L’origine et les fondements des altcoins

Chapitre III Article b

Après avoir survolé les altcoins en répondant aux 10 questions les plus fréquentes, il est temps de nous plonger plus en détail dans leur histoire en commençant par le début. Vous le savez, Bitcoin est un protocole open-source : son code peut donc être repris et modifié par n’importe qui. Ainsi, quelques mois à peine après l’apparition publique de la première blockchain, plusieurs développeurs commencent à reprendre l’idée de Satoshi Nakamoto, pensant l’améliorer, et l’adapter à leur convenance. On assiste alors à la naissance des premiers altcoins, ces cryptomonnaies alternatives à Bitcoin. Nous allons ici retracer leurs origines, et tenter de comprendre comment et pourquoi ils sont arrivés sur le marché.

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Les réflexions au sujet de Bitcoin à l'origine des altcoins

Ceux d'entre vous qui ont lu le premier chapitre de cette encyclopédie savent que Bitcoin fut une révolution aussi bien idéologique que technologique, dans le domaine des monnaies privées, numériques et décentralisées.

Mais, bien que de nombreux cryptographes, programmeurs, économistes et mathématiciens aient reconnu le génie de Satoshi Nakamoto et l’élégance de son invention, celle-ci n'est malheureusement pas parfaite.

Aussi, dès son apparition, nombreux sont ceux qui ont cherché à modifier ses paramètres, afin de l'adapter à un usage spécifique ou à leur idéologie, menant ainsi à la naissance des premiers altcoins. Leurs créateurs tentèrent de convaincre les utilisateurs avec des arguments techniques, philosophiques ou économiques, qu'ils jugeaient meilleurs que la proposition de Satoshi.

Bien entendu, les détracteurs de Bitcoin ne lui ont pas trouvé que des défauts. Ils ont aussi conservé ou adapté une partie des briques technologiques servant de base au réseau pour façonner leurs projets. Voyons ici les principaux reproches qui ont été faits à la crypto de Satoshi, ainsi que ses qualités qui ont servi de tremplin pour de nombreux altcoins.

Les imperfections de Bitcoin

Bitcoin, trop lent ?

Le premier aspect du protocole Bitcoin qui suscita de nombreuses critiques est sa relative lenteur.

Comme nous l'avons expliqué dans cet article, il est programmé de telle sorte à ce qu’un bloc soit produit toutes les 10 minutes. Une transaction est considérée comme finalisée après 6 confirmations, soit un délai d’une heure en moyenne.

Ce délai fut donc jugé trop long par de nombreuses personnes. Étant fixé de façon arbitraire par l'algorithme d’ajustement de la difficulté de minage, rien n'empêchait de le modifier. Certains des premiers créateurs d’altcoins ont donc souhaité le raccourcir. Selon eux, une finalisation plus rapide des transactions serait mieux adaptée à un système de paiement numérique.

Bitcoin, trop gourmand ?

L’algorithme utilisé pour générer la preuve de travail fut également l’objet de nombreux débats. Sur Bitcoin, il s’agit du bien connu SHA-256. Certains le trouvaient trop consommateur en énergie, et souhaitaient le remplacer par un algorithme moins gourmand, plus léger.

On ne parle pas ici de l’argument écologique infondé selon lequel « Bitcoin pollue ». Ce dernier n’apparut que plus tard, et n’est généralement pas émis par des experts en énergétique et en cryptographie. Il s’agissait plutôt de dire qu’avec l’utilisation croissante de Bitcoin, il deviendrait plus compliqué et coûteux de miner. Cela rendrait Bitcoin moins inclusif, moins accessible aux petits portefeuilles.

Ces critiques avaient vu juste : si, lors des premiers pas de Bitcoin, il était possible de miner avec un simple ordinateur portable, cela nécessite aujourd’hui du matériel spécialisé, qui n’est pas à la portée de toutes les bourses.

