Les NFT, paradis du blanchiment d’argent ? Après Bitcoin, une nouvelle cible facile aux fantasmes anti-cryptos
Le 26 janvier 2022, Chainalysis publie un rapport soulignant le rôle croissant de la finance décentralisée (DeFi) en matière de blanchiment d’argent. Bien que les fonds blanchis dans les cryptomonnaies soient quasiment marginaux par rapport aux montants blanchis en monnaies fiduciaires, ce type de statistique pénalise tout de même le développement d’un secteur jeune que la plupart des gouvernements et des régulateurs ne voient pas forcément d’un bon œil. Un nouveau rapport du Trésor américain s’attaque cette fois-ci aux investissements dans les tokens non fongibles (NFT), un sous-secteur de la cryptosphère qui n’échapperait pas non plus à l’afflux de fonds parfois douteux.
Les NFT et le blanchiment : nouveau marronnier crypto ?
Le 4 février 2022, le département du Trésor américain a publié un rapport de 40 pages alertant de l’existence de preuves quant à l’utilisation des NFT pour blanchir de l’argent sur le marché des arts de grande valeur.
Le rapport évoque « la possibilité de transférer certains NFT via Internet sans se soucier de la distance géographique et par-delà les frontières presque instantanément », des avantages qui encourageraient les criminels à utiliser l’art numérique pour blanchir leurs revenus illicites.
Grâce à cette facilité de transfert des NFTs, les criminels échapperaient en effet aux « coûts financiers, réglementaires ou d’enquête potentiels d’une expédition physique ».
Au premier trimestre 2021, le marché des NFT a enregistré 1,5 milliard de dollars de transactions, soit 7,5% du marché total de l’art américain qui pesait 20 milliards de dollars à la même période. Le Trésor américain souligne toutefois la très forte proposition croissante de NFT vendus par des collectionneurs réels et bien intentionnés, ainsi que la croissance des places de marché NFT telles OpenSea ou SuperRare.
Le rapport du 2 février 2022 de Chainalysis confirme cependant l’existence à la marge de certaines pratiques de blanchiment d’argent sur les marchés des NFT. La société d’analyse blockchain indique toutefois que seulement 1,4 million de dollars provenant de portefeuilles illicites ont été envoyés aux marchés des NFT durant le quatrième trimestre 2021. Pour contextualiser ce chiffre, rappelons que 8,6 milliards de dollars de fonds ont été par contre blanchis en utilisant les cryptomonnaies en général durant toute l’année 2021.
Les NFT gonflés à la hype… et à l’arnaque ?
Les fonds blanchis via les NFT sont donc presque dérisoires comparativement au montant blanchi dans la cryptosphère en général. Pour autant, ces NFT pourraient bien permettre aux criminels avisés de pratiquer un wash trading plus rentable, selon Chainalysis.
Le wash trading consiste pour une personne, à se vendre un actif à elle-même, envoyant donc le NFT de son portefeuille vers un autre qui lui appartient également : si un observateur novice aura l’impression d’observer une vente tout à fait normale, la valeur et la liquidité réelle de l’actif concerné seront en réalité artificiellement gonflées.
Selon Chainalysis, 110 traders véreux ont pu réaliser un profit de près de 8,9 millions de dollars grâce au wash trading de NFT en 2021.
Pour terminer sur une note positive, le Trésor US indique que si le blanchement d’argent via les NFTs est donc une réalité, les tokens non fongibles ne seraient toutefois probablement pas impliqués dans des activités liées au financement du terrorisme.
Les détracteurs de NFT se délecteront certainement de ce type de rapport, ne retenant qu’une information : les tokens non fongibles servent parfois à blanchir de l’argent, faisant fi des détails qui amoindrirait le poids de cet argument en défaveur des NFT. Ce type de raccourci, comme celui accusant les NFT de faire joyeusement brûler la planète pendant que les aficionados de cryptomonnaies danseraient au milieu du chaos, semble convaincre plus facilement que la vérité des chiffres… et toutes ses nuances.