Un an de guerre en Ukraine : la petite histoire de Valériia et de Binance
Triste anniversaire – Il y a tout juste un an, l’armée russe commandée par Vladimir Poutine déclenchait ce que l’intéressé qualifie encore d’« opération spéciale » en Ukraine. Cette invasion donnera lieu au plus grand déplacement de population civile depuis la Seconde Guerre mondiale et plongera le monde dans l’incertitude économique, diplomatique et militaire. Les images de ces femmes et de ces enfants jetés sur les routes d’Europe alors que les bombes pleuvent sur leur pays vont choquer l’opinion publique internationale et susciter un élan de solidarité aussi soudain que massif.
À l’occasion du premier anniversaire de ce qu’on appellera désormais la guerre en Ukraine, vous trouverez aujourd’hui dans les médias pléthore de bilans, de chiffres, de cartes, de rétrospectives, de réactions des uns et des autres, de commentaires d’experts plus ou moins éclairés sur la situation et d’éditoriaux appelant à la guerre totale ou à la reddition de Zelenski. Au Journal du Coin, pour l’occasion, nous avons choisi de vous raconter l’histoire d’une jeune fille de 22 ans nommée Valériia. Sa vie a basculé il y a tout juste un an, en quelques heures seulement, quand ce 24 février 2022, la guerre a commencé à quelques kilomètres de chez elle, dans la banlieue de Kharkiv.
Sommaire :
Le Journal du Coin, Valériia et moi
De l’Ukraine à la Corrèze, nous allons retracer son voyage et vous parler de sa nouvelle vie. Mais, parce que chez nous, on parle cryptomonnaie, on vous racontera aussi son expérience aigre-douce avec Binance, la première plateforme mondiale de cryptomonnaie. Les services de l’État français estiment que plus de 110 000 personnes se sont réfugiées en France et pour la plupart ce sont des femmes et des enfants. Pourquoi avoir choisi celle-là ? Tout simplement parce que Valériia s’est retrouvée par hasard chez moi. Dans ma famille. Et qu’après un an, il fallait vraiment que je vous raconte ça.
De Kharkiv à la Corrèze en un mois de guerre
Une vie normale jusqu’au 23 février 2022
Ce mercredi 23 février 2022 ressemble à un jour comme les autres dans le centre-ville de Kharkiv, la deuxième ville d’Ukraine avec ses 1,5 million d’habitants. À seulement 50 km de la Russie voisine, on parle de mouvements de troupes à la frontière et d’une tension palpable dans les relations internationales. Mais, pour la jeunesse, pas de quoi s’en faire. Ce matin-là, Valériia se rend dans les locaux de la compagnie d’assurance dans laquelle elle termine son stage de fin d’études. Elle va passer la journée à gérer des contrats d’assurances automobiles pour les clients de la société.
Après trois ans d’études économiques à l’université marqués par un confinement strict à cause du Covid19, elle devrait normalement pouvoir bientôt intégrer une banque, entrer dans la vie active et profiter enfin de sa jeunesse. Comme beaucoup de gens de son âge, elle aime sortir, faire les boutiques, manger au restaurant avec ses amis et passer du temps sur les réseaux sociaux. Ses parents et sa sœur vivent eux à Avdiivka, dans la banlieue nord de Donetsk. Ils habitent à quelques kilomètres seulement du Donbass qui est la région revendiquée par les séparatistes pro-russes depuis 2015.
La guerre éclate en Ukraine et chamboule sa vie
Dans la nuit du 23 au 24 février, une intervention télévisée de Vladimir Poutine ne laisse plus de place au doute et les chancelleries du monde entier sont en état d’alerte. Au petit matin de ce 24 février 2022, les Russes pénètrent en Ukraine par la mer, par les airs et par la terre. Le monde entier assiste, incrédule, au retour de la guerre en Europe. Ce même jour, les Russes attaquent la frontière près de Kharkiv et les combats feront rage dans la zone pendant une dizaine de jours. Finalement, début mars, la situation devient intenable, les bombes se rapprochent de la ville et Valériia les entend tomber près de chez elle. Quand son immeuble est finalement touché le 7 mars, elle comprend qu’elle doit partir et laisser derrière elle sa vie, ses amis et l’espoir d’une vie normale.
