MiCA : l’Autorité européenne des marchés continue de construire la cage aux cryptos
MiCA is coming. La date de mise en application du contraignant et (très) complexe règlement MiCA (Markets in Crypto Assets) se rapproche petit à petit pour les acteurs cryptos souhaitant proposer leurs services en Union Européenne. Et l’ESMA, càd l’Autorité européenne des marchés financiers, veille au grain pour que personne ne puisse échapper à cette cage ce cadre réglementaire. L’organisme de régulation supranational lance aujourd’hui deux consultations supplémentaires sur ses propositions d’application du règlement MiCA.
Barreau après barreau, le cadre réglementaire de l’UE sur les cryptos se met en place
L’année 2024 devrait être celle de l’application du règlement MiCA si tout se passe comme prévu. En effet, les émetteurs de stablecoins devront s’y conformer dès juin prochain. Et les autres PSAN (Prestataires de services sur actifs numériques) devront se mettre en conformité avec ce règlement pour décembre 2024.
Le régulateur et superviseur des marchés financiers européens, l’ESMA, continue quant à lui de « faire les finitions » sur cette véritable usine à gaz que s’annonce être MiCA. Dans ce cadre, l’Autorité européenne des marchés financiers lance ce 29 janvier deux consultations sur des lignes directrices de mise en conformité avec ce nouveau cadre réglementaire pour Bitcoin (BTC) et les crypto-actifs.
Le premier est sur la « sollicitation inversée » (reverse solicitation) et l’autre sur la « classification des crypto-actifs en tant qu’instruments financiers ». Avant de rentrer un peu dans le détail, précisons que les parties prenantes ont 3 mois, jusqu’au 29 avril 2024, pour transmettre leurs commentaires sur ces consultations de l’ESMA.
Les acteurs de la cryptosphère hors-UE et hors-MiCA seront quasi bannis
Derrière le terme obscur de « sollicitation inversée », que souhaite aborder l’ESMA dans sa première consultation, se cache le fait qu’un client potentiel sollicite de son propre chef une entreprise crypto (avec comme sous-entendu que la sollicitation « normale » est donc faite de la part de l’entreprise vers le client).
Cela est important, car cette « reverse solicitation » sera le seul et unique moyen autorisé pour qu’une société crypto non réglementé sous MiCA puisse fournir des services à des clients de l’Union européenne. Une sorte d’exemption donc. Mais, même dans ce cas, l’ESMA prévient :
« Les sociétés de pays tiers [hors cadre MiCA] ne peuvent pas solliciter des clients dans l’UE, car ils ne sont pas autorisés à fournir des services de PSAN. (…) Sauf si le client, de sa propre initiative exclusive, a contacté la société et a demandé ses services, [qui peut dans ce cas] les fournir. (…) L’ESMA, et les autorités nationales compétentes (…) devront prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger activement les investisseurs de l’UE et les PSAN se conformant à MiCA contre les incursions indues d’entités hors UE et non conformes à MiCA. »
Extrait de la consultation sur la « sollicitation inversée » de l’ESMA.
Les PSAN n’ont pas fini d’en suer pour leur mise en conformité en UE
Si pouvoir prouver la bonne foi d’une sollicitation inversée risque déjà d’être un cauchemar réglementaire de plus pour les acteurs hors-MiCA, ceux qui doivent s’y conformer vont continuer de suer à grosse goutte avec la 2e consultation de l’Autorité européenne des marchés financiers.
En effet, l’ESMA veut commencer à trier les crypto-actifs, pour savoir s’ils rentrent ou non dans le cadre du règlement MiCA. Car certains pourraient en effet être traités comme des « instruments financiers » (financial instruments). Auquel cas, ces actifs numériques ne seraient pas régis par MiCA, mais par la régulation MiFID II (la directive Markets in Financial Instruments de 2014).
Et, manque de chance, cette directive MiFID II ne donne pas de définition claire de ce qui peut être considéré comme des instruments financiers (les pauvres PSAN vont faire une crise de nerfs réglementaire). Il n’y a que des exemples d’instruments financiers : « une valeur mobilière, un instrument du marché monétaire, une part d’organisme de placement collectif, un contrat dérivé ou un quota d’émission ». Allez, bonne chance les PSAN avec ça !
« Cette absence de définition commune [des instruments financiers au sein des pays de l’UE], et de critères partagés applicables à tous les instruments financiers, rend plus difficile l’adoption d’une approche holistique dans ce projet de lignes directrices. (…) L’évaluation visant à déterminer si un crypto-actif doit être considéré comme un instrument financier devrait toutefois rester un exercice au cas par cas (…). »
Extrait de la consultation sur la « classification des crypto-actifs en tant qu’instruments financiers » de l’ESMA.
Sur ce, votre présent serviteur va prendre une aspirine, en pensant bien fort aux malheureux acteurs cryptos qui vont être confrontés à la mise en application du règlement MiCA dans à peine 5 mois pour certains (et 11 mois pour les autres). Car la liste de leurs innombrables obligations se précise, entre l’ESMA d’un côté, et l’Autorité bancaire européenne (EBA) de l’autre. Notamment celle de devoir conserver des informations sur des adresses de wallets même auto-hébergées (privés et individuels).