Bitcoin ASIC miner
Bitcoin ASIC miner

L’idée de modifier l’algorithme de preuve de travail fut donc à l’origine de nombreux altcoins. Cependant, ce ne sont pas les seuls reproches que plusieurs membres de la communauté crypto naissante firent à Bitcoin.

Une émission monétaire imparfaite ?

Des critiques plus surprenantes concernent son modèle d’émission monétaire. La courbe d’émission des bitcoins est définie pour que l’inflation du protocole tende vers 0. Mais, même chez les cypherpunks, l’idée d’une monnaie déflationniste ne fait pas l’unanimité !

Certains se basent sur les théories inspirées de Keynes, et préfèrent une inflation fixe, de 2 % par an par exemple. D’autres sont en faveur d’une quantité limitée de coins, libérée et distribuée immédiatement lors de la mise en fonctionnement du réseau. D’autres souhaitent au contraire des protocoles déflationnistes plus stricts.

Plusieurs altcoins ont donc été conçus suivant ces problématiques.

Un manque de possibilité ?

Bitcoin est une monnaie programmable, c’est-à-dire que grâce à son langage de programmation (Script), il est possible de définir le comportement des jetons numériques qui transitent sur le réseau. On peut, par exemple, verrouiller des coins pour une certaine durée, ou soumettre des transactions à l’approbation d’un certain nombre de signataires, à l’image d’un compte joint. Par souci de sécurité, les possibilités restent cependant très basiques sur ce réseau.

Certains suggérèrent alors de créer des blockchains qui permettent d’effectuer un plus grand nombre d’opérations. Pourquoi ne pas créer une monnaie à la programmabilité totale ? Le concept de contrat intelligent, formalisé en 1994 par Nick Szabo, refit donc surface.

Et si vous avez lu le chapitre précédent, vous savez qu'il s’agit de la réflexion qui mena Vitalik Buterin à conceptualiser Ethereum.

Bitcoin, pas assez anonyme ?

Mixeurs bitcoin

Le caractère public de la blockchain de Bitcoin est également l'objet de nombreuses critiques de la part de ceux qui attachent de l'importance à leur vie privée.

Beaucoup souhaitaient que les transactions restent vérifiables par l’ensemble des nœuds du réseau, sans pour autant que les adresses des utilisateurs ou le montant des transactions ne soient visibles. Plusieurs altcoins ont donc vu le jour pour permettre à leurs utilisateurs d'effectuer des transactions tout en conservant leur anonymat.

Bien sûr, il est impossible de citer tous les reproches qui furent émis à l’égard de Bitcoin et qui continuent de l'être. On peut simplement observer que l’idée de modifier son code source a surgi immédiatement après sa mise en œuvre, et qu'elle continue de faire son chemin, menant à la création de nombreuses cryptomonnaies alternatives.

La blockchain, une base technologique à conserver

À l’instar de Satoshi qui s'appuya sur les travaux d'Adam Back pour trouver une nouvelle utilisation de la preuve de travail et sécuriser son registre (sa blockchain), de nombreux altcoins se sont ainsi inspirés des principes techniques de Bitcoin pour créer de nouveaux cas d’usage.

Ils concernent notamment l’industrie des paiements, la certification ou encore les relations contractuelles.

Si ce n'est pas la seule brique technologique qui permet au réseau de Satoshi d'exister, la blockchain est certainement celle qui fascina en premier. Beaucoup y ont vu un formidable outil, pouvant être utilisé à d’autres fins que ce qui avait initialement été prévu par Satoshi : certifier mathématiquement la validité de transactions financières.

En effet, il était possible de s'en servir pour certifier d'autres types d’informations que de simples transactions de BTC. Ainsi, de nombreuses entreprises commencèrent à s’intéresser aux applications de ce système pour leur propre business. Plusieurs programmeurs décidèrent d’utiliser la blockchain de Bitcoin pour certifier tous types de données.

