Nous l'avons vu dans l'article précédent, la Finance Décentralisée (DeFi) fait partie des secteurs les plus développés sur Ethereum. Bien que nous vous proposions un chapitre entier sur ce sujet dans cette Encyclopédie, il nous semblait essentiel de vous en parler ici, Ethereum ayant été son berceau. Quelles sont les différences en la CeFi et la DeFi ? Que peut-on y faire aujourd'hui ? Quels sont ses avantages et inconvénients ? Vous trouverez toutes les réponses au sein de cet article !
Table des matières
Après la CeFi, la DeFi
Présentation de la DeFi et de la CeFi
Avant l'arrivée de Bitcoin mais surtout d'Ethereum, il n'existait qu'un seul type de finance, la finance « traditionnelle » où les actifs et les échanges étaient gérés par des acteurs centralisés (banques, bourses, courtiers, etc.).
Cette dernière a récemment pris l'appellation de CeFi pour « Centralized Finance » ou « Finance Centralisée », lors de la naissance de sa petite sœur, la DeFi ou « Decentralized Finance ».
Vous l'avez compris, ce qui différencie ces deux économies sont la manière dont elles sont administrées : l'une est gérée à l'aide d'intermédiaires de confiance centralisés (CeFi), tandis que l'autre est administrée par des protocoles et des smart contracts hébergés et exécutés de façon décentralisée (DeFi).
Ceci entraîne plusieurs différences pour les utilisateurs, aussi bien au niveau des possibilités que des responsabilités.
Chaque mode de fonctionnement offre des avantages et des inconvénients. Aussi, CeFi et DeFi peuvent être vus comme deux approches complémentaires de la finance, plutôt que comme des économies qui s'opposent.
Comparatif de la DeFi et de la CeFi
Voici un comparatif rapide de la DeFi et de la CeFi. La liste des critères proposés ci-dessous n'est bien sûre pas exhaustive, mais les plus importants s'y trouvent.
DeFi | CeFi |
---|---|
✔ Pas besoin de faire confiance à une entité tierce : pas de risques de corruption ou de détournement de fonds... | ✘ Obligation de faire confiance à un humain ou un groupe d'humains |
✔ Tous les utilisateurs sont traités de la même façon | ✘ Discrimination possible en fonction de la classe sociale, du pays d'appartenance, de la couleur de peau... |
✔ Les utilisateurs détiennent réellement leurs fonds. Ils disposent d'un contrôle total sur leurs actifs et peuvent décider librement de leur usage | ✘ Les entités centralisées conservent les fonds des utilisateurs pour eux. Ces derniers sont à leur merci si elles décident de suspendre leurs comptes ou de geler leurs avoirs |
✔ Anonymat ou pseudonymat possible | ✘ Obligation de déclarer sa véritable identité |
✔ Coûts réduits | ✘ Coûts élevés |
✔ Disponible 24/7 | ✘ Disponible seulement à certaines heures |
✔ Transparent | ✘ Plus ou moins opaque |
✔ Transferts quasi instantanés | ✘ Transferts pouvant être longs |
✔ Incensurable | ✘ Censurable |
✔ Permet à tout le monde d'accéder à des produits reversés aux gros portefeuilles, aux professionnels ou aux experts dans la finance traditionnelle | ✘ Limite l'utilisation de certains produits à certains usagers |
✘ Utilisation simple et accessible à tous | ✔ Demande de maîtriser les outils informatiques et d'avoir certaines connaissances |
✘ Aucun recours possible en cas de problème ou de pertes des fonds | ✔ Les plateformes endossent les risques liés à la gestion des fonds. Possibilité de recours judiciaire en cas de problème, de faire annuler des transactions... |
✘ Impossibilité d'emprunter de l'argent sans en avoir déjà, et toujours des sommes moins importantes que ce qui est déposé en collatéral | ✔ Possibilité d'emprunter en convainquant un humain que votre projet est prometteur et sans apport |
✘ Possibilité de bug ou des failles dans les smart contracts entraînant la perte des fonds | ✔ Pas de problèmes de code |
✘ Cadre légal encore flou | ✔ Cadre légal bien défini |
Les outils et acteurs indispensables de la DeFi
Sans parler de la technologie sous jacente qui a été présentée dans les articles précédents, nous devons évoquer ici succinctement les outils et acteurs sans lesquels la DeFi ne serait pas ce qu'elle est. Ces derniers seront décortiqués dans la partie de cette Encyclopédie dédiée à la finance décentralisée.
