Les frais de transaction dans Bitcoin (BTC) : quel rôle ?

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Avez-vous remarqué que vous payez une commission à chaque fois que vous effectuez une transaction en cryptomonnaie ? Dans cet article nous allons nous intéresser à ces frais de transaction et au rôle essentiel qu’ils jouent dans Bitcoin.

Les frais récompensent les mineurs

Dans Bitcoin, les transactions émises par les utilisateurs sur le réseau sont assemblées dans des blocs qui sont confirmés par des mineurs. Le résultat est une chaîne de blocs qui comporte l’ensemble des transactions effectuées et qui représente le registre de propriété du système. Pour assurer la validité de cette chaîne, les mineurs sont récompensés en bitcoins pour leur activité, ce qui fait de Bitcoin un système économique.

Une partie de la récompense des mineurs provient de la création monétaire (parfois appelée « subvention »), qui est déterminée par une politique définie en 2009. Cette création monétaire était de 50 bitcoins par bloc en 2009 et est depuis réduite de moitié tous les 210 000 blocs, c’est-à-dire tous les 4 ans environs, lors d’évènements qu’on appelle halvings. La récompense est aujourd’hui de 6,25 bitcoins par bloc.

Évolution de la création monétaire et du nombre d’unités dans Bitcoin au cours du temps

À long terme, cette création monétaire a vocation à tendre vers zéro, et devrait passer sous le satoshi (c’est-à-dire être effectivement nulle sauf changement du protocole) en 2140. Cette subvention doit progressivement être remplacée par ce qui constitue l’autre partie de la récompense de bloc : les frais de transaction. Cette évolution est prévue depuis le début, comme en témoigne le livre blanc de Bitcoin dans lequel Satoshi Nakamoto écrit :

« Une fois qu’un nombre prédéterminé de pièces a été mis en circulation, l’incitation peut être entièrement financée par les frais de transaction et ne plus requérir aucune inflation. »

Satoshi Nakamoto, 31 octobre 2008

Le système des frais de transaction est pleinement intégré à Bitcoin et joue un rôle non négligeable dans l’économie du minage. Par convention, chaque transaction comporte ainsi implicitement des frais, qui sont définis comme la différence entre la valeur totale des entrées et de la valeur totale des sorties. Cette différence peut être de zéro (transaction gratuite), mais elle est toujours comptabilisée.

Illustration des frais de transaction : transaction de Alice vers Bob
Alice envoie 10 mBTC à Bob et 3,8 mBTC à elle-même, ce qui fait qu’il reste implicitement 0,2 mBTC de frais pour le mineur

Ce mécanisme (présent dans Bitcoin depuis le début) a pour but d’éviter d’alourdir inutilement les transactions et les blocs. Lors de la construction du bloc, le mineur observe combien chaque transaction paie de frais en calculant la différence entre les entrées et les sorties. Il recueille ensuite l’ensemble des frais de transactions du bloc en ajoutant le total à la transaction de récompense (coinbase). Enfin, il valide le bloc en y ajoutant la preuve de travail correspondante et reçoit les bitcoins issus des frais qui sont ajoutés aux bitcoins nouvellement créés par le protocole.

Les frais de transaction contribuent donc à récompenser les mineurs pour leur service. En particulier, ils servent à récompenser en partie le service purement technique lié au système, qui nécessite des coûts. Couplés à la création monétaire, ils permettent de compenser le coût de l’électricité, de l’infrastructure matérielle (ASIC, stockage, bande passante, etc.) et de la maintenance logicielle, mais aussi le risque d’invalidation des blocs minés (orphaning risk). À mesure que la création monétaire s’amoindrira, les frais serviront de plus en plus à financer l’ensemble des opérations minières.