Cependant, utiliser le réseau de Satoshi demande de payer des frais de transaction en bitcoin, ce qui peut vite coûter cher. Pour pallier à ce problème, les développeurs commencèrent par créer des forks de Bitcoin (des versions modifiées de son code source), donnant ainsi naissance aux premiers altcoins. Puis certains eurent l’idée de créer leur propre blockchain et d'autres mécanismes de consensus, adaptés à leurs besoins, à partir d’une page blanche.

Les différents objectifs des créateurs d'altcoin

Bitcoin est un protocole marqué idéologiquement comme nous vous l'avons expliqué en abordant ses origines et fondements. Créé à la suite du crash financier de 2008, il est une réponse à la politique monétaire actuelle. Il doit beaucoup à l'émergence du mouvement Cypherpunk, et on retrouve dans la communauté Bitcoin des valeurs telles que la défense de la propriété privée et de l’anonymat.

De nombreux créateurs d’altcoins jugèrent Bitcoin insuffisant pour défendre les intérêts de la communauté Cypherpunk. À contrario, certains trouvaient Bitcoin trop libertarien, trop anarcho-capitaliste, impossible à réguler, et donc inacceptable par les banques et les États. Voici une liste (non exhaustive) des objectifs à l'origine des altcoins.

Créer un intermédiaire de paiement

L’une des premières différences majeures entre Bitcoin et les altcoins réside dans sa fonction de réserve de valeur. Ce dernier est en effet souvent comparé à de l’or numérique. Cependant, son modèle dans lequel ceux qui payent le plus voient leurs transactions passer en premier rend le réseau inadapté à une utilisation massive (hors layers 2). Les frais exhorbitants qui peuvent en découler ont donc fait l'objet de nombreuses critiques.

Aussi, de nombreux altcoins ont été conçus dans l'optique de palier à ce problème, visant à assurer la fonction de moyen de paiement plutôt que de réserve de valeur. C'est notamment le cas de Litecoin, qui, dès 2013, a souvent été assimilé à de l’argent numérique.

Réduire la consommation énergétique

Bitcoin vert

Bitcoin a la réputation d’être énergivore et gourmand en ressources à cause de son mécanisme de consensus, la preuve de travail. Si cette consommation énergétique élevée est justifiée par le haut degré de sécurité du réseau, certains développeurs d’altcoins souhaitaient créer des cryptomonnaies nécessitant moins de ressources pour fonctionner.

Ainsi, les mécanismes de consensus basés sur la preuve d’enjeu (proof of stake) ont fait leur apparition. L’argument écologique est souvent avancé comme une de leur raison d’être. Sans rentrer en détail dans les considérations techniques, ces algorithmes sont cependant plus vulnérables aux attaques.

Alléger les blockchains

Les blockchains comme Bitcoin ou Ethereum sont considérées comme la couche primaire de leurs réseaux respectifs. Les transactions y sont effectuées directement sur la blockchain, et la capacité de mise à l'échelle du réseau est donc structurellement limitée. Plusieurs personnes ont donc eu l'idée de créer des couches secondaires, afin de traiter un ensemble de transactions hors de la blockchain de première couche. Cette dernière ne sert qu'à assurer la finalisation de l'ensemble, en une seule transaction.

Sur le réseau Bitcoin, la couche secondaire la plus connue est le Lightning Network que nous vous avons déjà présenté ici. Ses créateurs n'ont cependant pas jugé utile de lui associer un altcoin. D'autres layers 2 de Bitcoin ont quant à eux choisi d'avoir recours à leur propre jeton, à l'instar du tout récent Fractal Bitcoin.

Comme nous l'avons évoqué dans le chapitre précédent, il existe aussi de nombreux layer 2 sur Ethereum. La plupart d'entre eux ont créé un altcoin. Il existe aussi des altcoins de layers 3, destinés à alléger les layers 2...

Créer des jetons pour un usage spécifique

Comme vous pourrez le lire dans la suite de cette Encyclopédie, de nombreux altcoins ont été conçus dans l'optique de répondre à une problématique très spécifique. C'est par exemple le cas des crytomonnaies anonymes, des jetons de plateformes d'échanges, des jetons de gouvernance, des actifs tokenisés, ou encore des memecoins.

