Depuis le début de l’année 2020, l’ensemble de la cryptosphère n’a de cesse de parler de la finance décentralisée ou DeFi. Cependant, cet écosystème en perpétuelle évolution demeure un mystère pour bon nombre de novices venant d’arriver dans le monde des cryptomonnaies. Remédions à cela en explorant ensemble ce qu’est la finance décentralisée.
Qu’est-ce que la DeFi (finance décentralisée)
?
La finance décentralisée, ou communément appelée DeFi pour « decentralized finance », est un domaine à part entière des cryptomonnaies qui vise à transposer les services financiers classiques sur la blockchain.
Dans un premier temps, Bitcoin (BTC) et les autres cryptomonnaies ont révolutionné le monde monétaire en proposant une monnaie décentralisée, c’est-à-dire sans organe de contrôle central. De ce fait, Bitcoin propose une monnaie alternative, en dehors du contrôle des banques, jusqu’ici seules reines de l’échiquier monétaire.
De son côté, l’écosystème de la finance décentralisée se base sur cette pierre angulaire apportée par les cryptomonnaies pour aller bien plus loin que le transfert d’argent. En fait, la DeFi est un ensemble de services financiers décentralisés.
Qui dit décentralisé dit accessible à tous. En effet, contrairement aux services financiers classiques proposés par les banques, la DeFi est ouverte à tous, sans minimum d’investissement et sans avoir à disposer d’un compte bancaire.
L’historique de la DeFi
L’écosystème DeFi n’a pas à proprement parler de date de genèse. Cependant, si une chose est sûre, c’est qu’il dispose d’une blockchain originelle, qui n’est autre qu’Ethereum (ETH).
Ethereum s’est avérée être une blockchain parfaite pour la naissance de la DeFi. En effet, l’ensemble des services de la DeFi n’aurait pas été possible sans les smart contracts d’Ethereum. Pour rappel, les smart contracts (ou contrats intelligents) sont des programmes informatiques qui exécutent automatiquement des actions en fonction de certaines conditions.
MakerDAO, le premier protocole DeFi
Nous pouvons fixer la naissance de la DeFi à décembre 2017, avec la naissance du protocole MakerDAO. MakerDAO est un protocole, à savoir une série de smart contracts, à l’origine du stablecoin DAI. À la différence du BTC qui est un actif volatil, le DAI est une monnaie stable qui se base sur le cours du dollar US. 1 DAI est donc égal à 1 dollar.
La création d’une monnaie stable, dont l’émission est entièrement décentralisée et repose uniquement sur l’écosystème crypto, fut la pierre angulaire de la naissance de l’écosystème DeFi.
En effet, MakerDAO est le premier protocole à avoir introduit la notion de prêt dans l’écosystème crypto, via son mécanisme de création du DAI. En bref, le mécanisme de création du DAI est semblable à de la création de dettes à la manière d’un prêteur sur gages. De ce fait, un utilisateur peut bloquer des ETH sur le protocole et celui-ci va, en échange, créer une valeur inférieure au dépôt en DAI. Pour récupérer ses fonds bloqués, l’utilisateur devra, par la suite, rembourser les DAI qu’il a créés.
Par exemple, si vous déposez 1 ETH d’une valeur de 4 000 dollars, il est possible de générer 2 600 DAI, soit 2 600 dollars. Ensuite, vous aurez loisir de faire ce que bon vous semble des 2 600 DAI. Cependant, pour récupérer votre ETH déposé, il sera nécessaire de d’abord rembourser l’argent généré.
Uniswap : la naissance des pools
Pendant environ une année, MakerDAO a été le seul protocole qui pouvait s’apparenter à ce qui allait devenir la DeFi.Il aura fallu attendre novembre 2018 et le lancement du protocole Uniswap pour réellement enclencher la dynamique qui mènera à l’écosystème DeFi tel qu’on le connaît.