- Les portefeuilles : les portefeuilles de type Metamask sont des outils indispensables pour interagir facilement avec les applications décentralisées ;
- Les oracles : un oracle est un service qui fournit aux contrats intelligents des données externes à la blockchain, comme les prix d'une action en bourse... L'oracle le plus utilisé sur Ethereum est Chainlink ;
- Les bridges : les Bridges, « ponts » en français, permettent de faire passer des jetons d'une blockchain à une autre (par exemple envoyer des USDT d'Ethereum à Polygon). Ils sont essentiels pour simplifier les flux de capitaux dans la DeFi ;
- Les stablecoins : ce sont des jetons dont la valeur est indexée sur celle d'une monnaie fiduciaire (le plus souvent le dollar américain - USDT, USDC, LUSD, etc.). Ceci permet aux traders et aux investisseurs de ne plus s'exposer aux variations de cours des cryptomonnaies volatiles, sans pour autant avoir à repasser en fiat, et a largement contribué à l'essor de la DeFi. Nous avons dédié un chapitre complet de cette encyclopédie à ces jetons qui ont une place prépondérante dans l'écosystème.
Les services proposés par la DeFi
Le monde de la DeFi est en plein développement et de nouvelles applications apparaissent chaque jour. Au-delà du simple envoi de jetons de pair à pair comme le permet Bitcoin, voici un tour d'horizon de ce qu'il est possible d'y faire sur Ethereum aujourd'hui.
Le trading
Qu'il s'agisse de trading au comptant ou d'échange de produits dérivés, le trading est l'un des premiers cas d'usage à avoir été développé sur Ethereum.
Les plateformes d'échanges décentralisées se sont améliorées au fil du temps et offrent de plus en plus de possibilités à leurs utilisateurs. Ils peuvent aujourd'hui y placer tous les types d'ordre qu'on retrouve sur les plateformes centralisées (ordre limite ou au marché, stop loss, take profit, etc.). Les interfaces des plateformes décentralisées (DEX) et des plateformes centralisés (CEX) se ressemblent parfois comme deux gouttes d'eau, et les traders peuvent y effectuer les mêmes opérations sans être perdus.
De plus en plus de produits dérivés sont aussi disponibles sur la DeFi, ce qui offre parfois l'accès à des services interdits par certaines juridictions (pour le meilleur et pour le pire...).
À titre d'exemple, le trading de futures et le trading sur marge sont interdits aux utilisateurs français sur la plupart des plateformes centralisées qui respectent les réglementations françaises. Ceux qui souhaitent malgré tout continuer à utiliser ces produits, peuvent se tourner vers des plateformes comme dYdX ou Hyperliquid.
Voici quelques plateformes d'échange très populaires : Uniswap, Sushiswap, dYdX...
Les prêts et emprunts
Tout comme dans la CeFi, il est possible de faire des emprunts dans la DeFi. Cependant, les conditions pour obtenir des fonds ne sont pas les mêmes. On ne vous demandera pas de garants ou des justificatifs de revenus pour vous accorder un prêt, ni même votre identité.
La DeFi propose un service de prêt qui s'apparente à ce qu'offrent les prêteurs sur gage dans le monde réel. Vous devez déposer un collatéral, qui a plus de valeur que ce que vous empruntez. Le prêteur s'en sert pour se rembourser en cas de problème.
Ainsi, il peut être beaucoup plus simple et rapide d'obtenir un prêt en DeFi qu'en CeFi. Mais pour ce faire, vous devez être capable d'immobiliser une somme supérieure à celle que vous empruntez jusqu'à ce que vous ayez remboursé votre emprunt. Ceci permet aux investisseurs de monter des stratégies complexes qui peuvent être très lucratives.
À l'heure actuelle, vous ne pourrez donc pas utiliser la DeFi pour faire un crédit immobilier grâce à votre CDI, ni emprunter pour monter une entreprise. Le développement des oracles devrait cependant ouvrir les portes à de plus en plus de possibilités.
La DeFi permet aussi de se mettre dans la position du banquier et de devenir celui qui prête l'argent en échange d'intérêts. Grâce aux dApps, vous n'avez pas à entrer en relation directe avec celui qui veut emprunter. Vous pouvez simplement déposer votre argent sur un protocole qui le met ensuite à disposition de ceux qui en ont besoin en l'échange d'un rendement.
La plus populaire des plateformes de prêt et d'emprunt est Aave.
La génération de revenus passifs
En plus de la possibilité de dégager des intérêts en prêtant vos jetons, la DeFi permet aussi de générer des revenus passifs avec des solutions qui n'existent pas en CeFi.
C'est le cas du staking et du liquidity providing (certaines plateformes centralisées proposent ces produits, mais vont en fait déposer les fonds des utilisateurs dans la DeFi).
