation financière par le marché.

Ainsi, le marketing d'un projet à bien souvent une influence très palpable sur le cours de l’altcoin et sur sa survie. De même, son accessibilité pour les utilisateurs et les développeurs est cruciale. La plupart des codeurs engagés dans l’industrie crypto préfèrent des altcoins faciles à appréhender en termes d'environnement de développement. Ils ont tendance à favoriser les langages de programmation les plus répandus, et les plus agréables à utiliser.

Par ailleurs, d'autres conditions sont nécessaires (mais pas suffisantes) à la valorisation des altcoins et à leur survie : leur utilité et leur usage réel.

L’usage réel des altcoins

Tout comme ses performances techniques, l’usage réel d’un altcoin est difficile à quantifier. Les métriques les plus communes à observer pour s'en faire une idée sont :

  • Le nombre de nœuds du réseau ;
  • Le volume de transactions ;
  • La quantité de développeurs dédiés ;
  • Son adoption par des entreprises ou des institutions.

Il faut cependant faire attention aux biais d’interprétation. Un altcoin peut par exemple présenter un volume de transactions très élevé, mais ces dernières peuvent être vides, correspondre à du spam, ou à une grande quantité de votes on-chain dans le cadre d’un réseau en dPoS. Ainsi, un volume de transactions élevé n’est pas forcément synonyme d’adoption croissante ou d’utilisation réelle du réseau.

Nombre d'adresses uniques actives, volume et transactions on-chain sur EOS. Prometteur à son lancement, l'essentiel de l'activité est aujourd'hui dû à une seule application, le metavers Upland
Nombre d'adresses uniques actives, volume et transactions on-chain sur EOS. Prometteur à son lancement, l'essentiel de l'activité est aujourd'hui dû à une seule application, le metavers Upland

L'engagement communautaire

Un bon moyen d’évaluer le potentiel à long terme d’un altcoin reste de suivre l’évolution de sa communauté. En premier lieu, les développeurs qui maintiennent et mettent à jour le réseau, proposent des améliorations, et créent des applications, sont une ressource précieuse. Un altcoin qui a une forte traction et agrège de nombreux chercheurs et codeurs a de grandes chances d’avoir un avenir. En revanche, un projet crypto très beau sur le papier mais qui n’intéresse personne, risque fort de sombrer dans l’oubli.

L'étude de l'activité autour de l'altcoin sur les différents réseaux sociaux, tel X, Telegram ou Discord, est un bon moyen de juger de l'engagement communautaire.

Il existe désormais des centaines de milliers d’altcoins, et il est difficile de penser que la majorité passera l’épreuve du temps. Le parallèle avec les entreprises et les startups de l’Internet de la fin des années 90 est évident. Sur les dizaines de moteurs de recherche développés à l’époque, seuls Google, Bing et Yahoo ont survécu. N'oublions pas cependant que l'un des premiers usages des cryptomonnaies reste... la spéculation !

Le darwinisme monétaire

Les monnaies sont comme les projets d'entreprise : elles ont foisonné dans l’histoire, mais la plupart ont disparu.

À titre d'exemple, un français âgé de 100 ans aujourd'hui a déjà connu trois monnaies à cours légal et forcé dans sa vie : l’ancien franc, le nouveau franc, et l’euro. En prenant un peu de recul, il est donc très difficile d’être certain de l’avenir d’une monnaie.

L’Histoire démontre qu’hormis l’or, la plupart des monnaies imposées par les États (dites aussi monnaies fiat) ont connu une fin rapide. C’est particulièrement vrai pour les monnaies papier. Citons comme exemple l’histoire de la Chine, inventeur des billets de banque. Du néolithique à la dynastie Yuan, les Chinois auront connu des milliers de monnaies différentes, variant selon les royaumes, les époques et les dynasties au pouvoir.

Si la plupart n'ont pas obligatoirement une fonction purement monétaire, il en sera de même pour les cryptomonnaies. Certaines deviendront obsolètes, d'autres seront abandonnées par leurs développeurs. Les entreprises peuvent privilégier telle ou telle solution, puis passer à autre chose.

Attention à l'excès d'optimisme : la majorité des altcoins sombrera dans l'oubli, si l'on en croit l'Histoire. Il suffit de jeter un œil sur les altcoins présents dans le top de Coinmarketcap il y a 10 ans pour le vérifier.

Top altcoins market cap 2014
Le top 17 des altcoins en termes de capitalisation de marché en janvier 2014

Le Bitcoin maximalisme

On appelle Bitcoin maximalisme l'idée selon laquelle seul le réseau Bitcoin et sa cryptomonnaie native, le BTC, est utile et voué à survivre. Certains pensent ainsi que toutes les cryptomonnaies alternatives à Bitcoin ne sont que des coquilles vides, des expérimentations sans intérêt. Les altcoins ne seront jamais utilisés et adoptés à grande échelle, et n'ont rien de monnaies. Pour les Bitcoin maximalistes, les altcoins ne sont que des shitcoins !

De plus, les Bitcoin maximalistes pensent que les applications disponibles sur d'autres blockchains pourront être aussi déployées sur Bitcoin. Elles bénéficieraient de son très haut degré de sécurité. C'est une thèse qui semble de plus en plus difficile à soutenir quand on voit le succès des plateformes de smart contracts, à commencer par la première d'entre elles, Ethereum. Il est cependant logique de penser que de nombreux altcoins ayant pour rôle principal de servir de monnaie d'échange ou de réserve de valeur finiront par disparaître.

La thèse des Bitcoin maximalistes dépend fortement des améliorations qui seront déployées au sein du protocole Bitcoin. Pour l'instant, et pour des raisons idéologiques et de sécurité, ses mises à jour sont lentes. Toutefois, Bitcoin bénéficie d'une forte communauté de scientifiques, de chercheurs et de développeurs, qui travaillent activement à son succès.

La régulation

La survie d'une cryptomonnaie dépend aussi du sort que lui réservent les régulateurs financiers. Par exemple, les cryptomonnaies anonymes n'ont pas le vent en poupe. De même, le statut juridique conféré à certains altcoins peut compromettre leurs avenirs.

C'est notamment le cas des jetons qui sont classés dans la catégorie des security tokens. Leurs équipes de développement risquent alors gros : ils peuvent se retrouver accusés de vente de valeurs mobilières non-autorisée par les gendarmes financiers américains (SEC). Heureusement, notamment depuis la récente victoire de Ripple, il semblerait que ce vecteur d'attaque juridique ne soit plus efficace.

Cependant, de nombreux gouvernements voient d'un mauvais œil les cryptomonnaies, qu'ils considèrent comme un dangereux outil d'émancipation financière. Les altcoins qui arriveront à rester légaux, voire à être soutenus et adoptés par des gouvernements seront sûrement promus à un avenir plus radieux que celui des autres.

Que l'ont soit un fervent libertarien, un anarcho capitaliste ou un étatiste, il est très difficile de spéculer sur l'avenir des altcoins avec certitude. D'autant plus que tous les paramètres énoncés ici ne sont pas obligatoirement directement liés alors qu'ils ont tous un impact sur le futur. Nous retiendrons ici que deux catégories d'altcoin nous semblent les plus susceptibles d'avoir un avenir prometteur : ceux qui sont déjà bien établis, et agrègent une communauté active, et ceux qui présentent des atouts techniques indéniables pour s’imposer dans le Web3, sujet de l'article suivant.

Nous conclurons enfin cet article sur une incitation à la prudence. Vous devez absolument connaître votre profil d'investisseur et votre tolérance au risque avant d'investir dans les altcoins !