Uniswap est une plateforme d’échange décentralisée (DEX). Celle-ci permet de convertir les cryptomonnaies entre elles de manière entièrement décentralisée. Pour ce faire, la plateforme a introduit le concept de liquidity pool.
Ainsi, des acteurs appelés market makers (ou fournisseurs de liquidités), ont la possibilité de déposer des actifs relatifs à une paire d’échange. Par exemple, de l’ETH et du DAI. Ces actifs sont déposés dans une pool, à savoir une réserve de jeton sur un smart contract. Par la suite, les utilisateurs du protocole peuvent échanger de l’ETH en DAI, ou inversement, en déposant un actif de la paire dans la pool et en récupérant la même valeur de l’autre actif.
En échange de cette conversion, l’utilisateur paie des frais qui sont reversés aux fournisseurs de liquidités pour les récompenser.
L’après Uniswap
Par la suite, de nombreuses plateformes ont repris le modèle d’Uniswap pour créer d’autres plateformes d’échange décentralisées.
Le concept de pool a pu ensuite être réutilisé pour créer d’autres applications répliquant de nombreux autres services financiers, tels que les emprunts, l’épargne ou encore des assurances.
En l’espace de 3 ans, de plus en plus de protocoles DeFi ont alors vu le jour. En parallèle, la somme des fonds déposés sur l’ensemble de ces protocoles n’a cessé d’augmenter pour finalement atteindre 256 milliards de dollars au moment d’écrire ces lignes.
La DeFi, un écosystème multi-chaîne
En quelques années, l’engouement autour de la DeFi n’a cessé d’augmenter. Malheureusement, la blockchain Ethereum s’est rapidement retrouvée congestionnée par la multitude d’interactions qu’elle devait traiter.
Par conséquent, les frais de transactions ont explosé et son écosystème DeFi s’est avéré inutilisable pour la plupart des investisseurs, car le montant des frais de transaction était bien trop grand comparé aux rendements générés par la DeFi.
Pour résoudre ce problème, de nombreuses blockchains concurrentes ont vu le jour, avec la ferme intention de remplacer Ethereum.
Afin de ne pas trop bousculer les habitudes des développeurs principalement basés sur Ethereum, ces blockchains ont, pour la plupart, implémenté le même écosystème qu’Ethereum, à savoir l’Ethereum Virtual Machine (EVM). De cette manière, ces blockchains sont en mesure d’exécuter le même code et les mêmes smart contracts que ceux hébergés sur Ethereum. Ces blockchains sont dites compatibles EVM (« EVM compatible » en anglais).
La Binance Smart Chain (BSC) a été la première à attirer les utilisateurs de la DeFi à la recherche de rendements et de frais de transaction bas. Menée par des protocoles, tels que PancakeSwap, Venus ou Autofarm, elle est rapidement devenue l’une des blockchains phares de l’écosystème DeFi. À ce jour, la BSC compte plus de 19 milliards de dollars d’actifs déposés à travers ses protocoles.
Par la suite, d’autres blockchains compatibles EVM, comme Polygon, Fantom ou encore Avalanche, ont vu le jour. Désormais, l’écosystème DeFi compte plus d’une cinquantaine de blockchains différentes, d’après les données compilées par DefiLlama.
Les avantages de la finance décentralisée
La DeFi propose de nombreux avantages en comparaison avec le système financier classique.
Dans un premier temps, sa décentralisation permet d’offrir un accès universel à cet écosystème. Contrairement aux services financiers classiques, qui nécessitent la création d’un compte en banque, la DeFi est accessible à toute personne qui dispose d’une adresse Ethereum. Une action qui, on le rappelle, est entièrement gratuite.
Dans un second temps, comme la DeFi est décentralisée et qu’elle ne dispose de quasiment aucun intermédiaire, celle-ci permet d’obtenir des rendements souvent bien plus intéressants que les services financiers traditionnels dans lesquels chaque intermédiaire va prendre sa part.