Nous ne développerons pas plus à leurs sujets ici, et vous invitons à vous reporter directement aux articles qui les concernent pour avoir plus d'informations.

Renforcer la décentralisation

Certains concepteurs d’altcoins trouvaient Bitcoin trop élitiste, et anticipaient la difficulté de minage à venir lorsqu’il serait démocratisé. L’envie de créer des cryptomonnaies où le minage serait accessible à tout un chacun fut donc un des fondements de nombreux altcoins.

Certains développèrent des solutions dans lesquelles du matériel basique et adapté à toutes les bourses suffit pour participer au réseau en validant des transactions. Pour avoir des chances d'être réellement décentralisé, un réseau doit en effet être le plus inclusif possible.

L’une des premières idées a été de créer des altcoins dont les algorithmes sont adaptés aux processeurs graphiques. Ces derniers sont plus accessibles, et peuvent être branchés facilement en parallèle. Dans la communauté des gamers, les cryptomonnaies commencèrent à gagner en popularité, et chacun souhaitait s’enrichir grâce au minage en utilisant la puissance de leurs cartes graphiques.

Gagner un maximum d'argent

Une vague de billets

Vous vous en doutez, la spéculation et l'appât du gain furent aussi parmi les motivations premières à l'origine de certains altcoins.

Dans les années 2010-2012, il était très aisé de miner des bitcoins en solitaire, avec quelques machines peu coûteuses. L’idée de créer des altcoins permettant de générer de l’argent en laissant tourner des ordinateurs en a donc séduit plus d'un.

L'optique purement spéculative de certains investisseurs a aussi largement contribué à la création de certains altcoins. Si la course à la prochaine « pépite », la cryptomonnaie inconnue qui fera x10 ou x100, n'est pas à l'origine de l'idée de ces projets, c'est bien elle qui leur permit de lever les fonds à l'origine de leur naissance.

Ainsi, de nombreux investisseurs, attirés par la promesse de gains très importants, ont alloué une part de leur portefeuille à ces placements à risques, permettant aux projets de réunir assez d'argent pour se développer.

Certains altcoins ont d'ailleurs réalisé des performances exceptionnelles. C'est par exemple le cas d'Ethereum qui a offert plus de 8 000 % de bénéfices à ceux qui y ont cru dès le début. Il en va de même pour les jetons des réseaux de smart contracts bien connus tels que l'AVAX d'Avalanche ou le SOL de Solana.

Cependant, de tels cas restent rares. La jungle des altcoins comporte des milliers de jetons n'ayant plus aucune valeur, ayant conduit les investisseurs à une perte totale de leur capital.

Encore aujourd'hui, le marché des altcoins attire de nombreux investisseurs débutants, prêts à miser sur tout et n'importe quoi. L'espoir de l'enrichissement rapide est généralement la raison du manque de discernement.

Le financement des altcoins

Si créer un altcoin peut nécessiter seulement un ordinateur, de bonnes connaissances en programmation, et une communauté d’enthousiastes quant aux fondamentaux du projet, il est cependant souvent nécessaire de payer une équipe afin de lui donner vie.

Plusieurs méthodes ont vu le jour pour permettre aux projets de trouver de l'argent, qui peuvent être employées ensemble ou séparément.

Le pré-minage

Une ferme de minage
Une ferme de minage

Vous le savez, sur Bitcoin la création monétaire s’effectue via le processus de minage depuis le premier bloc. À chaque fois qu'ils « trouvent » un nouveau bloc, les mineurs reçoivent de nouveaux bitcoins.

De cette façon, la distribution des bitcoins s’effectue selon un schéma prévisible. Elle incite économiquement les acteurs participer à la sécurisation et au maintien du réseau. Ainsi, depuis le début, aucun utilisateur du réseau Bitcoin n’a été favorisé : seuls ceux qui ont effectivement participé au processus de minage ont obtenu des bitcoins.

