En plus des jetons de plateformes d'échange, un autre type de jeton utilitaire mérite une attention toute particulière : les jetons de gouvernance. Ces derniers servent à orienter le développement d’un protocole. Les mises à jour du réseau ou de l’application sont soumises aux votes des détenteurs du jeton. Dans cet article, nous nous intéresserons à la notion de gouvernance d’un protocole. Nous étudierons différents modèles, et citerons quelques-uns des jetons de gouvernance les plus populaires. C'est parti !
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Table des matières
La notion de gouvernance
Si vous avez lu les chapitres précédents, vous savez que les deux blockchains à la tête du marché des cryptomonnaies n'utilisent pas de jetons de gouvernance. Revenons rapidement sur la gouvernance de ces deux protocoles.
Bitcoin et l’ordre spontané
Commençons par évoquer le cas de la gouvernance du protocole Bitcoin. Comme évoqué dans le Chapitre qui lui est dédié, le réseau est sécurisé via la preuve de travail, et son jeton natif (le bitcoin ou BTC) ne donne aucun droit de vote à ses détenteurs. En revanche, ce sont les nœuds complets du réseau qui acceptent ou rejettent les éventuelles modifications du protocole.
Une modification du protocole Bitcoin ou fork a deux effets possibles :
- Elle vise à rendre les règles du protocole plus strictes. La nouvelle version du logiciel client est alors compatible avec les précédentes. On parle de soft fork ;
- Elle élargit ou modifie les règles du protocole. Dans ce cas, la nouvelle version du logiciel client est incompatible avec les précédentes. On parle de hard fork. Dans ce cas de figure, si deux versions coexistent, la blockchain se sépare en deux. Ce fut le cas lors de la modification de la taille des blocs menant à la création de Bitcoin Cash (BCH).
C’est donc en choisissant quelle version du protocole utiliser que les nœuds complets du exercent leur gouvernance sur le réseau Bitcoin. Un utilisateur qui ne maintient pas de nœud complet n’a aucun pouvoir de gouvernance, quel que soit la quantité de bitcoins qu’il détient. C’est le principe du « one CPU, one vote » : chaque nœud possédant un exemplaire de la blockchain a le même poids de vote que ses pairs.
On peut parler d’ordre spontané quant à la gouvernance du protocole Bitcoin. La gouvernance émerge spontanément, en tant que résultat des décisions individuelles, formant une majorité économique. Aucune entité extérieure au réseau ne peut imposer ses propres règles. La gouvernance de Bitcoin et l’ordre spontané émergent ainsi grâce à la théorie des jeux. Chaque participant au réseau poursuit son propre intérêt, et les règles du protocole découlent de ces intérêts individuels.
Pour en savoir plus sur la gouvernance de Bitcoin, rendez-vous sur cet article du Chapitre de l'Encyclopédie dédié au roi des cryptomonnaies.
Ethereum et la futarchie
Sur Ethereum, la gouvernance demande un niveau de coordination des différents acteurs de l’écosystème plus poussé. Comme sur Bitcoin, n’importe qui peut proposer un changement des règles du protocole (Ethereum Improvment Proposal ou EIP).
L’EIP passe ensuite entre les mains des développeurs du protocole. Ces propositions sont discutées de façon informelle. Dans le cas où l'EIP n’est pas rejeté, les changements seront ensuite exposés aux gros détenteurs d’ethers (token holders). En fonction des retours, il faudra effectuer de nouveaux changements. Les développeurs du protocole vont ensuite à nouveau revoir l’EIP. Il est possible que de multiples aller-retours soient nécessaires.
Si l’EIP est approuvée, testée et implémentée, elle sera programmée. Les mises à jour du réseau Ethereum regroupent ainsi plusieurs EIP. Comme dans le cas de Bitcoin, certains changements peuvent provoquer des dissensions entre les membres de la communauté.
Comme le bitcoin, l’ether n’est donc pas un jeton de gouvernance. Les deux ne confèrent aucun droit de vote quant aux décisions prises par le protocole. La gouvernance est effectuée off-chain :
- Tout d’abord par la coordination entre les développeurs du protocole ;
- Puis par l’approbation des nœuds complets du réseau.
Ce mécanisme présente l’avantage indéniable de garantir un haut degré de sécurité pour le réseau. Cependant, les processus sont lents et les mises à jour difficiles à mettre en œuvre.
