Cryptomonnaies : Cette annonce va changer le marché à jamais !
Le 20 mars 2024, un nouveau coup de tonnerre a secoué l’écosystème crypto. BlackRock, le géant américain qu’on ne présente plus, a officialisé le lancement de son premier fonds tokenisé sur une blockchain publique. La nouvelle a fait d’autant plus de bruit que la blockchain choisie par le fonds de Larry Fink n’est autre qu’Ethereum, la blockchain de Vitalik Buterin.
On ne dirait pas comme ça, mais cette actualité n’est vraiment pas anodine et risque d’avoir un impact conséquent sur le futur des cryptos. Tout ça me donne l’occasion de vous parler d’un narratif crypto très intéressant, les RWA pour Real World Assets. C’est parti.
Quand on évoque les différentes possibilités qu’offre la technologie blockchain, on parle souvent de NFT, de DeFi, et même de DePin pour Decentralized Physical Infrastructures. Ces secteurs représentent tous des cas d’usages et une mise en pratique concrète des avantages de la blockchain et sont tous des domaines que les cryptomonnaies viennent disrupter directement ou indirectement. Parmi ces applications, on en retrouve d’autres un peu moins connus comme la tokenisation de ce que l’on appelle les actifs du monde réel.
Tokenisation : la valeur intrinsèque des actifs physiques
Pour comprendre de quoi il en retourne, il faut déjà comprendre de quoi on parle. Dans les grandes lignes, un actif financier est un titre ou un contrat qui est généralement transmissible et négociable sur un marché et qui est susceptible d’apporter des revenus ou un gain en capital à son détenteur, le tout moyennant une certaine prise de risque. Lorsque l’on parle d’actif du monde réel, on parle d’actifs, mais qui ont une contrepartie physique et palpable ainsi qu’une valeur matérielle. En clair, il s’agit d’un bien tangible et concret ayant une valeur intrinsèque. C’est un actif physique à l’opposé des cryptomonnaies par exemple, qui n’existent que dans le cyberespace.
Cela peut être de l’immobilier par exemple, comme un appartement, une maison, un garage, ou encore un terrain. C’est la première chose qui nous vient en tête, en général, mais en réalité c’est bien plus vaste que ça. Dans les actifs du monde réel on retrouve aussi l’or, le pétrole, le gaz, bref l’ensemble de ce qu’on appelle communément les matières premières et qui, encore une fois, sont physiques. Je fais la distinction parce que du côté de la SEC, le gendarme des marchés financiers américains, bitcoin a tout d’une matière première, pourtant sa nature intangible fait qu’on ne peut pas le considérer comme un asset du monde réel en tant que token circulant sur une blockchain. On peut aussi penser aux objets d’art, que ce soit les tableaux, les sculptures, les voitures de collection, les bijoux… Bref, c’est vraiment vaste.
En réalité, ces actifs présentent de nombreux avantages comme par exemple, je vous en parlais, leur valeur intrinsèque qui est intimement liée à leur tangibilité. Cette valeur fait que ce genre d’actif ne dépendent mécaniquement que très peu des affres du marché, et donc ils permettent forcément une diversification notable dans un portefeuille. En plus, certains actifs du monde réel présentent un véritable intérêt quand il s’agit de parler de rendement ou de protection contre l’inflation, comme l’or ou l’immobilier par exemple.
Cependant, vous vous en doutez, ce genre d’actif présente aussi quelques inconvénients.
Le défi de l’illiquidité
Le principal, c’est leur illiquidité. Et oui, on ne vend pas un appartement comme on vendrait une action chez un broker par exemple, ça prend un poil plus de temps. Et ce n’est pas difficile à comprendre, cette illiquidité vient de plusieurs choses. Déjà, la coïncidence des besoins fait qu’il est forcément plus compliqué de vendre ou d’acheter un actif du monde réel. Certains sont relativement liquides comme l’or par exemple, mais si vous avec une tonne de charbon, la tonne aura beau valoir un certain prix, bonne chance pour l’échanger avec votre voisin.