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Le marché des frais

Comme chacun le sait, Bitcoin ne possède pas une capacité transactionnelle illimitée. Outre la limite naturelle qui dissuade techniquement les mineurs de traiter trop de transactions, il existe une règle de consensus qui restreint articiellement la capacité transactionnelle du réseau. Celle-ci était originellement une taille limite des blocs et empêchait les blocs de mesurer plus de 1 Mo. Depuis l’activation de SegWit en août 2017, la capacité des blocs de BTC est limitée à 4 millions d’unités de poids, le poids étant une grandeur spécifique, ce qui correspond à (au plus) 12 transferts par seconde.

Cette limite artificielle a pour but de maintenir le coût de gestion d’un nœud à un niveau donné et de préserver de cette manière la décentralisation du réseau (ou plutôt sa possibilité de décentralisation). En effet, moins les données traitées sont volumineuses, moins le matériel pour faire fonctionner un nœud, minier ou non minier, est coûteux.

De plus, cette limite transactionnelle artificielle a pour effet de rendre l’espace de bloc plus rare (offre inélastique) et de favoriser par là une croissance du « marché des frais » avec l’augmentation de la demande. Lors des périodes de congestions, les utilisateurs se disputent cet espace de bloc rare, ce qui crée un effet d’enchères sur les frais de transaction. Les utilisateurs ont alors de le choix d’augmenter leurs frais ou d’attendre plus longtemps pour la confirmation de leurs transactions.

Puisque le facteur technique limitant est la taille ou le poids des données, les frais sont calculés usuellement en fonction de la taille ou du poids de la transaction, et non en fonction de la valeur qu’elle déplace. Initialement, le taux de frais était mesuré en satoshis par octet (sat/o) ; depuis SegWit il est mesuré en satoshis par octet virtuel (sat/ov). Les mineurs sélectionnent les transactions en fonction de ce taux afin d’être les plus rentables possibles.

Les frais servent donc à discriminer l’accès à l’espace de bloc. Grâce à la capacité transcationnelle limitée artificiellement par le protocole, cela augmente le niveau des frais et permet d’accroître le revenu des mineurs qui finance la sécurité du réseau.

La résistance à la censure

Cependant, la fonction des frais ne se limite pas à remplacer la création monétaire pour l’incitation et à discriminer l’accès à l’espace de bloc : ils jouent un rôle autrement plus important qui est celui d’assurer la résistance à la censure de Bitcoin.

Dans Bitcoin, la censure peut désigner deux choses :

  • La censure passive, qui consiste à refuser de confirmer un certain groupe de transactions pour des raisons qui ne serait pas économiquement rationnelles.
  • La censure active, qui consiste à empêcher les transactions en question d’être confirmées en rendant invalide tout bloc qui en contiendrait une.

La censure n’est pas impossible dans Bitcoin : en effet, chaque mineur est libre d’inclure une transaction dans son bloc ou non, et d’accepter un bloc ou non, de manière totalement subjective. Mais Bitcoin est réputé résistant à la censure, c’est-à-dire qu’il présente la propriété de rendre difficile l’entrave des transactions.

La censure passive ne pose pas de soucis majeur en dehors du délai de confirmation provoqué par un tel refus. Même si ce refus est général, un mineur honnête finira par confirmer la transaction au bout d’un certain temps. En revanche, la censure active est beaucoup plus problématique, car elle empêche réellement des transactions d’avoir lieu et nuit par conséquent à la proposition de valeur de Bitcoin.

La création monétaire joue un rôle négligeable dans la lutte contre la censure, qu’elle soit passive ou active.

  • D’une part, la récompense par création monétaire est la même pour tous les mineurs, ce qui fait qu’elle n’influe pas leur choix économique d’inclure une transaction ou non, et donc n’a pas d’influence contre la censure passive.
  • D’autre part, une chute de l’utilité et du prix faisant suite à une censure active n’est pas une raison suffisante, car le censeur est par nature une entité qu’on pourrait décrire comme « irrationnelle » : son but est de contrôler la chaîne en décrétant quelles sont les transactions autorisées et les transactions non-autorisées. Typiquement, il s’agira d’un État cherchant à imposer une réglementation sur la chaîne, afin de préserver son pouvoir de prélèvement. Le censeur se fiche donc de détruire l’utilité de Bitcoin au passage ; son but est le contrôle.