La vision de Vitalik Buterin
Le créateur d’Ethereum, Vitalik Buterin, a beaucoup écrit sur les mécanismes de gouvernance d’une blockchain. Il a toujours préconisé la gouvernance off-chain pour un protocole de haut niveau, en dépit du statu quo que ce type de système encourage. Cependant, de nombreux protocoles déployés sur Ethereum (et d’altcoins) utilisent des mécanismes de gouvernance on-chain.
La gouvernance on-chain est basée sur le vote des détenteurs du jeton. Les mécanismes sont multiples :
- Élection des nœuds validateurs du réseau, les super-nodes (preuve d’enjeu déléguée) ;
- Ajustement des paramètres du protocole (par exemple le montant des frais de transaction) ;
- Mise à jour du protocole.
On parle de gouvernance on-chain explicite lorsque ces mécanismes et les règles de gouvernance sont définis et automatisés dans le code source du protocole. Ce type de gouvernance présente plusieurs avantages :
- Évolution plus rapide du protocole ;
- Limite les risques de séparation (fork) de la blockchain dans le cas de conflit.
Les deux couches de gouvernance
Pour reprendre les concepts décrits par Vitalik Buterin, il existe différentes couches de gouvernance d’un protocole.
La couche inférieure (bottom layer) est formée par la faculté de chaque individu à choisir la version du logiciel client qu’il souhaite exécuter. Qu’il soit simple utilisateur, mineur, détenteur du jeton, validateur ou autre type d’agent, il a le pouvoir de décision ultime sur le protocole.
La deuxième couche de gouvernance est formée par les institutions de coordination. Elles ont pour fonction de créer des points de focalisation. Il s’agit de montrer comment et quand les individus doivent agir, afin de mieux coordonner les comportements. En d’autres termes, ces institutions guident les participants au réseau par leurs indications. Elles encouragent la participation en donnant des avis, des suggestions, des conseils, voire des ordres.
Les jetons de gouvernance
Leur objectif
Intéressons nous maintenant au sujet de cet article : les jetons donnant des droits de gouvernance à leurs détenteurs. Ces droits peuvent être de différentes natures, et le ou les créateurs du jeton déterminent le pouvoir de gouvernance accordé.
Un jeton de gouvernance sert donc à voter quant aux modifications d’un protocole. Ce pouvoir de vote peut intervenir directement sur la couche primaire du protocole. Dans ce cas, les mécanismes de vote et de gouvernance sont directement programmés dans le code source. Si la gouvernance intervient en passant par des institutions de coordination, les détenteurs du jeton délèguent leur pouvoir à des représentants.
Leurs inconvénients
Le taux de participation
La gouvernance via un jeton dédié présente bien sûr des inconvénients. Tout d’abord, la participation à la gouvernance est généralement faible. De nombreux protocoles (notamment en preuve d’enjeu déléguée) ont des taux d’abstention très élevés. Cela diminue donc la légitimité des votes, car ils ne représentent l’avis que d’une minorité de détenteurs de jetons. De plus, les gros holders peuvent facilement déterminer le résultat d’une votation.
La corruption
Tous les mécanismes de vote via un jeton présentent également un autre vecteur d’attaque. Les détenteurs du jeton ont dans leur grande majorité un très faible impact sur le résultat des scrutins. Leur incitation à voter honnêtement (c’est-à-dire en fonction de leurs convictions et pour l’intérêt général) est donc aussi très faible. Cela diminue le coût du vote buying : la corruption par l’achat de votes. Ainsi, grâce à un pot-de-vin peu coûteux distribué aux votants, un agent riche peut influencer leur décision.
C’est un cas de figure qui se produit par exemple lorsqu’une plateforme de change offre des dividendes sur les jetons de gouvernance détenus par ses clients. L’exchange peut ensuite voter avec ces jetons. Ses intérêts ne sont pas forcément alignés avec ceux des utilisateurs et détenteurs de jetons.
Le phénomène du vote buying est d’autant plus accentué par la psychologie générale des détenteurs de coins. Ces derniers cherchent souvent à maximiser leur profit financier, et se soucient peu de la gouvernance des protocoles inhérents aux jetons qu’ils détiennent.
Non-représentativité des détenteurs de coins
Un autre argument en défaveur du vote par jeton est que ses détenteurs ne représentent qu’une partie des utilisateurs du protocole. De plus, même dans le cas inverse, ces mécanismes de gouvernance mènent irrémédiablement à une forme de ploutocratie. Ceux qui détiennent le plus de coins ont un pouvoir disproportionné, puisque le pouvoir de vote est déterminé par le nombre de jetons détenus. Cela entraîne la centralisation des processus de prise de décision.