Les opérations militaires vont se concentrer sur le nord et le sud-est dans les premières semaines. Ses parents aussi sont au premières loges et doivent prendre une décision. Pour ne pas laisser les animaux de compagnie et l’appartement à l’abandon, il est décidé que son père restera caché dans la cave de l’immeuble pendant que sa mère et sa sœur trouvent refuge près de Dnipro, à l’ouest du pays. Pour Valériia, pas question de retrouver sa famille dans une zone aussi dangereuse. Elle saute donc, seule, dans un train direction Lviv près de la frontière avec la Pologne. Dans les premiers jours du conflit, l’État ukrainien décrètera d’ailleurs la gratuité de tous les transports publics qui partent en direction de l’ouest pour évacuer un maximum de civils.
Un trajet épique et un exode forcé loin de l’Ukraine
Elle va rester deux semaines dans cette ville devenue soudainement l’épicentre des opérations d’évacuation des femmes et des enfants qui fuient les bombardements et l’avancée des troupes russes. Dans la confusion générale, il faut se nourrir, se loger et chercher une solution pour sortir du pays. Valériia dépensera une grande partie de ses petites économies pour survivre pendant ces quinze jours avant finalement de se retrouver à Przemyśl en Pologne, juste de l’autre côté de la frontière avec l’Ukraine. En même temps que des dizaines de milliers de personnes, elle entre ainsi dans l’Union Européenne sans aucune formalité administrative. Cela aura sa petite importance un peu plus tard dans ce récit.
Quelques jours après, toujours dans l’improvisation totale, elle sera interpellée par différentes associations qui lui proposent de monter dans des bus en partance pour différents pays d’Europe. Un premier part aux Pays-Bas, un deuxième en Italie, un autre en Allemagne et un dernier va partir en direction de la France. Sans grande conviction, peut-être parce que les gens ont l’air sympa, avec sa grosse valise qui renferme tout ce qui lui reste de son petit studio de Kharkiv, elle s’écroule de fatigue dans celui-là, direction un petit village du Limousin dont elle n’a évidemment jamais entendu parler. Nous sommes le 21 mars dans la nuit.
Premier rendez-vous manqué avec Binance
L’arrivée dans le village, loin de l’Ukraine
Pendant ce temps-là, à plus de 2 000 km de la frontière avec la Pologne, dans un petit hameau perdu entre Brive-la-Gaillarde et Limoges, l’accueil se prépare. Depuis une dizaine de jours, l’association qui chapeaute l’opération dans le village cherche des familles pour héberger les 45 personnes qui sont en route. Contacté d’abord pour donner des cours de français à ceux qui le souhaiteraient, je vais me retrouver bien plus impliqué que prévu, car avec ma femme nous décidons finalement d’héberger quelqu’un chez nous. Comme nous habitons dans le centre du bourg, il est décidé que ce sera une jeune femme qui pourra ainsi facilement rendre visite aux autres réfugiées, toutes réparties le long de la rue principale.
Dans la nuit du 22 au 23 mars vers 1h du matin, après plus de 40 heures de voyage, un bus se gare à quelques kilomètres chez nous. Femmes, enfants, personnes âgées descendent les marches dans la nuit froide et sont accueillis par des bénévoles qui leur proposent des boissons chaudes. Ma femme s’approche de Valériia, lui serre la main et elles montent toutes les deux dans la voiture direction la maison. Notre hôte, intimidée et déboussolée sera très réservée pendant les premiers jours. Puis, petit-à-petit, la communication s’instaurera, facilitée par la présence des enfants qui ont toujours pleins de questions à poser et du chat qui est un médiateur universel. La vie quotidienne s’organise et chacun finira par trouver sa place.
La Refugee Crypto Card pour tous les réfugiés ukrainiens ou presque…
Un mois passera pendant lequel nous rencontrerons les autres déplacées de guerre qui passeront chez nous boire le thé, discuter avec Valériia et apprendre le français avec moi. Dacha, Macha, Polina, Anna, Olga ou encore Irène font désormais partie de notre vie. Puis, le 26 avril, l’actualité de la cryptomonnaie va se télescoper avec notre nouveau quotidien. J’apprends que Binance vient de lancer un programme de solidarité envers les réfugiés ukrainiens. La plateforme propose de verser 3 fois 75 dollars en BUSD à tous ceux qui le demandent. Évidemment, j’en parle à toutes celles qui fréquentent ma maison et les aide dans les démarches.