Certains concepteurs d'altcoins ont envisagé les choses différemment, en créant une certaine quantité d’une cryptomonnaie avant son lancement. C'est le préminage. Ces jetons sont ensuite distribués arbitrairement par les développeurs de l'altcoin. Il peut s’agir de récompenser des investisseurs, de financer l’équipe de développement, de motiver financièrement les utilisateurs… Tout est possible !

Cette pratique a souvent fait débat, car de nombreux développeurs préminaient une quantité importante de jetons pour s’enrichir. De plus, le préminage crée une quantité de coins pouvant être revendue sur le marché à discrétion de leurs détenteurs, et influer négativement sur le cours de l’altcoin.

Cependant, le préminage présente des avantages pour lancer un altcoin. Cela permet de payer les développeurs du réseau, et évite que ces derniers abandonnent leur projet en cours de route. De nombreux altcoins ont échoué faute de motivation financière de la part des équipes de développement.

Les ICO et leur évolution

Le terme Initial Coin Offering signifie en bon français « offre initiale de jetons ». Le concept est simple comme bonjour : vendre un altcoin avant de l'avoir créé, afin de financer son développement.

Il s’agit donc de levées de fonds. Les personnes intéressées par l’altcoin financent l’équipe qui le développe. En échange, ils reçoivent leurs jetons à un prix défini, qui est normalement inférieur à son prix de vente lors de sa mise sur les marchés. Le risque pris par l'investisseur est ainsi récompensé par l'éventuelle plus-value qu'il réalise si le projet se concrétise et que le jeton est valorisé sur le marché. Les investisseurs achètent donc la quantité désirée d’altcoin avant qu’il ne soit mis en circulation.

À leur début, les ICO levaient des fonds via une cryptomonnaie bien établie, comme le bitcoin ou l’ether. De nos jours, elles peuvent aussi s’effectuer en monnaies fiduciaires.

Les ICO ont ainsi révolutionné l’univers du crowdfunding, de l’angel investment et du capital-risque. Contrairement aux levées de fonds classiques :

  • Les ventes de jetons peuvent être organisées sans intermédiaire ;
  • Elles sont accessibles par n’importe quel individu, quelle que soit la localisation ;
  • Il est possible de négocier les jetons sur des marchés accessibles en permanence.

En résumé, les ICO permettent donc de faire financer n’importe quoi, depuis n’importe où, et auprès de n’importe qui.

Les premiers altcoins sur BitcoinTalk

Lors du bon vieux temps, les ICO se lançaient très simplement grâce à un simple message sur le forum crypto de référence, BitcoinTalk. Le concepteur de l’altcoin y décrivait son projet : motivations, cas d’usage, spécifications techniques et vision à long terme.

Cela paraît fou de penser que de nombreux investisseurs puissent envoyer des fonds sur Internet à un inconnu pour une simple idée, et pourtant… De nombreux altcoins bien établis aujourd’hui ont réussi à se développer grâce à cette méthode. Il faut dire qu’à l’époque, les cryptomonnaies étaient une passion partagée seulement par quelques geeks marginaux et idéalistes.

L'annonce originale de l'ICO de NXT par son créateur anonyme
L'annonce originale de l'ICO de NXT par son créateur anonyme

À l’instar de Bitcoin, d'autres ont aussi vu le jour sur ce forum sans pour autant recourir à des fonds extérieurs. C'était une époque de pionniers, où le développement de nouvelles cryptomonnaies pouvait être motivé par pur altruisme. Il faut cependant rester honnête : les projets sans proposition de valeur, les altcoins mort-nés ou les arnaques pures étaient légion.

Le cas Ethereum

Malgré les projets avortés et les scams en tout genre, l’altcoin le plus connu et le plus utilisé vit le jour ainsi : Ethereum. Comme nous vous l'avons raconté en détail dans le Chapitre précédent, un jeune génie nommé Vitalik Buterin, probablement atteint du syndrome d’Asperger, réussit à lever 18 millions de dollars (en bitcoin) grâce à ses écrits.