C’est le problème fondamental du troc et c’est justement pour ça qu’on a inventé les monnaies. Ensuite, cette illiquidité peut aussi provenir d’un manque de coïncidence géographique ou temporelle. Pour reprendre l’exemple du charbon, même si vous trouvez un acheteur, ça sera très compliqué de lui faire parvenir votre tonne de roche combustible dans un temps raisonnable et à moindre frais.
C’est un peu la même chose pour un bien immobilier par exemple, sauf que dans ce cas précis il n’est pas question de déplacer le terrain ou la maison, mais pour autant, de nombreux frais et procédures sont adossés à la vente de ce genre d’actifs. Et je ne vous parle même pas des risques inhérents au déplacement de certaines marchandises, comme l’or. Si vous avez un gramme d’or dans votre poche que vous souhaitez vendre, ça devrait aller, mais quand on commence à devoir en déplacer des kilos, voire des tonnes, sur une distance relativement longue, parfois même d’un pays à un autre, c’est tout de suite une autre paire de manches niveau coût, organisation et sécurité.
Des certificats au porteur à la tokenisation
Avant Internet, une façon de faire était d’utiliser ce que l’on appelle les certificats au porteur. Pour la faire courte, il s’agit d’un système utilisant des contrats papiers servant de titres de propriété pour des actifs financiers. Historiquement, c’était plutôt utilisé pour des parts dans une entreprise. Il s’agit de documents physiques chargés de symboliser la propriété d’un actif.
La possession du certificat constituait la preuve de propriété et les échanges se faisaient simplement par la remise du document. Bien que ça n’était pas leur utilisation principale, on utilisait aussi ce genre de contrats pour des actifs du monde réel, comme les matières premières justement, via des certificats de dépôt, des warrants ou encore des bons de souscription.
Cependant, l’utilisation de ce genre de technologie archaïque posait problème, surtout dans le cas des matières premières. A cause du manque de standardisation, des risques de fraude ainsi que des coûts de stockage et de transport élevés de ces actifs, il fallait trouver autre chose. A partir des années 1980, ces contrats sont vite tombés dans l’oubli et ont été remplacés par des instruments financiers plus modernes et plus efficients. Ces instruments, vous les connaissez, il s’agit des contrats à terme, ou encore des options par exemple, qui, il faut l’avouer, offrent une bien meilleure liquidité et plus de transparence.
Mais voilà, les choses changent.
La tokenisation : un usage concret
Les technologies sont vouées à évoluer de concert et les technologies financières ne dérogent pas à la règle. Et justement, la blockchain apporte du renouveau dans le vieux monde de la finance traditionnelle avec un cas d’usage particulier : la tokenisation. Pour la faire courte, la tokenisation désigne le processus de conversion d’un actif en un token sur la blockchain. Dans l’idée, posséder l’actif tokenisé revient à posséder l’actif en question.
Tokeniser un actif, ça présente beaucoup d’avantages en réalité. D’abord, c’est bien plus efficace et beaucoup plus transparent que les bases de données d’un autre temps sur lesquelles repose notre système financier. En plus, ça permet une liquidité et une accessibilité vraiment accrue. Et oui, qu’on se le dise, une blockchain publique est bien plus rapide, accessible, et bien moins coûteuse que l’infrastructure financière actuelle.
Après avoir fait ce constat, on se rend compte que beaucoup de projets sont déjà en train de tokeniser des actifs du monde réel. On peut citer la team de RealT, par exemple, qui tokenise des maisons aux Etats-Unis. Un appartement ou une maison RealT est représenté par un nombre fixe de tokens qui désignent des parts d’une maison et qui possède un rendement associé. Plus vous possédez de parts de la maison, plus vous possédez de tokens, et donc plus vous avez de rendement.
Imaginez un bien immobilier divisé en 100 tokens sur la blockchain, chacun représentant une sorte d’acte de propriété. En achetant 10 tokens, vous devenez copropriétaire du bien avec les autres acheteurs du token. Vous percevez alors une part proportionnelle des revenus locatifs générés chaque mois, soit environ 10 % dans cet exemple, et c’est exactement comme ça que fonctionne RealT. C’est un moyen de profiter facilement des performances du marché immobilier, le tout à moindre coût puisque vous pouvez acheter de toutes petites parts.