Les organisations autonomes décentralisées (DAO)
Ces mécanismes de gouvernance par les jetons natifs d’un protocole blockchain sont innovants et nous mènent à la notion d’organisation autonome décentralisée (DAO), déjà abordée dans l'article consacré aux cas d'usage d'Ethereum. L’organisation regroupe tous les agents pouvant participer à la prise de décision, du détenteur de jeton au programmeur qui déploie les lignes de code.
La constitution numérique
Afin d’optimiser les mécanismes de vote et de réduire les risques et les inconvénients mentionnés ci-dessus, les DAO peuvent s'appuyer sur une constitution numérique. La DAO fixe un ensemble de valeurs et d’objectifs à respecter et essaie d’établir un cadre légal pour les changements du protocole.
L’approche naïve consiste à définir mathématiquement (par le code lui-même) ce qui est légitime et ce qui ne l’est pas. Si on ne peut pas prouver mathématiquement qu'une modification du protocole respecte les contraintes de la constitution, alors elle sera rejetée.
Cependant, cela reste difficile à mettre en œuvre. Il est très complexe de prendre en compte la totalité des actions illégitimes et d’arriver à coder ces règles. Une approche plus pragmatique consiste alors à se reposer sur le consensus humain pour établir des normes.
Le consensus multifactoriel
Une approche équilibrée préconisée par Vitalik Buterin consiste à gouverner une blockchain en prenant en compte différents groupes de participants et d’institutions de coordination. Les décisions sont alors prises in fine par le résultat collectif des différents mécanismes :
- Feuille de route et constitution du protocole ;
- Consensus entre les développeurs principaux du réseau ;
- Vote des détenteurs du jeton ;
- Vote des utilisateurs du protocole, par exemple via les sondages ;
- Normes préétablies dans le code source.
La résistance aux attaques Sybil (utilisation d’identités multiples par une entité unique) est assurée dans le cadre du vote par jeton. Il est impossible de prétendre détenir plus de coins que l’on en possède réellement. En revanche, pour prendre en compte les votes des simples utilisateurs, il faut trouver des systèmes résistants à ce type d’attaque.
La futarchie
Le concept de futarchie provient de Robin Hanson, professeur d’économie. Il peut se résumer par la phrase : votez vos valeurs, mais pariez sur des convictions. Il s’agit d’une forme de gouvernance politique où les citoyens peuvent exprimer leurs idées, mais où le marché détermine et applique celles qui ont le plus de chance de favoriser l'intérêt général.
On parle ici de marché prédictif, où les participants parient sur l’issue des événements. S’ils ont raison, ils gagnent de l’argent, si les résultats leur donnent tort, ils en perdent. L’introduction des marchés prédictifs dans le processus de gouvernance repose sur trois observations :
- Les démocraties échouent à agréger l’information de manière fiable ;
- Il est facile de déterminer les résultats d’une politique (par exemple, il est très facile de distinguer les nations riches des nations pauvres) ;
- Les marchés prédictifs sont le meilleur moyen d’agréger l’information avec le minimum de biais.
Les marchés prédictifs sont beaucoup plus efficaces que les sondages ou les scrutins pour agréger une information non biaisée. En effet, les participants ont intérêt à voter (c’est-à-dire à miser de l’argent) en fonction de leur intérêt. Ces derniers peuvent être de toutes classes, et de tous bords politiques. Le résultat collectif du marché prédictif prend alors en compte une grande variété de paramètres. Les estimations quant au résultat effectif d’une prise de décision sont donc plus précises.
Ce concept est très présent dans la construction des DAO et des mécanismes de vote par jeton.
Les systèmes de vote
Il existe de nombreux systèmes de vote on-chain. Chaque altcoin, chaque DAO a ses spécificités. Nous allons ici présenter plusieurs mécanismes généraux.
Le quorum basé sur la quantité de jetons
C’est le mécanisme de base. Une proposition doit tout d’abord recueillir la participation d’un nombre plancher de membres. Une fois qu’il est atteint, la proposition est implémentée si la majorité l’approuve. Le poids des votes est fonction de la quantité de jetons détenue par les votants. C’est un système démocratique, favorisant la masse, où l’idée la plus répandue l’emporte.
Ce système présente plusieurs inconvénients :
- Il est difficile ou coûteux d’encourager la participation ;
- Les abstentionnistes peuvent saboter une proposition ;
- Le système favorise les plus riches (ploutocratie) ;
- Il y a des risques de manipulation (achat de votes).