Si Vitalik Buterin avait tenté de financer son projet en passant par les levées de fonds classiques (ventures, business angels), on lui eût ri au nez. Aucun investisseur n’aurait fait confiance à un geek mal coiffé, vêtu d’un short et d’un simple t-shirt ! Dans la communauté crypto de l’époque, les aficionados des altcoins étaient des gens bien informés en termes de cryptographie, très axés sur les nouvelles technologies : ils étaient donc moins frileux.

Vitalik Buterin
Vitalik Buterin et son look bien à lui

L’avènement des ICO et leur déclin

Nous l'avons évoqué ci-dessus, ceux qui ont cru dès le début en Ethereum ont été mieux récompensés que dans leurs rêves les plus fous. Quelques mois après son lancement, Ethereum est devenu la plateforme de smart contract la plus utilisée au monde. Ce succès a démontré le potentiel des ICO comme méthode de financement alternative, attirant l’attention de nombreux entrepreneurs et développeurs.

Cette preuve de l'efficacité des ICO, associée au fait qu'Ethereum fournisse les outils nécessaires pour que d’autres projets puissent créer des altcoins et lever des fonds de manière décentralisée et sécurisée, ont conduit à une véritable hype des ICO.

Entre 2016 et 2018, des milliers de projets ont levé des milliards de dollars grâce à ce mode de financement. La palme revient au projet EOS, dont nous parlerons dans l'article suivant, qui a récolté à lui seul la modique somme de 4 milliards de dollars !

Fonds levés via des ICO de 2017 à 2019
Fonds levés via des ICO de 2017 à 2019 en dollars

Bien entendu, ce fleuve d'argent venant des quatre coins du globe n'a pas manqué d'attirer très rapidement les escrocs. Des centaines d'arnaques ont vu le jour et de nombreux projets ont échoué à livrer ce qu’ils avaient promis. En conséquence, les régulateurs du monde entier ont commencé à intervenir, et l'engouement pour les ICO a commencé à décliner dès qu'ils y ont mis leur nez.

Aujourd'hui, les choses sont bien cadrées. Si l'intrépide entrepreneur veut créer son altcoin en bonne et due forme pour lever des fonds, il ne pourra pas se contenter de coder un smart contrat et de faire de la publicité. Il devra aussi se soumettre à des règles strictes, qui dépendent de la juridiction du lieu dans lequel il se trouve.

En pratique, le caractère décentralisé des ventes de ces jetons les rend impossibles à interdire ou à arrêter. Enfreindre la loi est possible, mais expose le porteur de projet aux foudres de la justice.

Plusieurs plateformes se sont spécialisées dans ce type d'événement, aidant les projets à se faire connaître et à se conformer aux règles, et les investisseurs à éviter les arnaques (même si ces derniers doivent toujours creuser le sujet eux-mêmes). Si les investisseurs particuliers peuvent encore être invités à financer des altcoins, les fonds de capital-risque (Venture Capital ou VC) sont souvent conviés en premier à la table.

Les Venture Capital

Liste des 10 plus gros VC crypto
Liste des 10 plus gros VC crypto

Les VC sont généralement des institutions financières ou des personnes très fortunées, qui souhaitent allouer une partie de leur portefeuille (souvent plusieurs millions de dollars) à des projets prometteurs, dans l'optique d'engranger de gros profits lorsqu'ils auront explosé.