Comme elles ont toutes moins de 25 ans et sont très branchées sur les réseaux sociaux, elles connaissent un peu la crypto et sont bien sûr emballées par l’idée d’avoir un peu d’argent de poche. Tout d’abord, il s’agit de se créer un compte sur Binance. Jusqu’ici pas de problème, à ceci près que le KYC n’est pas aussi simple qu’il en a l’air. Le justificatif de domicile doit être écrit en alphabet latin et non en cyrillique. Premier écueil franchi après quelques messages en Ukraine et l’intervention de personnes sur place.
Une jolie carte Visa toute noire qui ne vaut rien !
Ensuite, il a fallu commander la carte Visa rebaptisée pour l’occasion : Binance Refugee Crypto Card et la faire livrer chez nous. Donc rebelote, justificatif de domicile en France et dossier à remplir. Finalement, à ma plus grande surprise, la carte ne mettra qu’une dizaine de jours à arriver alors que la mienne avait mis presque deux mois l’année précédente. Je me dis alors que les services de Binance sont mobilisés et que tout va se passer le plus simplement du monde. Mais à partir de là, l’opération va se compliquer. Car pour avoir droit à l’aide de 225 dollars, il va falloir prouver qu’elle vivait bien en Ukraine avant le conflit. Puisqu’elle est arrivée en Europe après le déclenchement des hostilités. Mais, surtout qu’elle est sortie de son pays.
Or, comment prouver qu’une frontière a été passée à un moment donné ? Avec un tampon sur le passeport. Problème pour Valériia ? Elle a passé la frontière dans un bus, hors de tout cadre légal et elle est entrée dans l’espace Schengen sans aucun papier officiel. Bien sûr qu’elle a maintenant une autorisation provisoire de séjour en bonne et due forme et qu’elle a le droit d’être là. Mais pour Binance, il faut une preuve de ce passage. Et elle n’en a pas. Du coup, pas d’aide et une belle déception pour nous deux. Elle se retrouve avec une magnifique carte Visa noire estampillée Binance, mais qui ne sert strictement à rien.
Binance charity vient en aide aux déplacés de guerre d’Ukraine
IT Generation avec Binance Charity
Comble de l’ironie, certains de ses amis, réfugiés ailleurs en Europe et sortis en avion, ont eux un tampon sur le passeport. Ils la remercient d’ailleurs du tuyau ! Une autre jeune femme du village aura aussi droit à ses 225 dollars, mais pour les autres, c’est chou blanc. Mon égo de cryptophile convaincu en prend un coup et je me garde bien de reparler de cet incident et de crypto pendant plusieurs semaines. Finalement, la plateforme reviendra dans la conversation quelques mois plus tard, au mois de juillet quand Valériia nous parle de IT Generation
Il s’agit d’un programme développé conjointement par le ministère de la transformation numérique de l’Ukraine, le pôle numérique de la ville de Lviv, l’agence américaine pour le développement (USAID), le programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la Suède et donc la Binance Charity Foundation. L’idée est d‘aider tous les ressortissants ukrainiens qui le souhaitent, âgés de 19 à 60 ans, à recevoir une formation numérique à distance. Création de sites internet et apprentissage de langages de programmation sont mis en avant afin de pouvoir travailler de n’importe où dans le monde.
Valériia se lance dans JavaScript
Les conditions pour bénéficier du programme sont plutôt simples : ne pas avoir de diplôme dans le domaine, avoir un niveau d’anglais minimum, rédiger une lettre de motivation et avoir un compte Binance, of course. Valériia passera le processus de sélection pendant l’été et optera pour une formation délivrée par l’école ITEA qui fait partie des 22 centres de formation ukrainiens partenaires. Elle apprend depuis mi-novembre le langage de programmation JavaScript avec un petit groupe d’étudiants éparpillés aux quatre coins de l’Europe.
Sa formatrice réside à Kiev et les cours ont lieu du lundi au vendredi en fin de journée. Du moins quand il y a de l’électricité dans la capitale. En effet, les coupures sont fréquentes et parasitent grandement les cours. Mais le travail personnel étant très important, elle peut quand même continuer à s’exercer lorsque les cours sont suspendus. Elle devrait finir fin mars et espère trouver un stage dans une entreprise pour continuer à se former. Binance aura finalement réussi à lui donner un sérieux coup de main dans cette période très compliquée et ce programme vaudra largement les 225 dollars qu’elle n’a pas eus au mois de mai. Sans amertume, elle sourit maintenant de cette histoire en regardant sa jolie carte Visa noire.
