Après avoir défriché les bases, notamment les différentes briques technologiques qui composent Bitcoin, il est temps de mettre encore davantage les mains dans le cambouis en découvrant la fameuse... blockchain ! Souvent présentée comme une innovation révolutionnaire, la blockchain est en fait un subtil assemblage de plusieurs des briques technologiques que nous avons évoquées précédemment. En pratique, elle est surtout la fondation sur laquelle reposent de nombreuses cryptomonnaies. Dans cet article, nous nous intéresserons en particulier à celle de Bitcoin, après avoir exploré des aspects généraux incontournables.
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Table des matières
Blockchain : définition et caractéristiques
Commençons par un petit rappel qui reprend quelques-uns des éléments abordés dans l'article précédent.
Une blockchain, ou chaîne de blocs, est un registre comptable numérique et horodaté. Le plus simple pour bien visualiser la chose est de faire l'analogie avec un livre comptable, comme il en existe depuis des siècles.
Ce registre n'est pas physique mais numérique : ce n'est pas un livre composé de pages mais une base de données composée de blocs, reliés entre eux par des procédés cryptographiques. Il est mis à jour de façon collaborative par un réseau de nœuds informatiques.
Une blockchain est un registre décentralisé, car aucun des nœuds du réseau ne peut en avoir le contrôle exclusif. Chaque nœud en possède un exemplaire : on dit donc que ce registre est distribué au sein du réseau. Grâce à cette distribution, le registre est autonome : il ne dépend pas de l'intervention d'un tiers de confiance ou d'une autorité centrale.
Un protocole définit l'ensemble des règles permettant aux acteurs du réseau de le faire fonctionner : on parle de mécanisme de consensus. Ce mécanisme permet aux nœuds de s'accorder sur la même version du registre, et donc la même comptabilité des transactions. Il est indissociable de la blockchain, qui dépend de lui pour garantir l'équilibre des pouvoirs et l'absence de tiers de confiance. Nous reviendrons sur ce point dans un prochain article !
En résumé une blockchain est donc une base de données maintenue selon les règles d’un protocole informatique. Accompagnée de son mécanisme de consensus, elle offre un système original et inédit de distribution du pouvoir.
Une blockchain peut être publique, c’est-à-dire que tout le monde peut devenir acteur du réseau et écrire ou lire son contenu (même les personnes extérieures au réseau). Elle peut aussi être privée, c’est-à-dire que seule les personnes ou entités habilitées peuvent écrire voir lire son contenu.
Dans cette Encyclopédie et particulièrement dans la partie dédiée à Bitcoin, nous nous focaliserons sur les blockchains publiques. Il en existe aujourd'hui des centaines : les plus connues sont bien sûr Bitcoin, Ethereum, Solana, Cardano, etc. Chacune a ses spécificités, ses objectifs, ses avantages et ses inconvénients.
Les propriétés d’une blockchain
Une blockchain permet à un réseau de pairs de s'accorder sur une comptabilité de référence. Cela nécessite de respecter des propriétés essentielles.
La sécurité
Il doit être impossible pour un ou plusieurs acteurs du réseau de prendre le contrôle ou de corrompre la blockchain. Elle doit être infalsifiable et immuable (impossibilité de modifier des transactions a posteriori). Elle doit être accessible en permanence pour effectuer des transactions de manière fiable. De même, personne ne doit pouvoir créer de fausses unités comptables, ou effectuer des doubles dépenses (double spending).
La notion de double dépense est fondamentale. Elle correspond à la possibilité de dépenser deux fois les mêmes fonds (jetons, coins). Lorsque nous effectuons un virement bancaire ou un paiement par carte bancaire, notre banque s'assure que nous détenons les fonds que nous souhaitons transmettre et que la dépense n'est effectuée qu'une fois.
En revanche, sans l'intervention de ce tiers, une blockchain doit s'assurer autrement de l'impossibilité de mener une double dépense. L'enjeu est majeur pour un protocole de monnaie numérique : contrairement à une pièce physique ou un billet de banque qui est remis lors d'une transaction, un fichier numérique peut être copié ou falsifié plusieurs fois sans que cela soit immédiatement évident.
Comme nous le verrons dans la suite de ce Chapitre, c'est en réussissant à solutionner cette problématique que Satoshi Nakamoto est parvenu à donner de la valeur à Bitcoin. Car là se trouve tout son intérêt : avant lui, la rareté n'existait pas dans le monde numérique. Pour la première fois, l'échange de valeur numérique sans tiers de confiance est rendu possible.