Le lexique de la DeFi
Comme vous venez probablement de le remarquer, la DeFi dispose d’un lexique bien à elle. Pas de panique ! Nous allons expliquer les principaux termes incontournables.
Les pools de liquidités : le cœur de la DeFi
Le concept de pool de liquidité est central à l’écosystème DeFi. Comme nous l’avons vu avec l’historique d’Uniswap, c’est ce concept qui a permis à l’ensemble de la finance décentralisée de voir le jour.
En fait, une pool de liquidité est une réserve de jetons qui sont déposés par des fournisseurs de liquidités en échange d’une récompense. Ces liquidités peuvent être par la suite utilisées pour diverses applications.
Un exemple est celui des pools de liquidités d’Uniswap, qui conservent les 2 actifs d’une paire de trading donnée. Les pools de liquidités sont également utilisées par les protocoles de prêt et d’épargne. Ainsi, les épargnants déposent leurs économies dans des pools. Cet argent est ensuite mis à disposition à des emprunteurs par le protocole. Pour contracter l’emprunt, les emprunteurs doivent s’acquitter de frais, qui seront redistribués aux fournisseurs de liquidités pour les récompenser d’avoir participé au protocole.
Les flash loans : les prêts court terme made by DeFi
Le flash Loan est également un concept propre à la finance décentralisée. Ces derniers, aussi appelés prêts instantanés, sont une sorte de prêt qui peut être contracté par un utilisateur le temps d’une transaction.
De ce fait, le prêt est accordé qu’à condition qu’il soit remboursé dans la même transaction. Cet outil est particulièrement apprécié des traders pratiquant l’arbitrage. Cela permet d’avoir accès à une grande quantité de fonds pour réaliser un trade qui sera gagnant. Si le trade est perdant, alors la somme n’est pas prêtée.
Le yield farming : les rendements passifs de la DeFi
Le farming, ou yield farming, est un concept qui est arrivé bien plus tard dans l’histoire de la DeFi.
En résumé, il consiste à optimiser les dépôts à travers plusieurs protocoles DeFi afin de maximiser le rendement sur ses actifs.
En pratique, de nombreux protocoles ont vu le jour pour automatiser cette optimisation, permettant à l’utilisateur de simplement déposer ses fonds et le protocole s’occupe d’effectuer les placements les plus rentables.
La TVL : la market cap des protocoles de DeFi
La TVL, ou total value locked, est une métrique qui représente le montant des fonds déposés sur une application DeFi. À ce jour, Curve est le protocole ayant la plus large TVL avec plus de 19 milliards de dollars.
Quels sont les domaines d’application de la DeFi ?
Vous l’aurez compris. L’écosystème DeFi est extrêmement vaste. Cependant, il est possible de classer la plupart des protocoles en plusieurs familles en fonction de leur utilité.
Les money markets
Les money markets sont des protocoles qui ont pour vocation d’émettre une monnaie : la plupart du temps, un stablecoin.
Pour ce faire, ces derniers se basent sur de la création de dettes pour émettre de la monnaie. Par exemple, MakerDAO permet de créer du DAI en échange d’un dépôt en ETH. Dans les faits, MakerDAO crée de la dette en émettant les DAI, tout en sachant que celle-ci peut être repayée grâce aux ETH bloqués si la dette venait à être en défaut.
Parmi les protocoles phares, nous pouvons citer MakerDAO ou encore Liquity.
Les DEX et les agrégateurs
Les exchanges décentralisés (DEX) sont une seconde famille des protocoles de la finance décentralisée. Ces derniers permettent d’échanger des cryptomonnaies entre elles. Un service similaire à celui proposé par des plateformes, comme Binance ou Coinbase, mais de manière décentralisée.
Ainsi, au lieu d’avoir les fonds stockés et gérés par une entreprise centralisée, ils sont gérés par une série de smart contracts hébergés sur une blockchain.
