Eric Woerth veut défiscaliser les plus-values sur les cryptomonnaies, le gouvernement tremble des genoux
Nous reprochons souvent aux législateurs et autres organes de l’État leur inaction face à des problèmes pourtant simples d’apparence. Mais il est facile d’oublier les tenants et aboutissants de l’activité législative ainsi que le nombre d’obstacles absurdes qu’un député bien intentionné rencontrera pour faire accepter le moindre texte de loi innovant, comme nous avons pu le constater avec la loi PACTE. Entre les lobbyistes, les conflits d’intérêts et l’agenda politique de chacun, il n’est pas facile de mettre en œuvre du changement et de l’innovation, et nous en avons encore la preuve aujourd’hui.
Pas d’impôts sur les plus-values cryptos, si vous financez l’économie réelle avec vos gains
Lors de la dernière séance de travail de la Commission des finances, Éric Woerth, son président, a tenté de faire ajouter un amendement portant sur les actifs numériques. La séance du vendredi 11 juin 2021 portait sur le projet de loi de finances rectificative pour 2021.
Chaque année à l’autonome, les organes de l’État composent puis votent une loi de finances pour l’année qui suit. Cette loi définit les budgets des ministères, mais aussi les orientations stratégiques de l’économie. Parfois, il arrive que la loi soit modifiée en cours d’exercice du fait de circonstances exceptionnelles. Et l’année 2021 semble comporter des circonstances exceptionnelles, nécessitant une révision de celle-ci.
Dans le cadre de cette séance, Éric Woerth a proposé de défiscaliser les plus-values en actifs numériques :
« On pourrait imaginer – bien entendu, dans le cadre d’un dispositif précis et selon des critères rigoureux – que les crypto-actifs convertis en monnaie réelle puissent, dans certains cas, lorsque l’argent est investi dans l’économie réelle ou dans le domaine culturel – je pense aux sociétés pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle, les SOFICA, ou au secteur du patrimoine -, bénéficier d’une défiscalisation, d’une neutralisation de la fiscalité, au même titre que les investissements en euros dans ces mêmes domaines. »
Un pas en avant, 2 en arrière
Cette proposition a suscité l’amusement des membres de la Commission, qui semblent ne pas avoir compris la proposition de leur président. Voici la réponse des membres et du rapporteur du projet de loi, Laurent Saint-Martin, le candidat La République En Marche pour la présidence de la région Île-de-France :
« M. Laurent Saint-Martin : Je n’ai pas très bien compris, monsieur le président de la commission, si le dispositif que vous proposez permettrait d’investir avec des crypto-actifs dans l’économie réelle et de bénéficier d’une exonération fiscale, ou s’il faudrait d’abord vendre les crypto-actifs et les transformer en euros pour bénéficier ensuite d’une niche fiscale une fois ces euros investis.
M. Éric Woerth, président de la commission des finances : C’est cela !
M. Laurent Saint-Martin, rapporteur : Dans ce cas, la niche existe déjà.
Mme Christine Pires Beaune : C’est la double niche !
Mme Émilie Cariou : Fromage et dessert ! »
Minute de la session de travail de la Commission des finances
Les actifs numériques étant un domaine naissant, les députés de la Commission ne semblent pas connaître le régime d’imposition de cette classe d’actifs. A vrai dire, son cadre juridique est flou et incomplet.
Toutefois, la niche évoquée n’existe pas. Le rapporteur du projet de loi de finances rectificative pour 2021 fait référence aux réductions d’impôt, dont bénéficient les personnes investissant dans le domaine de la culture ou du patrimoine. En revanche, si l’on réinvestit les gains cryptos dans ces secteurs, il faudra passer par la case imposition. Il n’y a donc pas pour le moment de niche, simple ou double.
Ce que souhaite Éric Woerth, c’est justement de supprimer l’impôt sur les plus-values, lorsque les gains financent l’économie. Cela étant, l’amendement a été retiré par Woerth après que le gouvernement ait accepté de se pencher sur la question en détail. Le ministre délégué à la Commission des finances semble enclin à mettre en place ce mécanisme, du moment que cela ne crée pas de double niche fiscale.