La décentralisation
Cette propriété est étroitement liée à la sécurité d'une blockchain. Ce registre doit être distribué au sein d'un réseau le plus large possible, afin d'empêcher la formation de cartels de nœuds. Si la maintenance du registre est centralisée entre trop de mains, cela ouvre la voie aux monopoles et toutes sortes d'attaques (y compris les doubles dépenses).
Il existe plusieurs types de décentralisation :
- (Dé)centralisation architecturale : combien de nœuds constituent le réseau ? Combien de nœuds corrompus ou en panne le système peut-il tolérer ? ;
- (Dé)centralisation politique : combien d’individus ou d’organisations ont l’ultime contrôle des ordinateurs qui composent le système ? ;
- (Dé)centralisation logique : quelle est l'homogénéité des structures de données du système ? Le réseau peut-il survivre à une partition en gardant sa cohérence ? ;
- (Dé)centralisation géographique : dans quels pays et dans quelles parties du globe se trouvent les noeuds ? ;
- (Dé)centralisation financière : comment sont répartis les fonds et/ou les ressources nécessaires au fonctionnement du système ?
La décentralisation est une propriété essentielle mais mal comprise, sujette à de nombreuses discussions. Nous reviendrons sur celle de Bitcoin dans les paragraphes suivants.
La résistance à la censure
Cette propriété découle des deux précédentes. Aucune entité interne ou externe au réseau ne doit pouvoir empêcher la blockchain de fonctionner ou censurer certaines transactions.
Par exemple, Bitcoin est un réseau de paiement créé pour se passer des banques traditionnelles, aux architectures centralisées. Il perdrait tout son intérêt si les banques centrales ou les gouvernements pouvaient contrôler ses transactions.
La scalabilité
Il s'agit de la capacité de mise à l'échelle d'un réseau blockchain. Peut-il résister à l'arrivée de nouveaux utilisateurs en masse sans que son débit de transactions ne soit affecté ? Le réseau peut-il maintenir une vitesse et une accessibilité constant malgré une forte montée en charge ?
Il s'agit là d'un point crucial qui fait l'objet de nombreuses innovations.
Le trilemme des blockchains
Tout protocole blockchain est conçu autour d'un compromis sur trois propriétés désirées : la sécurité, la décentralisation et la scalabilité.
Le trilemme des blockchains, théorisé par Vitalik Buterin, est issu du fait que ces trois aspects entrent en conflit. En effet, il est très difficile d’optimiser les trois à la fois, car améliorer l’un tend à affaiblir les autres :
- Si une blockchain est hautement sécurisée et décentralisée, elle aura du mal à atteindre une grande scalabilité en raison du temps et des ressources nécessaires pour valider les transactions sur un grand nombre de nœuds ;
- Si une blockchain est sécurisée et scalable, elle pourrait devoir compromettre la décentralisation, concentrant le pouvoir de décision et de validation dans les mains de quelques participants pour accélérer le processus ;
- Si une blockchain est décentralisée et scalable, la sécurité pourrait être compromise, car des mécanismes rapides et peu coûteux pourraient permettre de porter atteinte au consensus.
Ainsi, si certaines blockchains font la part belle à la décentralisation et la sécurité (Bitcoin), d'autres visent à l'inverse à offrir une grande rapidité des transactions quitte à sacrifier la décentralisation (BNB Chain). Tout est question de choix.
La blockchain de Bitcoin
Maintenant que nous vous avons présenté les éléments clés des blockchains, penchons-nous sur celle de Bitcoin en particulier.
La blockchain de Bitcoin est le registre comptable numérique et horodaté de toutes les transactions ayant été effectuées sur le réseau depuis sa création. Dans le livre blanc original de Bitcoin, Satoshi Nakamoto ne parle pas de blockchain, mais plutôt de timestamp server - serveur d'horodatage. L'horodatage est essentiel et permet de déterminer le moment exact où un bloc a été créé et validé sur la blockchain.
Le terme blockchain, que l'on doit à Hal Finney, est apparu un peu plus tard pour son côté plus visuel, plus parlant : une chaîne de blocs contenant des transactions.
