L’Union européenne va strictement réglementer les stablecoins
Moins de liberté pour plus de sécurité ? – Le vendredi 11 septembre, les ministres des Finances de cinq pays ont appelé la Commission européenne à réguler fermement l’émission de stablecoins.
Selon leur déclaration, les émetteurs ne devraient pas être autorisés à opérer dans l’Union européenne, tant que les problèmes juridiques, réglementaires et de surveillance ne sont pas résolus.
L’Union européenne craint pour sa souveraineté monétaire
Le meeting informel des ministres des Affaires économiques et financières de Berlin s’est tenu les 11 et 12 septembre 2020. Cinq pays y étaient représentés. Il s’agissait de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne et des Pays-Bas.
Selon la déclaration commune des protagonistes, adressée à la Commission européenne, les cryptomonnaies adossées à des actifs financiers représentent une menace pour la souveraineté monétaire de l’Eurozone. Il s’agit particulièrement des stablecoins. Ainsi, depuis l’apparition du projet de Facebook, Libra, les voix s’élèvent en Europe pour réguler fermement l’émission de ces monnaies numériques.
Les stablecoins pourraient déstabiliser la politique monétaire, favoriser le blanchiment d’argent et nuire à la vie privée. La Commission européenne est donc pressée d’établir un cadre juridique clair pour l’émission de ces ovnis monétaires.
Une réglementation européenne claire pour les cryptos
Le 10 septembre, le document consacré au cadre réglementaire qui sera mis en place a fuité. La Commission devrait le présenter à la fin du mois de septembre. Le lecteur courageux peut éplucher les 168 pages de cette proposition. Traitant de la réglementation des cryptoactifs au sens large, elle est basée sur les principes de subsidiarité et de proportionnalité.
Certains cryptoactifs ne sont pas visés : les cryptos assimilables à des instruments financiers et les MNBC/CBDC.
Quant aux ventes de tokens, la publication d’un whitepaper sera obligatoire. Les exemptions sont les suivantes :
- Les tokens distribués gratuitement ;
- Les jetons issus de la validation des transactions d’un réseau (mining/minting) ;
- Les jetons non-fongibles ;
- Les ventes de tokens adressées à moins de 150 personnes ;
- Celles dont le montant est inférieur à 1 million d’euros sur 12 mois ;
- Enfin, celles qui sont réservées aux investisseurs qualifiés.
La forme et les modalités d’émission de ces whitepapers sont soigneusement décrites.
La question épineuse des stablecoins
En ce qui concerne les stablecoins, l’approche réglementaire sera stricte, et basée sur le risque. Les stablecoins qui passeront ce premier filtre tomberont alors sous le coup de la directive sur la monnaie électronique.
Olaf Scholz, le ministre des finances allemand, appelle les autorités à approcher durement la question. Elles devraient notamment bannir n’importe quelle initiative privée ne respectant pas les conditions fixées.
« Nous convenons tous qu’il est de notre devoir de maintenir la stabilité du marché financier, et de faire en sorte que ce qui est une tâche pour les États reste une tâche pour les États. » – Olaf Scholz
Voici les règles suggérées par les cinq pays :
- Tous les stablecoins adossés à des monnaies fiat devraient respecter un ratio de 1:1 ;
- Les actifs de réserve devraient être libellés en euros ou autre monnaie des pays membres de l’UE ;
- Ces derniers devraient être déposés dans une institution approuvée par l’UE ;
- Toutes les entités opérant un système de stablecoins devraient être enregistrées dans l’UE.
Le dernier point risque fortement d’impacter Libra, l’association éponyme étant domiciliée à Genève.
Bruno Le Maire a d’ailleurs fait allusion au projet de Facebook dans ses déclarations :
« Nous attendons que la Commission publie des règles très strictes et très claires pour éviter l’utilisation abusive des cryptomonnaies à des fins terroristes ou de blanchiment d’argent. »
« La Banque centrale, je veux dire la BCE, est la seule à être autorisée à émettre une monnaie. Et ce point, c’est quelque chose qui ne peut être compromis ou affaibli par aucun type de projet, y compris le soi-disant projet Libra. » – Bruno Le Maire
Quel avenir pour nos stablecoins favoris ?
Bien entendu, les intentions des autorités financières sont louables ! En effet, il s’agit d’assurer la sécurité juridique, soutenir l’innovation, protéger les consommateurs et les investisseurs, et de garantir la stabilité financière et l’intégrité du marché.
Bien que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent, il semble tout de même en première lecture que le cadre législatif dédié aux cryptos sera clair et permissif pour les acteurs qui respectent les règles du jeu.
Cependant, un critère risque fort d’impacter les stablecoins les plus utilisés, notamment le tether. En effet, iFinex n’est pas enregistrée dans l’Union européenne. Et c’est aussi le cas de Centre, le consortium émettant l’USDC…