Blockstack : un concurrent sérieux à Facebook et Twitter
En 2013, Ryan Shea a fondé OneName afin de permettre aux utilisateurs de Bitcoin d’acheter et de vendre des cryptomonnaies en utilisant un identifiant au lieu d’adresses pseudonymes et alphanumériques. À cette époque, Facebook pesait 100 milliards de dollars et Bitcoin était seulement capitalisé à 1.5 milliards de dollars. Shea était persuadé que si la technologie blockchain permettait d’envoyer de la valeur de façon décentralisée, il était tout à fait possible de rester maître de ses données personnelles et de son identité, sans passer par Facebook ou par toute autre autorité centrale.
En 2016, Shea et son associé co-fondateur Muneeb Ali ont rebaptisé One Name en Blockstack, et ont entrepris de construire une pile plus générale d’outils blockchain, pour alimenter tout un Internet sans serveurs centralisés. La start-up a recueilli plus de 50 millions de dollars lors de son ICO, qui comptait des investisseurs de renom, comme Union Square Ventures ou les frères Tyler et Cameron Winklevoss.
Vers une auto-gestion des informations personnelles des utilisateurs ?
Cette année, une faille s’est révélée chez Facebook. En effet, en mars dernier, il fut rapporté que les données personnelles de 87 millions d’utilisateurs avaient étés acquises par la firme de consultation politique Cambridge Analytica, dans le but de les revendre à des politiciens en campagne électorale, comme l’ancien candidat à la présidence américaine Ted Cruz, ou l’actuel président des Etats Unis Donald Trump. Cette nouvelle pourrait bien être de bon augure pour Blockstack.
En effet, la découverte de ce réseau de données parallèles, conçu pour influencer les utilisateurs de Facebook, a démontré que les informations privées de millions de personnes ne peuvent être confiées à n’importe qui, encore moins à une entreprise aux serveurs centralisés. Shea espère que cette affaire entraînera une prise de conscience générale de la part des utilisateurs. Selon lui, ces derniers pourraient être amenés à demander une nouvelle forme de réseaux sociaux, à l’instar de Blockstack, où les données personnelles n’ont pas besoin d’un contrôle centralisé.
« L’euphorie autour des cryptomonnaies alimentera l’intérêt pour les applications décentralisées » [ …] » Et les réseaux sociaux décentralisés seront potentiellement la plus grande catégorie de bénéficiaires », a déclaré Shea lors d’une entrevue pour Forbes.
Pour attirer des développeurs, Blockstack a gelé 1 million de dollars en fonds de démarrage, destinés aux early adopters désirants utiliser sa technologie pour renverser le modèle d’affaires des réseaux sociaux. L’argent sera divisé et distribué aux équipes de développeurs qui auront alors 3 mois pour construire une large gamme de réseaux de médias sociaux, allant des plateformes pour groupes hyper-locaux aux clones de Facebook à part entière, qui donnent aux utilisateurs le contrôle de leurs propres données.
Today Blockstack PBC is announcing $1,000,000 to fund teams building decentralized social networks.
Your data is being exploited by today’s platforms and it’s time for a change.
Apply now and let’s reimagine how the world connects.https://t.co/HlBlFCeKy3
— Ryan Shea (@ryaneshea) May 10, 2018
Les destinataires de l’argent auront également accès à la solution de gestion de l’identité basée sur la blockchain de l’entreprise, appelée Blockstack ID, et à une solution de stockage natif, appelée Gaia, conçue pour donner aux utilisateurs d’une large gamme d’applications décentralisées (DAPPs) le contrôle de leurs propres données.
https://twitter.com/PatrickWStanley/status/982282664064368640
Après cette première période de trois mois, les bénéficiaires de fonds pourront recevoir d’autres financements à partir du fonds Signature Fund (25 millions de dollars), mis en place pour des investissements de capital-risque plus traditionnels.
Bien que les Winklevoss aient une première expérience en la matière grâce à Facebook, Shea déclare que son entreprise n’a pas encore fait appel à leur expertise : « ce sont des gens formidables, et nous avons discuté de la possibilité de nous engager avec eux, mais nous ne l’avons pas encore fait ».
Si Shea et Muneeb ont eu du mal à faire adopter leur plateforme OneName en 2015, des modèles similaires ont récemment pris de l’importance, par exemple Mastadon, un réseau social décentralisé; Steemit, qui rémunère ses utilisateurs en fonction de l’intérêt du contenu publié, ou bien encore Kik, qui est en train de créer sa propre cryptomonnaie.
Les cryptomonnaies et le concept de « self-sovereign identity » comme coup de grâce aux réseaux sociaux actuels ?
Suites au scandale de l’affaire Facebook/Cambridge Analytica, la majorité des utilisateurs de Facebook y sont restés fidèles. Le problème ici est qu’un réseau social – comme toute entreprise qui s’appuie sur les effets de réseau – est par nature aussi puissant que le nombre de personnes qui l’utilisent.
Pour surmonter le manque de masse critique d’utilisateurs, des crypto-tokens similaires à l’ether pourraient jouer un rôle déterminant. De la même manière que les start-ups peuvent émettre de nouveaux jetons basés sur la blockchain Ethereum, les utilisateurs de la blockchain Blockstack pourront émettre leurs propres crypto-tokens. En donnant aux adeptes précoces d’un réseau social naissant comme Steemit l’accès à un jeton qui a potentiellement de la valeur et leur donne accès au service, les développeurs pourraient créer une incitation à s’inscrire bien avant que le réseau soit compétitif par rapport aux réseaux sociaux centralisés établis, comme Facebook et Twitter.
« Certains réseaux auront probablement un composant token, où des tokens sont distribués aux premiers utilisateurs, pouvant être utilisés pour acheter différentes fonctionnalités » (similaire au modèle Kik), déclare Shea, mais il ajoute : « Je pense aussi qu’il y aura des réseaux sociaux décentralisés sans crypto-tokens ».
Christopher Allen, l’architecte principal de la startup Blockstream, qui a levé 151 millions de dollars en capital-risque, a inventé l’expression « self-sovereign identity » (identité auto-souveraine) dans le cadre de sa série d’ateliers Rebooting the Web of Trust.
Parmi les protagonistes les plus connus qui cherchent à fournir cette couche d’identité, il y a Hyperledger Indy, un logiciel libre créé par la Sovrin Foundation, qui est en train d’héberger sa propre ICO. Hyperledger Indy se concentre sur la création d’une plateforme universelle qui donne aux utilisateurs le contrôle total sur leur propre identité.
« L’identité auto-souveraine est plus qu’une blockchain. [ …] Dans une certaine mesure, c’est une idéologie ayant pour but de respecter l’individu », déclare Allen.
« En fin de compte, Facebook est propriétaire de l’information, et c’est pourquoi ils peuvent la vendre à d’autres personnes », a-t-il rajouté.
Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, semble bien conscient de la cible que les récentes controverses ont tracée sur son dos. Dans le post annuel de Zuckerberg sur les « défis personnels » qu’il se fixe, il a conclu en reconnaissant que les cryptomonnaies et d’autres technologies utilisant la cryptographie ont le potentiel de « prendre le pouvoir des systèmes centralisés et de le remettre entre les mains des gens. Mais cela comporte aussi des risques, notamment celui de la difficulté du contrôle ».
Sources : Forbes ; Blockstack || image from Shutterstock.com