Ses objectifs et propriétés
Comme nous l'avons vu dans cet article, lorsque Satoshi Nakamoto crée Bitcoin en 2008, son objectif est à la fois simple et très ambitieux. Il souhaite construire un système de « cash » numérique, fonctionnant de pair à pair, tel l'argent liquide.
La blockchain Bitcoin a pour fonction de maintenir la comptabilité des transactions effectuées sur le réseau, de façon infalsifiable et vérifiable, et en empêchant toute possibilité de double dépense.
Comme nous l'avons vu au début de cet article, la seule solution existante jusqu’alors pour éviter les doubles dépenses au sein d’un réseau de paiement numérique était de centraliser la tenue du registre comptable. Il fallait passer par un tiers de confiance (une banque par exemple), veillant à identifier et à vérifier les unités monétaires en circulation.
La blockchain de Bitcoin et tout ce qui l'entoure permet de se passer d’organe central de contrôle pour valider les transactions. Pour cela, ce grand livre de compte numérique et public est répliqué sur tous les nœuds du réseau Bitcoin. Il se présente sous forme de blocs, qui s’enchaînent les uns aux autres, selon un procédé cryptographique.
Les procédés cryptographiques utilisés permettent aussi à la blockchain de Bitcoin d'être immuable. Une fois qu'un bloc est ajouté à la chaine, il est impossible de le modifier.
Grâce au concept de preuve de travail, le risque de double dépense est rendu quasiment nul et un consensus autour de la comptabilité de référence est atteint entre les acteurs du réseau. Cette notion de preuve de travail est un élément central de la blockchain Bitcoin. Si vous souhaitez comprendre réellement son fonctionnement et ses enjeux, rendez-vous dans l'article suivant qui lui est dédié.
Enfin, la blockchain de Bitcoin est accessible publiquement et historiquement auditable. Tout le monde, à tout moment, peut consulter l'historique des transactions sur un explorateur de blocs et s'assurer de l'intégrité des informations contenues dans la blockchain. Contrairement aux poncifs régulièrement partagés, cela fait de Bitcoin un outil transparent.
Pour résumer, nous pouvons dire que les propriétés principales et essentielles de la blockchain de Bitcoin sont sa transparence, sa neutralité, son immuabilité, sa sécurité et sa décentralisation.
Afin d'être plus précis à propos de la décentralisation, reprenons les différents éléments que nous avons évoqués plus haut :
- Décentralisation architecturale : de nombreux nœuds composent le réseau qui est ainsi architecturalement décentralisé. Cela lui permet de résister aux attaques et aux pannes localisées. Un haut niveau de décentralisation architecturale garanti que le système continuera de fonctionner même en cas de défaillances multiples ;
- Décentralisation politique : la décentralisation politique de Bitcoin est sujette à débat. Les mineurs ont-ils trop de pouvoir ? Certains développeurs ont-ils le monopole des mises à jour du code source ? Quoi qu'il en soit, Bitcoin est très probablement la blockchain qui bénéficie de la meilleure décentralisation politique ;
- Décentralisation logique : Bitcoin est logiquement décentralisé. Si le réseau est coupé en deux, les deux parties peuvent continuer à fonctionner de manière indépendante ;
- Décentralisation géographique : Bitcoin est très décentralisé géographiquement, mais pourrait encore faire mieux. L'emplacement des nœuds et des mineurs évolue avec le temps et les législations. On retrouve une grande partie d'entre eux dans les pays développés, stables et proposant de l'électricité à bas coûts ;
- Décentralisation financière : si l'on ne tient pas compte des bitcoins des adresses identifiées comme appartenant à Satoshi Nakamoto, Bitcoin est assez décentralisé financièrement parlant. De nombreuses adresses contenant un nombre important de BTC sont des adresses regroupant les fonds de plusieurs utilisateurs (par exemple les adresses des plateformes d'échanges, celles des gestionnaires d'actifs, etc.).
La mise à jour de la blockchain
A chaque fois que quelqu'un utilise Bitcoin, c’est-à-dire effectue une transaction, le registre comptable (la blockchain), doit être mis à jour.
Les transactions ne sont pas instantanées. Elles sont tout d'abord regroupées dans un bloc. Celui-ci doit ensuite être relié aux autres blocs de la chaîne (de manière linéaire), formant ainsi la blockchain qui sera diffusée à l'ensemble du réseau. Pour ce faire, les mineurs se livrent à divers calculs (travaillent) et se mettent d'accord sur sa validité grâce à la preuve de travail.