Exemples concrets de tokenisation
D’ailleurs si la tokenisation immobilière vous intéresse, je vous invite à faire un tour sur le site de RealT. Vous trouverez notre lien d’affiliation en description de cette vidéo, n’hésitez pas à l’utiliser pour soutenir notre travail.
Dans le même genre, on peut aussi penser à Paxgold, une société qui tokenise de l’or sur la blockchain et qui vous permet d’acheter un token adossé à son cours et backé par de vraies réserves en métaux précieux répartis dans divers coffres-forts à travers le monde.
Quelque part, les stablecoin comme l’USDT de Tether ou l’USDC de Circle pour ne citer qu’eux sont aussi des moyens de tokeniser des actifs. Et oui, ces entreprises ne font rien d’autres que tokeniser du dollars pour les faire circuler sur la blockchain, mais on va y revenir.
Pour le moment, retenez bien qu’à priori, la tokenisation d’actifs du monde réel, on sait faire, il n’y a rien de nouveau sous le soleil.
BlackRock dit oui ! à la tokenisation
Mais récemment, Blackrock, encore eux, sont venus changer la donne.
Pour rappel, Blackrock est le plus gros gestionnaire de fonds des Etats-Unis avec plus de 10.000 milliards d’actifs sous gestion. Leur influence est colossale et dans la finance traditionnelle lorsque Blackrock parle, on ne fait pas que l’écouter, on le suit.
C’est donc le 20 mars dernier que l’empire de Larry Fink a affirmé la direction qu’allait prendre l’entreprise concernant la tokenisation d’actifs du monde réel. Ils ont annoncé le lancement de leur premier fonds tokenisé appelé BUIDL pour BlackRock USD Institutional Digital Liquidity Fund et dont le token est aussi un stablecoin adossé au dollars, le tout émis sur la blockchain de Vitalik Buterin.
Pour mener à bien ce projet, ils se sont bien entourés, et c’est normal. Lorsqu’on possède l’hégémonie et l’influence de Blackrock, on s’associe avec les meilleurs. C’est la firme Securitize, un spécialiste en matière de titrisation et de tokenisation américain qui se chargera de la vente des tokens BUIDL. C’est par leur biais que les investisseurs pourront acquérir ces jetons d’un nouveau genre.
Pour l’anecdote, le fonds de Larry Fink a opéré un investissement stratégique dans Securitize et Joseph Chalom, responsable mondial des partenariats stratégiques chez Blackrock, a été nommé au conseil d’administration de Securitize.
Concernant l’interopérabilité des actifs sur les différents marchés financiers, et notamment pour faire le lien entre Ethereum et les marchés traditionnels, BlackRock fait appel à la Bank of New York Mellon, un fournisseur mondial de services de gestion et d’investissement. Cette grande banque New Yorkaise sera ainsi le dépositaire et l’administrateur des actifs du fonds.
Voilà ce que l’on apprend dans le communiqué de presse de Blackrock à propos de leur nouveau produit : “BUIDL cherche à offrir une valeur stable de 1 dollar par jeton et verse les dividendes accumulés quotidiennement directement aux portefeuilles des investisseurs sous forme de nouveaux jetons chaque mois.”
Au cas où ça ne serait pas clair comme de l’eau de roche, Blackrock vient de créer un stablecoin adossé à un rendement. Comment font-ils ça ? Un peu comme Tether et Circle finalement, en achetant des obligations d’état américaines ou d’autres actifs financiers qui sont eux-même adossés à un rendement. Blackrock redistribue une partie du gâteau aux investisseurs du fonds sous forme de nouveaux tokens.
Plusieurs entités vont jouer un rôle important dans la construction de ce nouveau produit financier, et Blackrock précise que les investisseurs auront plusieurs options pour la custody de leurs tokens comme Coinbase ou Bitgo, par exemple.