La majorité relative
Ce mécanisme ne nécessite pas de quorum pour organiser une votation. Seuls les « oui » et les « non » sont pris en compte. C’est tout simplement la majorité relative des votes qui l'emporte. Ce système ne prend donc pas en compte la participation des membres. Il est simple et facile à implémenter, cependant, il a des inconvénients majeurs :
- En cas de faible participation, un seul membre peut obtenir un important pouvoir de décision ;
- Il n’encourage pas les membres à prêter attention aux propositions. Une proposition dangereuse a donc plus de chance de passer sous les radars de la communauté.
Afin de mitiger ces problèmes, il est possible d’utiliser un système de sponsorship. La proposition doit être sponsorisée par certains membres de la DAO avant d’être soumise à la votation. De plus, une fois la proposition acceptée, elle peut entrer en période de grâce. Pendant ce délai, les votants peuvent reconsidérer leur choix, et retirer leur vote. Si la proposition ne recueille plus assez de soutien, elle est rejetée.
Le vote quadratique
Ce mécanisme ajuste le pouvoir de vote en fonction de la richesse des détenteurs du jeton de manière quadratique. Par exemple, si un jeton donne droit à un vote, alors il faudra 4 jetons pour deux votes, 9 jetons pour 3 votes, et ainsi de suite. Cela permet de mettre en exergue le degré de conviction des votants. De même, cela apporte des solutions aux problèmes causés par les méthodes basées sur la majorité relative.
Le vote quadratique, pour ne pas être sujet aux manipulations, nécessite l’identification des votants. Il faut alors mettre en place des systèmes de preuve d’identité pour l’organiser.
Le consensus holographique
Ce modèle de vote est conçu pour attirer l’attention de la communauté sur les propositions qui ont le plus de chances d’approbation. Les participants utilisent leurs jetons pour miser (parier) sur l’issue de la votation. Si la proposition passe, ils sont récompensés en jetons; si elle est rejetée, ils perdent des jetons.
Le consensus holographique a l’avantage de réduire le nombre de « mauvaises » propositions, puisqu’il faut les financer. De plus, il permet à un petit groupe de membres de présenter les convictions de la majorité. Cependant, c’est un procédé coûteux à mettre en œuvre et difficile à maintenir sur le long terme.
Le vote multi-signatures
Ce modèle est répandu, car il offre un bon compromis en termes de rapidité et de simplicité. Les membres de la communauté peuvent faire tous types de propositions. C’est ensuite un comité centralisé qui effectue la votation. Cette entité centrale est généralement l’équipe développant le protocole, ou d’importants détenteurs du jeton.
L’inconvénient est bien sûr que le pouvoir de cette autorité est très important. Elle peut être amenée à prendre des décisions qui ne sont pas dans l’intérêt de la majorité.
La démocratie liquide
Il s’agit de déléguer son pouvoir de vote à des membres de confiance. Les détenteurs de jetons vont soutenir les entités qui défendent leurs intérêts. Ce sont ensuite ces personnes qui vont prendre les décisions quant à l'évolution de la DAO. Les délégués sont généralement choisis pour leur expertise, leur implication et leur intégrité.
Tout comme dans une démocratie, ce modèle peut cependant conduire à la manipulation des opinions et à la corruption des élus.
Gouvernance, DAO et expérimentations
Le concept d’organisation autonome décentralisée est nouveau. Tous ces systèmes sont encore au stade expérimental et il est possible d’imaginer de nombreuses variantes.
Les jetons de gouvernance ont donc une valeur utilitaire. Elle provient de leur nécessité pour participer aux prises de décisions. Les détenteurs ont intérêt à en accumuler pour augmenter leur pouvoir, mais aussi à les utiliser pour participer à la gouvernance. La valeur de ces jetons est donc liée à la qualité des décisions prises par les votants.
De nombreuses DAO ont ajusté leurs modèles de jetons de gouvernance au fil du temps. Nous allons conclure cet article en citant quelques exemples.
Quelques exemples de jetons de gouvernance
EOS (EOS)
La plateforme de smart contracts EOS est un cas d’école de preuve d’enjeu déléguée. Le jeton natif EOS est à la fois la monnaie d’échange du réseau et son jeton de gouvernance. Les détenteurs du jeton peuvent utiliser leurs EOS pour élire des délégués. Ces derniers sont chargés de la sécurisation du réseau (validation des transactions) et de son développement (création d’outils logiciels, mises à jour du protocole).