Ce sont, comme on l’a dit, les frais de transactions qui servent de manière essentielle à résister à la censure. Non seulement ces frais luttent contre la censure passive en incitant le plus de mineurs possibles à confirmer la transaction, mais ils interviennent également dans le cas d’une censure active.

Ce rôle des frais dans la résistance à la censure a été décrit clairement par Eric Voskuil dans sa Propriété de résistance à la censure. Voici comment ils pourraient, selon lui, rétablir la situation face à une censure active :

  • Dans un premier temps, un censeur acquiert plus de la moitié de la puissance de calcul du réseau afin d’appliquer la censure active d’un groupe de transactions. Typiquement, il s’agit d’un État qui prélève par ailleurs des revenus grâce au contrôle sur sa monnaie, par l’impôt et la création monétaire. Le censeur peut miner lui-même ou imposer par la force des restrictions aux mineurs existants.
  • Les initiateurs des transactions censurées, voyant que leurs transactions ne sont pas confirmées, augmentent leurs frais. C’est un comportement naturel que l’on observe déjà lors des périodes de congestion du réseau.
  • Cette augmentation crée un supplément de frais entre les transactions autorisées et la totalité des transactions, supplément qui incite les mineurs honnêtes à déployer plus de puissance de calcul au cours du temps.
  • Une fois que la puissance de calcul est jugée suffisante (ce qui pourrait se faire par l’intermédiaire d’un signalement), les mineurs honnêtes se mettent à confirmer les transactions censurées. Puisque leur puissance de calcul est majoritaire, leur chaîne devient la plus longue et la chaîne du censeur est invalidée. De cette manière, la censure est vaincue, du moins temporairement.
Mécanisme de résistance à la censure selon Eric Voskuil

Le rôle des frais de transaction est ainsi de compenser les risques politiques pris par les mineurs pour confirmer les transactions censurées. En effet, si une telle censure était amenée à être pratiquée, on peut imaginer que l’État en question aurait préalablement réglementé drastiquement ou interdit le minage, et aurait fait tout ce qui était en son pouvoir pour attaquer frontalement les grandes exploitations minières de la planète.

Il semble que Satoshi n’a jamais explicité ce rôle essentiel. À l’époque, il ne faisait qu’expliquer pourquoi son système était sécurisé économiquement contre la double dépense et en quoi il résolvait le problème des généraux byzantins de manière robuste, ce qui était déjà une grande évolution par rapport aux systèmes précédents. Il ne décrivait pas en revanche pourquoi le système pouvait résister contre la censure (c’est-à-dire contre le blocage partiel ou total par une entité hostile) et semblait se reposer sur la bonne volonté bénévole des mineurs « honnêtes », pensant même qu’il y aurait « probablement toujours des nœuds prêts à traiter les transactions gratuitement ».

Toutefois, ce mécanisme est intégré au protocole depuis le début et est à mon avis, essentiel à la survie de Bitcoin.

Les frais limitent l’utilité de Bitcoin

Le dernier aspect des frais qu’on néglige trop souvent est leur propension (négative) à limiter l’utilité de Bitcoin. En effet, Bitcoin n’est pas infiniment scalable, quelle que soit la capacité transactionnelle artificielle choisie, et une sélection dans les transactions doit par conséquent toujours être faite selon les frais qu’elles paient.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que les frais excluent les usages de Bitcoin à mesure que leur niveau moyen augmente. Comme on l’a dit, les frais augmentent en fonction de la demande pour l’espace de bloc, dont l’offre est limitée. Ainsi, au cours du temps, l’espace de bloc est de plus en plus demandé et les enchères pour cet espace augmentent en conséquence, ce qui fait que les usages demandant un niveau de frais assez bas sont exclus de Bitcoin.