Nous pouvons notamment citer Uniswap, Curve, Balancer ou encore Sushiswap.
Les agrégateurs, quant à eux, sont des outils connectés à un grand nombre de plateformes d’échange décentralisées qui permettent d’obtenir les meilleurs taux. Ainsi, ces derniers déterminent la plateforme qui propose le meilleur taux pour une paire donnée.
1Inch et Paraswap font partie des agrégateurs de DEX les plus utilisés du marché.
Les protocoles de prêts/d’épargne
Les concepts de prêt et d’épargne sont des pierres angulaires de la finance traditionnelle. Par conséquent, la DeFi ne pouvait se passer de tels services. C’est alors que de nombreux protocoles, communément appelés protocoles de lending, ont vu le jour.
Ces derniers mettent en relation 2 types d’acteurs : les épargnants et les emprunteurs. En pratique, les épargnants déposent leurs économies dans des pools de liquidités. De leur côté, les emprunteurs peuvent emprunter des fonds provenant de la pool, à un taux défini. Les frais perçus par le protocole lors d’un emprunt sont redistribués aux épargnants pour les récompenser d’avoir participé au marché.
Les plateformes de yield farming
Au fur et à mesure de son développement, l’écosystème DeFi compte de plus en plus de protocoles. Chacun de ces protocoles propose des rendements plus ou moins intéressants à un moment donné. Cependant, transférer ses fonds de protocole en protocole en fonction des variations de taux peut s’avérer extrêmement fastidieux et potentiellement couteux en frais de transaction.
Ainsi, des développeurs ont souhaité résoudre ce problème en automatisant le processus. C’est ainsi que sont nés les protocoles dits de yield farming. Ces derniers permettent d’optimiser automatiquement le rendement sur un actif donné en profitant de la grande diversité d’opportunités dans l’écosystème.
Les indices
Les indices sont des produits financiers extrêmement prisés des investisseurs de la finance traditionnelle. Ils permettent de s’exposer sur une multitude de produits différents ne détenant qu’un seul actif. Par exemple, l’indice du CAC 40 suit la valeur des 40 plus importantes entreprises françaises.
Une fois de plus, ce produit financier a son alter ego DeFi. De nombreux protocoles, tels que TokenSet, proposent des indices. Par exemple, l’indice DPI (pour « DeFi Pulse index ») permet de s’exposer sur les principaux protocoles DeFi en ne détenant qu’un seul jeton.
Les ponts
Nous l’avons vu plus tôt dans cet article. L’écosystème DeFi tend à devenir un écosystème multi-chaîne. Il est donc devenu primordial de pouvoir transférer facilement ses fonds d’une chaîne à l’autre.
Les ponts, ou bridges, permettent d’envoyer des fonds d’une blockchain à une autre. Pour ce faire, les fonds sont envoyés et bloqués dans un smart contract sur la chaîne A, puis une représentation de l’actif sera émis sur la chaine B et envoyée sur le wallet de l’utilisateur effectuant le transfert. Ce processus est appelé tokénisation.
Les hacks : le fléau de la DeFi
Malheureusement, tout n’est pas tout rose pour l’écosystème DeFi. En effet, ce dernier repose sur une multitude de smart contracts. En conséquence, du fait du caractère ouvert de ces écosystèmes, n’importe qui est en mesure de publier un smart contract et de lancer son protocole DeFi.
Seulement, tous ne font pas l’effort d’auditer leurs contrats, ce qui conduit à des attaques en tout genre. En 2021, l’écosystème DeFi a été témoin de la perte de 680 millions de dollars lors de hacks. Une note qui aurait pu monter à 1,4 milliard de dollars, si certains hackers n’avaient pas été pris de remords.
Pour perdurer dans le temps et renforcer la confiance aussi bien des investisseurs que des institutions, l’écosystème DeFi n’a autre choix que de redoubler de vigilance concernant la sécurité de ses divers protocoles.