Le minage est le processus de création monétaire et d'écriture des transactions sur la blockchain, mais aussi le mécanisme d’incitations économiques qui sécurise le réseau.
Pour faire simple, chaque nouveau bloc doit contenir une preuve de travail, qui est le résultat d'un calcul intensif. La création de cette preuve de travail est ce qu'on appelle le minage. Le mineur qui réussit à ajouter un bloc à la chaîne touche une récompense : des bitcoins.
Le montant de la récompense associée à l'ajout d'un bloc est divisé par deux tous les quatre ans environ, créant ainsi un modèle d'émission monétaire déflationniste imitant l'extraction d'un métal précieux, tel l'or.
Nous reviendrons plus en détail sur les différentes étapes d'une transaction dans cet article et sur le processus de minage dans cet autre article.
Les blocs de la blockchain de Bitcoin
La structure des blocs
Un bloc sur le réseau Bitcoin est semblable à un tableau qui comporte des données organisées d’une façon bien précise. Certaines sont déterminées par les utilisateurs du réseau (montant des transactions, adresses des destinataires, modalités d’envoi), et d’autres le sont par le protocole lui-même (le numéro du bloc, la version du logiciel Bitcoin employé, etc.).
Un bloc est principalement constitué de deux parties distinctes :
- Son entête : elle contient 80 octets de métadonnées indispensables au bon fonctionnement de la blockchain. C'est elle qui permet de relier les blocs les uns aux autres. Non reviendrons sur sa structure un peu plus bas dans cet article ;
- La liste des transactions exécutées : cette partie du bloc contient toutes les transactions valides qui ont été intégrées au bloc. Chaque transaction est enregistrée avec ses détails, tels que les adresses des expéditeurs et des destinataires, les montants transférés et les frais de transaction. Ce sont les mineurs qui choisissent les transactions qu'ils veulent inclure dans un bloc. Généralement, ils choisissent en premières celles qui incluent le plus de frais, leur permettant ainsi d'obtenir des revenus supplémentaires (en plus de ceux offerts par chaque bloc miné).
On y trouve aussi d'autres éléments que nous n'avons pas fait apparaître dans le schéma ci-dessus pour plus de simplicité, tels que :
- Le nombre magique : il s'agit d'une sorte d'identifiant arbitraire qui, pour Bitcoin, prend la forme suivante : « 0xD9B4BEF9 ». Il sert à identifier le bloc comme adoptant un format qui correspond bien au réseau Bitcoin ;
- Le compteur de transactions : il indique le nombre de transactions présentes dans le bloc ;
- La taille du bloc : il s'agit du nombre d'octets contenus dans le bloc.
La taille maximale d’un bloc sur le réseau Bitcoin fut initialement définie à 1 Mo, et a augmenté progressivement pour passer à 4 Mo suite à la mise à jour Segwit. Cela permet d'y inclure plusieurs milliers de transactions « standards » (en cas de multiples adresses d’entrée et/ou de sortie, ou de NFT, la taille d’une transaction augmente).
Le « chaînage » des blocs
Pour appartenir à la blockchain, un bloc doit être raccordé au dernier bloc qui a été ajouté à la chaîne. Pour le raccorder, les mineurs doivent parvenir à faire revêtir une certaine forme au hash de l'en-tête du bloc (« block header »).
L'entête se structure de la manière suivante :
La mission du mineur consiste donc à trouver un « nonce » (nombre aléatoire) qui permet de fournir un « hash » compatible avec la « cible ».
En d’autres termes, ceci consiste à résoudre un problème mathématique simple mais dont la réponse est difficile. Cette difficulté (la cible) est variable et est ajustée en fonction de la puissance totale de calcul du réseau, de manière à ce qu’un bloc soit validé toutes les 10 minutes environ. Vous trouverez plus de détails sur ce point dans les articles sur la preuve de travail et le fonctionnement d'une transaction Bitcoin et ses étapes.
Toujours est-il qu'une fois le calcul mathématique résolu, la signature cryptographique du bloc validé est automatiquement insérée dans le bloc suivant, et ainsi de suite. Les blocs sont ainsi raccordés, puisque chaque signature cryptographique infalsifiable contient celle du bloc précédent, qui contient elle-même celle du bloc précédent, etc.
