
Stablecoins en Europe : Bras de fer entre la BCE et l’UE
Illustration générée par IA — Aucune présidente de la BCE ou de la Commission n’a été blessée lors de ce bras de fer (ni convoquée à la salle de muscu).
Un stablecoin peut en cacher un autre. Alors que le cadre réglementaire MiCA (Markets in Crypto Assets) est entré en vigueur en décembre 2024, les émetteurs de stablecoins doivent désormais s’y conformer pour obtenir l’approbation nécessaire à la création de leurs jetons dans l’UE. Cependant, une question demeure : les stablecoins émis par une entreprise avec une licence de l’UE peuvent-ils être considérés comme interchangeables avec ceux émis par des entités non-UE de la même entreprise ? La Commission européenne s’apprête à apporter des précisions sur ce point crucial malgré les craintes de la BCE.
- Le cadre réglementaire MiCA, entré en vigueur en décembre 2024, impose aux émetteurs de stablecoins de se conformer à de nouvelles règles pour opérer dans l’UE.
- La Commission européenne pourrait assouplir la réglementation pour permettre la fongibilité des stablecoins émis par des entités UE et non-UE d’une même entreprise, malgré les préoccupations de la BCE.
La Commission serait prête à assouplir la règlementation des stablecoins…
Le règlement MiCA adopté par l’Union européenne en 2023 impose aux émetteurs de stablecoins de recevoir une autorisation de surveillance pour créer leurs tokens dans l’UE. Ces derniers, appelés e-money tokens (EMTs), doivent être soutenus par des réserves détenues dans une banque basée dans l’UE. Cette mesure vise à garantir que les émetteurs puissent répondre aux demandes de rachat des clients souhaitant échanger leurs cryptomonnaies contre des devises traditionnelles.
En avril 2024, le régulateur bancaire français a soulevé une question importante : les jetons identiques émis par différentes branches d’une même entreprise, l’une avec une licence de l’UE et l’autre en dehors de l’UE, peuvent-ils être considérés comme interchangeables ou « fongibles » ?
Selon des sources proches du dossier citées par la presse, la Commission européenne pourrait considérer que les stablecoins émis par une entreprise avec une licence de l’UE sont interchangeables avec ceux émis par des entités non-UE de la même entreprise.
Cette clarification est cruciale pour les émetteurs de stablecoins qui opèrent à l’échelle mondiale comme Tether. Elle pourrait en effet faciliter la conformité réglementaire et réduire les coûts liés à la gestion de réserves distinctes pour les tokens émis dans l’UE et hors de l’UE.

… mais la BCE reste préoccupée par des risques importants
Toutefois, la Banque centrale européenne (BCE) a exprimé des préoccupations quant à cette approche. Elle craint que les réserves détenues dans l’UE ne soient utilisées pour répondre aux demandes de rachat des détenteurs de jetons non-UE, ce qui pourrait « risquer de compromettre l’autonomie stratégique et la souveraineté de l’UE ».
La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a d’ailleurs réaffirmé que les stablecoins posent des risques pour la politique monétaire et la stabilité financière. Elle a aussi insisté sur la nécessité de règles solides, surtout lorsque ces monnaies opèrent au-delà des frontières internationales.
La BCE craint que les stablecoins émis par la même entreprise dans d’autres juridictions, mais fongibles avec ceux émis dans l’UE, ne mettent à rude épreuve les banques du bloc européen en période de stress. La présidente de la BCE a donc exhorté les législateurs européens à introduire une règle soutenant le lancement de l’euro numérique pour contrer ces risques.
Un porte-parole de la Commission a finalement déclaré qu’une ruée sur un stablecoin bien gouverné et entièrement garanti était très peu probable. Même si cela devait se produire, les détenteurs étrangers échangeraient leurs jetons dans leur pays d’origine, où la majorité des jetons circulent et où la majorité des réserves sont détenues. La Commission propose plutôt de permettre aux superviseurs nationaux de faire leurs propres évaluations des risques et de demander éventuellement des garanties supplémentaires. L’Europe aurait-elle pris enfin la mesure du phénomène stablecoin ?