Dans le cas de BTC, on a une limite basse de la capacité transactionnelle, et le niveau moyen des frais a tendance à être très haut par rapport au nombre de transactions réalisées. Aujourd’hui les nœuds du réseau ne relaient pas les transactions qui paient un taux de frais en-dessous de 1 sat/ov (environ 4 centimes d’euro pour un transfert classique) et la zone mémoire des transactions est régulièrement « surchargée », ce qui fait que les frais médians fluctuent entre 1 et 25 € par transaction.

Nombre de transactions dans la zone mémoire des nœuds en 2021
Nombre de transactions dans la zone mémoire des nœuds en 2021 (source)

Ainsi, les transactions sur la chaîne sont actuellement peu adaptées pour les paiements de tous les jours, comme l’achat d’un café par exemple. Si une personne consomme un café par jour pour un prix de 2 € et qu’elle persiste tout de même à utiliser la chaîne de BTC pour acheter ce café en payant à chaque fois 1 € de frais, cela représentera des frais de 50 %. Même si ce café est acheté dans l’économie souterraine et que le commerçant fait une remise directe grâce à l’absence de TVA et d’autre impôt, on imagine tout de suite que la situation est difficilement avantageuse, car l’évitement de l’impôt et des éventuels frais bancaires ne suffiraient probablement pas à compenser les frais de Bitcoin (sans compter le coût du risque pour le commerçant).

Certains rétorqueront qu’il existe des solutions de surcouche comme le réseau Lightning ou le chaînes latérales sur lesquelles les frais sont très bas. Cependant, même avec Lightning, le système possède une limite, liée directement au coût de règlement sur la chaîne.

Supposons que dans un avenir assez proche Bitcoin gagne en popularité et que ce succès amène les frais de transaction médians à 100 € par transaction pour ouvrir ou pour fermer un canal (dans la réalité les coûts sont distincts, mais on va simplifier). Alors dans ce cas il existera rapidement un seuil où il ne sera plus rentable pour un individu d’utiliser Lightning.

En effet, même si une personne utilisait abondamment Lightning, elle devrait de temps à autre ouvrir ou fermer un canal, ne serait-ce qu’en raison des incidents techniques et de rééquilibrages. Si la personne réalisait un bénéfice de 50 000 € par an à partir de ses activités sur Lightning et qu’elle réalisait 10 ouvertures / fermetures de canaux par an, alors le coût des frais de chaîne représenterait de 2 % de son revenu (sans compter les frais sur Lightning), ce qui constituerait un coût non négligeable.

Tout ceci relativise considérablement les prédictions débridées que l’on peut entendre ici ou sur le prix du bitcoin. En effet, le potentiel d’utilité de Bitcoin n’est pas illimité et son prix, qui est la conséquence rationnelle de cette utilité, ne peut par conséquent pas aller « jusqu’à la lune ».

Bitcoin reste néanmoins utile, aussi petite que soit sa capacité transactionnelle et aussi énormes que soient les frais. Il ne convient pas aux très petites transactions, mais convient parfaitement aux transferts de grosses sommes à l’international et convient toujours aux ouvertures de canal sur le réseau Lightning.

Ainsi, les frais de transaction forment un aspect très important de Bitcoin. Outre leur participation à la rémunération des mineurs pour leur service technique, ils servent à gérer l’espace de bloc de façon optimale et à assurer la résistance à la censure du protocole. Ayez ceci en tête la prochaine fois que vous paierez une commission de minage.

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Ludovic Lars

Je suis fasciné par les cryptomonnaies et par l'impact qu'elles pourraient avoir sur nos vies. De formation scientifique, je m'attache à décrire leur fonctionnement technique de la façon la plus fidèle possible.

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