C'est grâce au hash contenu dans les entêtes que la blockchain est immuable. Changer la moindre information dans un bloc provoque forcément une modification de son hash, ce qui se répercuterait automatiquement sur les suivants. Voici une illustration de ce qui se passerait si un mineur tentait de modifier la transaction 505 ci-dessus :
Ainsi, plus une transaction est ancienne, plus elle est sécurisée. Sur Bitcoin, on dit qu'une transaction est totalement immuable (du fait de la difficulté de calcul) après 6 confirmations, c’est-à-dire une fois que 5 blocs ont été ajoutés après celui contenant la transaction (soit environ 1 heure).
Les arbres de Merkle et les transactions
Vous avez pu lire dans le paragraphe précédent que l'entête d'un bloc contient le « hash de la racine de Merkle des transactions » . Pour comprendre ce que cela signifie et à quoi ça sert, nous devons vous expliquer ce qu'est un arbre de Merkle, élément essentiel au fonctionnement de Bitcoin et de nombreuses autres blockchains et systèmes informatiques.
Les arbres de Merkle
Un arbre de Merkle est une structure de données utilisée en informatique pour vérifier facilement l’intégrité des données dans un ensemble. Pour Bitcoin, il est utilisé notamment pour vérifier qu'une transaction fait bien partie d'un bloc, sans connaître nécessairement toutes les autres transactions au moment de la vérification.
Le mot « arbre » dans « arbre de Merkle » fait référence à la façon dont sont hiérarchisées les données qui peut s'apparenter à la structure d'un arbre dans la nature. On y retrouve des feuilles, des branches et une racine. La norme veut cependant qu'il soit représenté la tête en bas, c’est-à-dire avec la racine à son sommet.
Rien de tel qu'un schéma pour comprendre :
Voici comment un arbre se forme :
- Les données (c’est-à-dire les transactions dans le cas de Bitcoin) sont hachées pour former les feuilles de l'arbre. Une fois de plus Bitcoin utilise la fonction de hachage SHA-256 ;
- Les hashs des feuilles obtenues sont concaténés deux à deux (c’est-à-dire mis à la suite l'une de l'autre) avant d'être hachés de nouveau pour former une branche ;
- Les hashs des branches obtenues sont à leur tour concaténés deux à deux, avant d'être hachés de nouveau pour former une sous-branche ;
- Ce processus est répété jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un seul hash, qu'on appelle alors « racine de Merkle ».
Car bien sûr, un arbre de Merkle peut avoir plusieurs étages de branches avant d'arriver à sa racine. C'est le cas des arbres de Merkle des blocs de Bitcoin qui contiennent habituellement entre 2 000 et 4 000 transactions. Si le nombre de transactions n’est pas pair, la dernière transaction est simplement dupliquée pour former une paire.
La vérification des transactions
L'avantage des arbres de Merkle est qu'ils réduisent la quantité de données nécessaires à la vérification, grâce aux preuves de Merkle. Une preuve de Merkle constitue en quelque sorte le chemin de hachage entre une transaction et la racine de l’arbre.
Ainsi, pour vérifier qu'une transaction appartient bien à un bloc, il suffit de recalculer la racine de Merkle à partir de la transaction et de sa preuve de Merkle, puis de comparer la valeur obtenue avec celle de la racine de Merkle stockée dans l’en-tête du bloc.
Prenons un exemple afin d'illustrer cette phrase qui peut paraître compliquée à la première lecture :
Pour vérifier que la transaction TD fait bien partie du bloc ci-dessus, il faut tout d'abord récupérer sa preuve de Merkle. Cette dernière est constituée des hashs des branches et des feuilles plus hautes qui, en partant de la racine, ne permettent pas de « redescendre » jusqu'à TD c’est-à-dire HEFGH, HAB et HC.
Il faut ensuite « remonter » de TD à la racine en refaisant le calcul de HD, HCD, HABCD, puis de HABCDEFGH. Si la valeur trouvée correspond bien à celle de la racine de l'arbre de Merkle, c'est que TD fait bien partie du bloc. Il n'est donc pas nécessaire de connaître l'ensemble des autres transactions du bloc.
Avec notre exemple, l'avantage offert par l'utilisation d'un arbre de Merkle n'est pas immense (passer de 8 transactions à 3 hashs) car le nombre de feuilles n'est pas important. Mais cela devient bien plus intéressant avec un nombre de données plus important.