Fin de l’histoire et dernière anecdote
Un transfert d’argent impossible vers l’Ukraine
Au cours de ces quelques mois, nous avons vécu des moments riches en émotion. Parfois drôles. Parfois moins. Mais, je ne résiste pas à l’envie de vous raconter un épisode qui fut aussi compliqué que risible : la tentative de virement bancaire vers l’Ukraine. Afin de donner un coup de main à ses parents, on propose de leur envoyer 100 euros à partir de notre compte bancaire français. Armé de leur RIB ukrainien, je me rends à ma banque. Que n’avons nous pas fait ! Nous avons mis en émoi tout le bureau de notre petite agence locale ! L’Ukraine étant hors de la zone SEPA, il a déjà fallu remplir un formulaire spécial. Soit, nous le faisons après moultes explications à notre conseiller bancaire qui nous demande divers justificatifs dont une lettre sur l’honneur expliquant notre démarche.
Oui, j’ai dû rédiger une lettre manuscrite pour expliquer pourquoi je voulais envoyer 100 euros à quelqu’un ! Finalement, la procédure part à la maison mère à Paris. Nouveau coup de téléphone. Nouvelles explications demandées. Oui, nous souhaitons effectivement envoyer 100 euros à des amis dont le compte en banque est à Donetsk. La cellule internationale de la banque est sur le coup. Une nouvelle semaine passe. Finalement, ultime appel téléphonique et un gros problème se pose. Nous sommes début octobre et depuis le 30 septembre, Donetsk est officiellement russe suite aux référendums d’annexion organisés à la hâte par Moscou. La zone est donc sous embargo international et les transferts bancaires interdits. Échec et mat. Le seul moyen d’envoyer de l’argent sera de passer par des amis à eux à Kiev ou d’utiliser Western Union. Vous trouvez dommage que ses parents n’utilisent pas la crypto ? Nous aussi.
Et maintenant ?
Valériia a finalement quitté la maison peu après le début de sa formation au mois de novembre après 8 mois avec nous. Elle a passé les fêtes de fin d’année et le mois de janvier avec d’autres Ukrainiennes dans un village vacances transformé pour l’occasion en centre d’accueil. Finalement, aujourd’hui, elle vit à Tulle dans un petit appartement où elle a trouvé un peu d’intimité et de tranquillité pour tenter de construire un début de vie en France. Nous continuons à échanger régulièrement des messages et elle est d’ailleurs très touchée que nous lui accordions une petite place dans notre journal en ce jour si spécial pour elle et les siens.
Après des mois de séparation, son père a enfin rejoint sa mère et sa sœur dans la ville de Dnipro. Tous deux fonctionnaires, ses parents sont au chômage depuis le début de la guerre et tentent actuellement de gagner quatre sous en vendant des cochons d’Inde. Ne riez pas, les animaux de compagnies ont le vent en poupe dans le pays ! Valériia n’a aucune idée de ce qu’elle fera dans les mois qui viennent, elle espère seulement pouvoir un jour rentrer chez elle. Enfin, du moins, retourner dans son pays, parce qu’en réalité son petit studio de Kharkiv est en ruine et la maison familiale est jusqu’à preuve du contraire en Russie.
En guise de conclusion…
À l’heure de commémorer le triste anniversaire du déclenchement des opérations russes, le courage et la résistance des Ukrainiens et des Ukrainiennes font la une des journaux du monde entier et forcent l’admiration. Au-delà des polémiques sur les armes occidentales, sur l’attitude du président Zelenski ou sur l’accueil trop clément fait à telle ou telle population, il est important de rappeler que plusieurs millions de personnes qui n’ont rien demandé se retrouvent aujourd’hui loin de chez elles, endeuillées chaque jour par les nouvelles dramatiques qui arrivent du pays et angoissées par un futur plus que jamais incertain.
Emportés par le tourbillon de l’actualité, on oublie trop souvent que ce sont les petites histoires qui font la grande et que les conflits ne sont pas que des chiffres, des dates et des déclarations officielles. Valériia restera pour nous le visage de cette guerre terrible qui dure maintenant depuis un an et nous lui souhaitons que ce premier anniversaire soit aussi le dernier. удачі на майбутнє (bonne chance pour la suite)