Les VC ont joué (et jouent encore) un rôle capital dans l’émergence et le développement de nombreux altcoins. Leur soutien, qui n'est pas que financier, permet à ceux qui en bénéficient de surmonter les obstacles initiaux et de croître rapidement dans un marché compétitif. Voici ce qu'ils peuvent apporter à des projets :

  • Financement initial et/ou supplémentaire : les VC peuvent investir des millions de dollars pour créer et promouvoir des altcoins. Les sommes qu'ils déboursent peuvent couvrir les coûts initiaux de développement, de marketing et de conformité réglementaire. Ils peuvent aussi intervenir une fois qu’un projet est déjà lancé pour permettre l’expansion des équipes, l’accélération du développement technologique ou l’augmentation des efforts de marketing pour attirer plus d’utilisateurs ;
  • Expertise et réseaux : ils conseillent les fondateurs sur les meilleures pratiques en matière de gestion d’entreprise, de stratégie de marché et de développement technologique. Leur réseau de contacts peut également aider à attirer d’autres investisseurs et partenaires stratégiques ;
  • Validation du marché : le soutien des VC peut servir de validation pour un projet, augmentant sa crédibilité auprès des autres investisseurs et du public. Cela est particulièrement important dans un marché aussi volatil et spéculatif que celui des cryptomonnaies ;
  • Gestion des risques : les VC aident également à gérer les risques en fournissant des conseils sur la conformité réglementaire et en aidant à naviguer dans les défis juridiques et financiers.

Aujourd'hui, le monde de la cryptomonnaie n'est plus réservé à une poignée de geeks passionnés et les projets à percer sans l'aide de VC sont extrêmement rares. Si un projet ne fait pas appel à eux pour se lancer, les VC ne manquent pas de venir lui proposer leur soutien s'il devient prometteur, attirés par l'odeur de l'argent.

Les nouveaux altcoins dans lesquels investissent des VC sont souvent lancés sur le marché public bien après que les projets concernés soient opérationnels, ou après une longue phase de testnet publique. Cela permet à ces derniers d'attirer un maximum d'utilisateurs en leur faisant miroiter une allocation de leur token sous forme d'airdrop s'ils remplissent certaines conditions (plus ou moins aléatoires). Cela peut donner de la visibilité aux projets concernés, et faire monter le prix de leurs jetons (que les VC s'empressent alors de vendre pour empocher leurs bénéfices, faisant ainsi chuter leur prix).

La Bitcoin dominance

La Bitcoin dominance est une métrique qui représente la part de marché qu'occupe Bitcoin par rapport aux altcoins. Elle est obtenue en rapportant la capitalisation de marché de Bitcoin à la capitalisation de marché totale de tous les altcoins.

Si elle n'est pas à l'origine des altcoins, elle donne cependant une indication sur l'intérêt du marché pour ces derniers.

Évolution de la Bitcoin dominance depuis 2013
Évolution de la Bitcoin dominance depuis 2013

Tout comme pour le cours du bitcoin, certains y trouvent une certaine cyclicité. Lorsque le prix du BTC à tendance à s'enflammer (en bullrun), cela a pour conséquence d'attirer l'attention de nombreux investisseurs sur le marché des cryptomonnaies.

Nombreux sont ceux qui cherchent alors la prochaine pépite, qui verra son prix suivre celui du bitcoin. Les liquidités qu'ils injectent sont alors à l'origine d'une « alt season » (saison des altcoins), faisant s'envoler la capitalisation totale des altcoins (et le prix de certains d'entre eux). Durant cette phase, on assiste à une chute de la Bitcoin dominance.

À l’inverse, durant le bearmarket, les prix chutent et les investisseurs retirent leurs billes du marché, voulant préserver leur capital en se tournant vers des valeurs plus sûres et mieux établies comme le BTC. La Bitcoin dominance remonte.

Les traders qui suivent cet indicateur peuvent ainsi devenir l'origine de l'engouement autour du marché des altcoins. Persuadés que l'histoire se répétera, ils investissent lorsque la TVL des altcoins est au plus bas et influencent le reste du marché, créant ainsi une prophétie autoréalisatrice.

L'émergence et l'affirmation des altcoins sont donc dues à plusieurs motivations et besoins du marché des cryptomonnaies. Maintenant que vous connaissez leurs origines et leur fondement, il est temps pour nous de vous présenter les projets qui ont le plus marqué leur histoire. À tout de suite sur l'article suivant !