En effet, le nombre de valeur de hash constituant la preuve de Merkle d'une transaction est égal à la hauteur de l’arbre. Pour un arbre de Merkle parfaitement équilibré (c’est-à-dire un arbre où chaque feuille est à la même distance de la racine), la hauteur de l’arbre est égale au logarithme en base 2 du nombre total de feuilles. Donc, pour un bloc contenant 4 000 transactions, cela signifie que vous avez besoin de récupérer seulement 12 hashs pour vérifier si une transaction spécifique lui appartient.
Les arbres de Merkle et leur racine constituent donc des éléments essentiels du réseau Bitcoin qui permettent à la fois une vérification efficace des transactions tout en économisant de l’espace de stockage. Ils contribuent aussi à la sécurité du réseau puisqu'ils rendent impossible le fait de modifier ou de supprimer une transaction sans changer la racine de Merkle.
Les arbres de Merkle sont aussi utilisés pour d'autres applications comme la synchronisation des nœuds avec le réseau, ou encore la structuration des contrats intelligents.
Il existe différentes variantes d'arbres de Merkle. La mise à niveau Taproot a d’ailleurs introduit dans Bitcoin une nouvelle structure d’arbre de Merkle appelée Merkleized Abstract Syntax Trees (MAST). Sans entrer dans les détails techniques, sachez qu'ils permettent notamment de créer des contrats intelligents plus complexes et flexibles que ce qu'il était possible sur la blockchain auparavant.
Les forks
Il peut arriver, pour diverses raisons, que la blockchain se divise en branches distinctes : cela s'appelle un fork (fourchette en français).
Dans ce cas, pour Bitcoin, c'est la blockchain qui accumule le plus de puissance de calcul qui sert de référence et qui devient la blockchain principale.
Un fork ne se produit pas par hasard mais seulement dans des conditions bien particulières :
- Lorsque 2 blocs sont minés simultanément : les nœuds du réseau doivent alors choisir lequel ils acceptent et viennent y greffer les blocs suivants. Le bloc qui a été miné pour rien devient un bloc orphelin et ne fait pas partie de la blockchain de référence ;
- Lorsque la communauté veut introduire des changements dans les règles du protocole : ce sont des événements complexes qui peuvent conduire à la création de nouvelles cryptomonnaies (Bitcoin Cash par exemple) ou à des divergences temporaires dans la blockchain existante ;
- En cas d'attaque du réseau : il peut être décidé de faire un fork, afin de reprendre le cours des choses avant le bloc qui comporte une ou des transactions frauduleuses. Comme pour les autres forks, ce n'est pas une entité centrale qui décide, mais l'ensemble de la communauté.
Il existe plusieurs types de forks (soft fork et hard fork) que nous vous présenterons plus en détail dans l'article suivant.
Les limites de la blockchain de Bitcoin
Comme nous l'avons vu précédemment, la blockchain de Bitcoin est conçue autour d'un compromis entre la sécurité, décentralisation et scalabilité.
Maximiser ces trois piliers est un challenge technique très complexe. Bitcoin est le champion en termes de sécurité et très satisfaisant en termes de décentralisation. Cependant, il souffre d'un manque de scalabilité inhérent à son architecture.
En plus de la relative lenteur du système (un bloc toutes les 10 minutes), il faut ajouter aux faiblesses essentielles du réseau la quantité importante d'énergie qui doit être déployée par les mineurs pour valider les blocs.
Bitcoin est ainsi parfois considéré comme un dinosaure dans le secteur des cryptomonnaies. Mais il n'en est rien : le fonctionnement de son réseau découle de choix stratégiques opérés par Satoshi Nakamoto, qui a fait de la décentralisation, de la sécurité, et par conséquent de la résistance à la censure une priorité.
Plusieurs solutions existent tout de même pour résoudre le trilemme des blockchains, comme le sharding, les sidechains ou les réseaux de seconde couche, dont le Lightning Network. Mais chaque chose en son temps, nous y reviendrons.
C'est tout pour cet article ! La notion de blockchain vous est dorénavant plus familière. Pour saisir parfaitement le fonctionnement de Bitcoin, vous devez aussi connaître le minage et le mécanisme de preuve de travail. C'est le sujet du prochain article. Suivez le guide et plongez avec nous encore plus profondément dans ses entrailles grâce à la suite de l'Encyclopédie du Coin !