Le comité des délégués producteurs de blocs comporte 21 membres. Il s’agit du top 21 des candidats, classés en fonction du nombre de jetons recueillis. Les détenteurs de jetons peuvent voter pour 30 délégués à la fois, et peuvent retirer leurs votes à tout instant. N’importe qui peut soumettre une proposition de modification du protocole, mais seuls les producteurs de blocs peuvent les accepter ou les refuser. Les mises à jours sont déployées si 13 délégués sur 21 les approuvent.
EOS possède une constitution rédigée de façon collaborative via le forum de gouvernance. Les producteurs de blocs élus s’engagent à la respecter. Le forum regroupe également les différentes propositions, et sert également de plateforme d’arbitrage entre les détenteurs de jetons.
Le modèle de gouvernance d’EOS fait l’objet de nombreuses critiques :
- Centralisation de la prise de décision (seulement 21 délégués dont une majorité d’organisation chinoises) ;
- Soupçons de collusion entre les délégués ;
- Le système favorise l'achat de votes : les producteurs de blocs peuvent promettre des dividendes aux détenteurs de jetons votant pour eux.
Quoiqu’il en soit, l’EOS est l'un des jetons de gouvernance le plus capitalisé. Dan Larimer, le fondateur de Block.One et créateur d’EOS, n’en est pas à son coup d’essai. Il est l’inventeur du delegated proof-of-stake, déjà expérimenté sur BitShares. La communauté d’EOS reste active, et de nombreuses modifications du mécanisme de gouvernance ont été proposées.
Uniswap (UNI)
Le jeton UNI de la plateforme d’échange décentralisée Uniswap est un pur jeton de gouvernance. Uniswap est déployé sur Ethereum, et entre dans la catégorie des Automated Market Makers (AMM ou teneurs de marché automatisés). Sur Uniswap, il est possible d’échanger des jetons ERC-20 en quelques clics de souris, grâce aux réserves de liquidité du protocole. Il s’agit de l’application décentralisée la plus utilisée, et agrégeant le plus de liquidités.
Uniswap est régi par un ensemble de smart contracts. Son mécanisme de gouvernance repose sur divers portails communautaires, et un outil de vote : Snapshot. Il se décompose en 3 phases, décrites ci-dessous.
Temperature Check
La proposition est présentée à la communauté sur le forum de gouvernance. Les détenteurs du jeton UNI vont alors la discuter, et manifester leur intérêt en déléguant leurs jetons. La période de sondage est de 3 jours. Pour avancer à l’étape suivante, la proposition doit recueillir un quorum de 25 000 UNI et une majorité relative de « oui ».
Consensus Check
Le proposant effectue un nouveau sondage en décrivant précisément les différentes options ayant obtenu le soutien de la communauté. Il dure 5 jours. Les options peuvent être binaires ou à choix multiples mais offrent toujours le choix de n’effectuer aucun changement. De nouvelles discussions pour affiner la proposition s’engagent sur le forum de gouvernance.
À l’issue des 5 jours, l’option remportant le plus de votes positifs ira en phase 3. Un minimum de 50 000 votes en jetons UNI est requis.
Governance Proposal
La proposition accédant à l’étape finale consiste à 10 actions au maximum. Le code correspondant est obligatoirement audité par un professionnel. Afin de déployer la mise à jour, l’initiateur de la proposition doit posséder au moins 10 millions d’UNI sur son adresse. Il appelle ensuite la fonction proposée qui déclenche une nouvelle votation durant une semaine. Si les votes restent positifs, le code est déployé au bout de 2 jours supplémentaires.
La gouvernance d’Uniswap s’effectue donc à la fois off-chain (via les discussions) et on-chain (via les votes et le déploiement du code). Les utilisateurs délèguent leurs jetons UNI à l’adresse de l'initiateur d’une modification du protocole. En octobre 2024, le prix du jeton UNI est de 8 dollars.
La quantité de jetons minimale pour déployer du code représente la coquette somme de 80 millions de dollars. Ainsi, seuls les gros portefeuilles peuvent proposer des modifications.
Les nombreux AMM déployés sur Ethereum après l'apparition d'Uniswap possèdent pratiquement tous leur propre jeton de gouvernance.
