Contestations à Hong Kong : Bitcoin loin d’être une valeur refuge

Les faits, seulement les faits – Les protestations à Hong Kong font rage depuis mars dernier. Si certains sont prompts à considérer Bitcoin comme une véritable valeur refuge vers laquelle pourraient se tourner des populations en cas d’instabilité locale forte, il semblerait que le tableau soit plus nuancé en l’espèce. Qu’en est-il vraiment ? Analyse. 

Protestations à Hong Kong

Vous n’êtes probablement pas sans savoir, le peuple de Hong Kong mène de larges protestations depuis mars 2019. Cette révolte a été initiée suite à un projet de loi concernant l’encadrement de l’extradition de citoyens vers la Chine continentale. Depuis, d’autres revendications ont également été soulevées par les manifestants.

Si la situation s’est progressivement tendue jusqu’à faire craindre une intervention chinoise sur le sol de la province libérale, elle est récemment temporairement retombée suite à une victoire électorale massive des démocrates de l’opposition.

Et la cryptomonnaie dans tout ça ?

Rapidement, certains médias ont cherché une corrélation possible entre cette situation de crise et la possibilité que Bitcoin et les cryptomonnaies dans leur ensemble puissent devenir des outils de ladite contestation… ou bien servir de refuge dans ce contexte troublé. S’il est vrai qu’au plus fort des manifestations, certains observateurs ont remarqué de nouveaux records ponctuels d’échanges de bitcoins à Hong Kong sur le site LocalBitcoins, peut-on pour autant en conclure qu’il y eut un impact réel sur l’adoption locale de la cryptomonnaie reine ?

Le média LongHash s’est donc posé la question et son équipe a cherche à y voir plus clair, en grattant ce vernis.

Interrogé par LongHash, le président de l’association Bitcoin de Hong Kong, Leonhard Weese, ne voit pas d’augmentation de l’intérêt autour de Bitcoin, mais plutôt une augmentation de l’utilisation de l’argent liquide.

« Les gens ne voient pas comment les cryptos peuvent les aider immédiatement à résoudre les problèmes qu’ils ont (…) Jusqu’à présent, la censure financière n’est pas très courante et l’argent lui-même n’est pas le problème. L’argent liquide fonctionne bien dans le monde hors ligne. », Leonhard Weese.

Qu’en disent les chiffres ?

Toujours selon LongHash, si une augmentation de l’adoption était en train de se dérouler à Hong Kong, celle-ci serait identifiable après analyse des données.

L’étude proposée part de plusieurs hypothèses qui pourraient valider la thèse d’une extension de l’adoption cryptomonétaire. Premièrement, si adoption il y a, les utilisateurs pourraient avoir tendance à ne pas utiliser les plateformes d’échange ayant des liens avec la Chine, puisque cela représenterait un risque vis-à-vis du pouvoir chinois. De plus, il y aurait nécessairement une utilisation plus poussée des passerelles fiduciaires BTC/HKD, permettant d’échanger finalement les bitcoins contre du dollar de Hong Kong pour acheter des biens divers. Enfin, les activités de trading devraient présenter un pic d’activité depuis le début des manifestations.

Spoiler, aucune de ces hypothèses n’est validée. 

Grâce à un outil permettant d’analyser le trafic d’un site web, LongHash a pu démontrer que les Hongkongais utilisaient majoritairement des plateformes d’échanges ayant des liens avec la Chine : il n’y a donc pas en l’espèce de grand mouvement de protestataires s’inscrivant en masse sur des exchanges pour acheter du Bitcoin.

Également, l’étude compare le volume de la pair BTC/HKD sur LocalBitcoin avec celui de la pair BTC/USD de la plateforme d’échange hongkongaise TideBit. Les résultats montent que le volume BTC/USD enregistré par TideBit est bien plus important que le volume de la paire BTC/HKD. Ainsi, si quelques pics sont bien identifiables en cours d’année, ils ne se sont clairement pas inscrits dans le temps.

Également, le volume de la pair BTC/HKD du site LocalBitcoin, souvent vu comme une solution pour préserver son anonymat, n’a pas connu de pic notable depuis le début des protestations… du moins selon LongHash, qui livre ici un point discutable.

En effet, le média ne s’intéresse qu’au volume de bitcoins échangés, mais il pourrait paraître plus avisé de regarder la valeur en dollar de Hong Kong pour juger de l’intérêt ou non des protestataires pour le Bitcoin. C’est alors bien une autre histoire qui nous est racontée, même si elle n’est pas non plus mirifique : oui, Bitcoin a connu un pic d’échange au cœur des protestations contre du dollar local, mais ce mouvement ne perdure pas depuis et ne peut donc pas être interprété au delà de la simple anecdote.

Les limites de Bitcoin ?

Au delà de l’intérêt purement monétaire, il convient de garder à l’esprit que des limites bien plus physiques peuvent aussi expliquer que Bitcoin ne prenne pas de place particulière dans le contexte local tendu : comme l’expliquait Leigh Cuen de CoinDesk, l’utilisation de Bitcoin au quotidien reste complexe, d’autant plus dans un contexte de crise politique aiguë.

Si certaines ONG locales se sont pressées d’accepter les dons en bitcoins (notamment en lien avec la liberté de la presse), la majorité des manifestants n’a – au mieux – qu’une connaissance très parcellaire de Bitcoin, et le contexte insurrectionnel mêlant insécurité et coupures d’Internet n’aide pas. Mme Cuen précisait que les tentatives d’utilisation en lien avec des réseaux alternatifs de type mesh network étaient tout à fait embryonnaires, et peu adaptées pour l’instant. Si ces solutions de proche en proche sont utilisées par certains manifestants pour leurs clients de messagerie instantanée, une telle application ne fait qu’émerger du côté de Bitcoin.

Cette étude conclut que les protestations à Hong Kong ont un impact négligeable – voire inexistant – sur l’adoption des cryptomonnaies. À l’inverse, le Venezuela, qui a aussi connu de vives de protestations, a vu les échanges de bitcoins exploser plus durablement. Néanmoins le contexte local est très différent : là où passe l’hyperinflation, Bitcoin a tendance à plus prospérer.

Renaud H.

Ingénieur en software et en systèmes distribués de formation, passionné de cryptos depuis 2013. Touche à tout, entre mining et développement, je cherche toujours à en apprendre plus sur l’univers des cryptomonnaies et à partager le fruit de mes recherches à travers mes articles.