Le staking
Si vous avez lu l'article sur la preuve d'enjeu, vous connaissez déjà l'intérêt du staking et son rôle dans Ethereum. Sans aborder le côté technique que nous avons déjà étudié, cela consiste à immobiliser des tokens pour contribuer à la sécurisation de la blockchain en échange de revenus passifs.
Vous pouvez bien sûr staker vos ETH pour sécuriser le réseau Ethereum, avec environ 3,4 % d'intérêts annuels au ùoment de l'écriture de ces lignes.
Le staking est aussi utilisé par de nombreux projets DAO comme preuve d'engagement dans la communauté, et permet ainsi d'avoir le droit de voter concernant les futures évolutions du protocole. Une fois de plus, vous touchez des intérêts pour votre geste.
Le rendement offert par le staking dépend des protocoles et de la façon dont le rendement est généré.
Le liquidity providing
Pour fonctionner, les plateformes d'échange décentralisées ont besoin de fonds. Elles proposent donc tout naturellement à leurs utilisateurs de leur prêter des jetons pour pouvoir mener à bien leur mission.
En échanges de ce service, les fournisseurs de liquidités sont récompensés par des intérêts qui sont souvent prélevés sur les fonds échangés par les utilisateurs de ces plateformes.
Les gains possibles sont extrêmement variables en fonction des protocoles utilisés, des pools choisies, et des cryptomonnaies déposées.
Les agrégateurs
Pour toutes les activités citées plus haut, il existe des agrégateurs (et même des agrégateurs d'agrégateurs) qui scrutent les protocoles DeFi afin de trouver la solution la plus avantageuse du marché pour l'utilisateur.
Ainsi, il est possible d'utiliser un agrégateur pour trouver la solution la plus intéressante pour faire un échange, pour bridger des fonds entre blockchains, ou pour trouver les meilleurs rendements du moment.
La DeFi offre la possibilité d'utiliser un protocole ou l'autre sans difficulté ou démarche particulière, contrairement à la CeFi qui demande d'ouvrir un compte, de passer un KYC... La concurrence y est donc beaucoup plus rude, et les changements d'habitudes des utilisateurs sont très rapides et simples à effectuer.
Les autres services de la DeFi
On peut aussi considérer que les levées de fonds, les assurances et la SocialFi sont des secteurs économiques qui entrent dans la case « DeFi ».
En effet, il s'agit dans ces trois cas de gérer de l'argent autrement qu'en CeFi mais avec les mêmes objectifs.
Nous avons cependant présenté ces cas d'usage de la blockchain et des smarts contracts dans l'article précédent, auquel nous vous invitons à vous reporter pour plus d'informations.
Les risques de la DeFi
Comme vous avez pu le lire dans le comparatif avec la CeFi, la DeFi présente des risques pour ses utilisateurs. Ceux-ci peuvent être classés en deux catégories :
- Les risques technologiques : la technologie de la blockchain est encore jeune et les smart contracts peuvent toujours présenter des failles. Plus il y a d'argent en jeu, plus les protocoles attirent la convoitise des hackers ;
- Les risques liés aux produits : en plus des risques qui concernent les cryptomonnaies en général comme la volatilité des cours, les produits spécifiques à la DeFi présentent des risques qu'il est important de comprendre et de prendre en compte avant d'y déléguer des fonds. Le staking peut par exemple entraîner des pertes en cas de slashing. Les fournisseurs de liquidité, quant à eux, risquent de subir des pertes intermittentes suivant les protocoles et les pools qu'ils choisissent.
Les risques encourus par les utilisateurs sont d'ailleurs souvent mis en avant par ceux qui voient les cryptomonnaies et la DeFi d'un mauvais œil. Il est même probable qu'ils nous expliquent un jour que le moyen le plus sûr de ne pas perdre d'argent est de ne pas en avoir... Malheureusement, la finance est loin d'être le seul domaine ou l'argument sécuritaire est utilisé pour interdire.
Vous l'aurez compris, la DeFi est un secteur encore jeune, mais ses atouts sont immenses et son expansion ne fait sûrement que commencer. De plus en plus de produits y sont développés, et des applications que nous n'avons pas encore imaginées y feront sans doute leur apparition.
La CeFi et la DeFi sont deux outils complémentaires qui répondent à des besoins différents. Dans la plupart des cas, la CeFi sert d'ailleurs de tremplin aux utilisateurs qui font leurs premiers pas dans l'univers des cryptomonnaies, passant à la DeFi après être montés en compétences.
Si la DeFi est le premier secteur à avoir explosé sur Ethereum, celui des NFT lui a emboîté le pas quelques années après. C'est à ce sujet que sera consacré le prochain article.