Répercussions sur l’industrie crypto
Il faut bien vous rendre compte du séisme que provoque ce nouvel actif financier dans l’écosystème crypto, et plus particulièrement pour les stablecoin. Pour rappel ou pour info, la quasi intégralité du business des stablecoin s’articule autour de l’achat de titres financiers. Par exemple pour Tether, on sait que leur trésorerie comporte plus de 70% de bons du trésor américain. Comme pour Blackrock, ces bons sont adossés à un rendement, car la banque centrale rémunère le fait d’acheter de la dette du gouvernement. Si vous êtes familier du système bancaire et financier traditionnel, vous voyez de quoi je parle, mais sachez que ce système est la norme dans notre réalité économique.
Mais voilà, si on prend Tether ou Circle, ces entités se contentent d’émettre des stablecoin et d’encaisser le chèque en réinvestissant leur trésorerie. Il s’agit de l’un des business les plus lucratifs à l’heure actuelle, Tether a par exemple enregistré un bénéfice de plus de 6 milliards de dollars en 2023, avec seulement une soixantaine d’employés, c’est colossal. Cependant, Blackrock vient, pour ainsi dire, tout chambouler.
Dorénavant, les investisseurs pourront avoir accès aux avantages et à l’utilité des stablecoin, mais le tout avec un rendement. Vous vous rappelez de la guerre des frais qu’on a observé avec l’arrivée des ETF spot sur bitcoin ? Pour rappel, juste avant que les ETF spot soient approuvés, on a vu les différents gestionnaires d’actifs tirer sans arrêt leurs frais vers le bas pour attirer le plus de monde possible.
Blackrock fait de nouveau une déclaration de guerre, mais cette fois, ce sont les stablecoin qui en font les frais. Ainsi, on pourrait voir le même genre de choses arriver sur ce marché, avec le rendement adossé au stablecoin devenant l’un des principaux critères de sélection. En d’autres termes, si les entreprises comme Tether veulent survivre, il va falloir modifier leur business et commencer à redistribuer l’argent au petit peuple. Bon, pour le moment, le BUIDL n’est disponible qu’aux investisseurs qualifiés et le ticket d’entrée est fixé à 100.000 dollars mais nul doute qu’un jour nous verrons ce genre de produits s’ouvrir à un panel plus large de clients.
En tout cas, cette entrée fracassante du plus gros gestionnaire d’actif des Etats-Unis dans le petit univers des actifs du monde réel a eu un effet retentissant sur les tokens du secteur. Plusieurs projets se sont grandement appréciés après cette news, mais surtout, ça donne clairement le ton pour la suite. La tokenisation à la sauce Blackrock se fera sur Ethereum, et toute cette affaire donne un sacré coup de projecteur à la blockchain de Vitalik Buterin et aux projets relatifs aux RWA. De plus, c’est une légitimation vraiment bienvenue pour ce genre d’actifs qui sont encore très jeunes mais qui, ont malgré tout le potentiel de complètement chambouler les façons que l’on a d’échanger et conserver des actifs physiques.
Blockchain et transformation financière
Désormais, tout peut être tokenisé et échangé sur la blockchain, des actifs immobiliers aux œuvres d’art en passant par les matières premières, et même des actions. Cette connectivité accrue redéfinit la monnaie et les échanges économiques, créant une nouvelle ère pour les infrastructures financières, et qui d’autres que Blackrock pour être le chef d’orchestre de cette transition ?
Demain, il est très probable que chaque actif se retrouve tokenisé et donc potentiellement échangeable partout, en tout temps, instantanément, et quasi sans frais. Cet état de fait risque de redéfinir complètement la façon que nous avons d’échanger de la valeur et de comprendre la notion de monnaie. En tout cas, la finance traditionnelle semble bien décidée à se moderniser et de toute façon, il n’y a plus vraiment le choix. Blackrock ouvre les vannes, et il est probable que les concurrents soient dans l’obligation de s’aligner s’ils ne veulent pas rater la prochaine vague technologique qui se prépare depuis plusieurs années avec l’arrivée des crypto.
À voir comment tout ça va s’organiser, parce qu’on ne disrupte pas un système financier aussi tentaculaire et bien implanté que le nôtre sans encombre et sans créer un peu de remue-ménage. Les vieux dinosaures de la finance vont devoir évoluer, et ceux qui refusent semblent inéluctablement voués à l’extinction.