Balancer (BAL)
Balancer est lui aussi AMM dont le jeton de gouvernance BAL permet à ses détenteurs de participer aux prises de décisions importantes. Il s'agit par exemple de l'ajout de nouvelles fonctionnalités, ou de modifier certains paramètres critiques du protocole. Le processus est décomposé en 5 étapes et ressemble fortement à celui d'Ethereum.
Les propositions de modification sont appelées Requests for Comment (RFC) qui ne sont pas sans rappeler les Ethereum Requests for Comment (ERC). Elles doivent respecter un formalisme bien précis et sont présentées aux utilisateurs de Balancer et aux détenteurs du jeton via un portail dédié.
Il y a tout d'abord une phase de discussion, où la communauté évalue la pertinence du RFC et soumet ses retours. Vient ensuite la phase de proposition, où le RFC doit obtenir le consensus général durant une semaine. La phase de votation dite aussi snapshot débute alors. Les détenteurs du jeton votent sur un espace dédié. À l'issue de la votation, selon le résultat, la proposition sera implémentée ou non.
Cardano (ADA)
La plateforme blockchain de troisième génération Cardano présente un mécanisme de gouvernance ambitieux. Son jeton natif, l'ADA, permet à n'importe qui le détenant de participer aux prises de décisions :
- Changements des paramètres du réseau ;
- Propositions d'amélioration du protocole (Cardano Improvment Proposals ou CIP) ;
- Financement des projets de l'écosystème.
La gouvernance de Cardano est en cours de développement et vise à devenir parfaitement démocratique et décentralisée. Elle doit reposer sur l'intelligence collaborative et les nombreuses discussions quant aux modèles à adopter se déroulent sur le forum dédié.
Cosmos (ATOM)
Lancé en 2016, Cosmos a été développé sous l'impulsion de ses trois fondateurs, Jae Kwon, Zarko Milosevic et Ethan Buchman. Leur ambition était de créer un « Internet des blockchains », sur lequel différentes blockchains pourraient interagir de manière décentralisée.
Pour ce faire, ils ont développé trois outils qui servent de socle à l'écosystème :
- Le protocole IBC : l'inter-blockchain communication protocol (IBC) est un protocole qui permet aux blockchains compatibles de se comprendre pour échanger des messages et/ou des jetons ;
- Le Cosmos SDK : il s'agit d'un kit permettant de développer une blockchain compatible avec l'IBC, laissant un maximum de liberté aux développeurs tout en facilitant leur travail ;
- Tendermint : c'est le protocole du réseau qui sépare la couche de consensus de la couche d'execution. Il permet de fonctionner avec l'IBC.
Grâce à ses outils, des dizaines de blockchains ont été développées et sont interconnectées autour de la blockchain principale, créant ainsi le Cosmos Hub. Le jeton ATOM, natif de Cosmos, y joue plusieurs rôles. Il sert :
- De jeton de gouvernance ;
- À sécuriser la blockchain principale via le staking ;
- À payer les frais de transactions sur le réseau.
Les détenteurs d'ATOM ont déjà été appelés à voter de nombreuses fois depuis le lancement du projet, notamment pour modifier les taux d’inflation et les récompenses de staking. Ces modifications sont intervenues pour tenter d'améliorer sa tokenomics, dans l'optique de faire grimper le cours du jeton. Force est de constater qu'à l'heure actuelle, ces mesures n'ont pas suffi à résoudre le problème.
Jupiter (JUP)
Jupiter est un agrégateur de DEX sur Solana qui permet à ceux qui veulent y faire des swaps de trouver l'offre la plus avantageuse, sans aller comparer eux-mêmes les différentes plateformes du marché.
La plateforme a lancé son jeton de gouvernance, le JUP, qu'elle a distribué en partie via un airdrop généreux à ses utilisateurs de la première heure (mais en gardant 50 % de l'offre totale pour son équipe). Ses détenteurs sont invités à le staker pour pouvoir voter.
Jusqu'à présent, la plateforme a su s'assurer que sa communauté restait active et participait aux décisions en récompensant ceux qui prenaient la peine de voter par des airdrops.
Le mot de la fin
Choisir un modèle de gouvernance n'est pas une chose simple. Pour éviter les problèmes, la plupart des plateformes blockchain ou autres projets crypto commencent par utiliser des modèles de gouvernance et de vote limitant le cadre de la prise de décision accordée aux détenteurs du jeton. Malgré tout, les jetons de gouvernance sont très utilisés dans l'industrie crypto, et vous pourrez constater dans l'article suivant qu'ils sont aussi très populaires puisqu'on en retrouve plusieurs dans le top 10 des altcoins du moment.