QuadrigaCX acte 3 : la mort de Gerald Cotten confirmée

QuadrigaCX – le plus grand exchange du Canada en termes de volume échangé – fait les gros titres depuis une semaine, après avoir prétendument perdu l’accès aux fonds de leurs 115 000 utilisateurs. Le CEO de l’entreprise est récemment décédé, et aurait emporté tous les codes d’accès dans sa tombe. Mais de plus en plus de dissonances entre la version officielle et les faits commencent à surgir. En attendant d’en savoir plus, nous vous proposons de faire la part des choses entre les interrogations, les spéculations et les faits avérés.

Les faits

Les fonds « perdus »

On sait pour l’instant que ce sont presque 200 millions de dollars canadiens qui sont dus par l’exchange. Lors de sa déclaration sur l’honneur, la veuve de Cotten – Jennifer Roberstson – affirmait que ni elle ni qui que ce soit n’était en capacité de mettre la main sur ces fonds. Au moment de sa mise hors ligne, l’exchange était (prétendument, et environ) en possession de 26 500 BTC, 11 000 BCH, 11 000 BSV, 35 000 BTG, 200 000 LTC et 430 000 ETH, soit un total avoisinant les 150 millions de dollars.

Mais ce n’est pas tout ! En effet, en plus de cette immense somme en crypto, l’exchange est également responsable d’une énorme dette en monnaie fiat, 70 millions de dollars canadiens. Tous ces fonds sont détenus par des processeurs de paiement, dont certains présentent des problèmes de bancarisation. On peut par exemple noter Billerfy qui détient 30 millions de dollars canadiens et qui, faute de partenaire bancaire, ne peut pas procéder au retour de ces fonds pour le moment.

QuadrigaCX et les fonds gelés : deuxième édition

Le fait est que ce n’est pas la première fois que l’on entend parler de QuadrigaCX pour de mauvaises raisons. En effet, en octobre dernier, la Canadian Imperial Bank of Commerce gelait 22 millions de dollars appartenant à QuadrigaCX. La banque avait déclaré qu’il était impossible d’identifier le détenteur légitime de ces fonds.

Finalement, c’est la justice qui devrait se saisir des fonds, puis les redistribuer. Mais, pour l’instant, l’affaire est au point mort, et le tumulte qui sévit en ce moment ne risque pas d’accélérer les choses.

Un mois pour retrouver les fonds

Face à cette situation pour le moins désespérée, l’exchange a fait valider une demande de protection contre ses créanciers. Cette mesure est prise pour garantir aux endettés de quoi vivre décemment lorsque de lourdes sommes sont dues.

Une audition a eu lieu mardi, et la justice a donné 30 jours à QuadrigaCX pour retrouver les fonds perdus. Un rapport initial devra être rendu le 1er mars, puis l’audition se fera le 7 ou le 8. Au cours de ces 30 jours, aucune plainte supplémentaire ne pourra être enregistrée.

La cour a également désigné le cabinet d’audit Ernest & Young (l’un des Big Four) pour se pencher sur la situation de l’exchange. Ainsi, on devrait savoir assez vite si l’exchange présentait vraiment autant de problèmes de solvabilité que ce que les rumeurs lui incombent.

Spéculations

Pas de cold wallet ?

« L’absence de preuve n’est pas une preuve d’absence »…

Personne n’a réussi jusque là à mettre la main sur le fameux « cold wallet » de l’exchange. On devrait pourtant pouvoir retracer les transactions jusqu’à celui-ci, mais rien n’y fait, et le doute commence à planer : l’exchange avait-il vraiment mis ses fonds à l’abri ?

L’équipe de Zerononcense a réalisé une analyse en profondeur des données disponibles, et, en plus de n’avoir trouvé aucun cold wallet, elle s’est aperçue de l’existence de mouvements sortants depuis des wallets de QuadrigaCX, plusieurs jours après le décès de Cotten, alors que sa femme déclarait que « personne n’arrivait à accéder aux fonds ». Est-ce le fait d’un fantôme ? Une transaction automatisée ? Le mystère reste entier pour l’instant…

Gerald Cotten

On en sait finalement assez peu sur les activités récentes de Gerald Cotten. Apparemment, l’homme était atteint de la maladie de Crohn, une maladie chronique sans traitement connu. Cotten serait donc mort des suites de cette maladie, le 9 décembre, à Jaipour (Inde), où sa femme affirme qu’il ouvrait un orphelinat.

Pendant un temps, certains sont allés jusqu’à douter de la mort de Cotten. L’acte de décès épelait en effet mal son nom (« CottAn » au lieu de « CottEn »), et il avait fallu un mois à l’exchange pour annoncer la nouvelle.

Mais le doute ne semble plus permis. En effet, Times of India aurait finalement eu connaissance de documents de l’hôpital de Jaipour, qui confirment que Gerald Cotten y a été admis, puis y est décédé le lendemain.

Pour s’occuper de l’exchange, Cotten utilisait un ordinateur portable chiffré. Jusque là, personne n’aurait réussi à y accéder.

De nombreux problèmes se posent cependant. Le dirigeant n’avait pris aucune précaution en cas de décès. D’autant que la maladie de Crohn présente la plupart du temps une évolution lente, on parle ici d’un mal qui évolue sur des années.

Autre fait troublant, son testament aurait été mis à jour à peine 12 jours avant son décès. Comment quelqu’un qui est seul aux commandes de près de 200 millions de dollars peut oublier de donner des indications concernant son entreprise, mais se rappeler de léguer tous ses biens à sa femme ?

Le testament donne en effet à Jennifer Robertson tous les actifs de son défunt mari, y compris un avion, un yacht et diverses propriétés à travers le Canada. Alors, était-ce seulement l’oubli compréhensible d’un homme malade (et forcément préoccupé), ou cette histoire cache-t-elle quelque chose de plus sombre ?

Usurpation d’identité ?

De plus en plus d’individus commencent également à affirmer que le co-fondateur de l’exchange – Michael Patryn – utiliserait en fait une fausse identité, dissimulant en réalité Omar Dhanani. Ce Dhanani avait déjà été arrêté en 2005, puis condamné en 2007 pour fraude et blanchiment d’argent, alors qu’il opérait une plateforme permettant l’usurpation d’identité.

NDLR : nous tenons à préciser que tout ce qui suit pourrait être le fruit du hasard. L’usurpation d’identité n’est pas avérée, il s’agit juste d’une coïncidence troublante que nous avons eu du mal à ne pas relever.

En fouillant un peu, on peut trouver un Omar Dhanani résidant à Fountain Valley, en Californie, ainsi qu’apprendre l’existence de deux membres de sa famille : Nazmin et Nabatbibi. Il s’avère qu’une entreprise de Vancouver (Canada) – MPD Advertising – a été fondée par Michael Patryn et … Nazmin Dhanani. L’entreprise a été dissolue en 2013 pour « non-conformité ». Évidemment, cela ne prouve absolument rien, le hasard est juste parfois un rien dérangeant.

Nous vous tiendrons informés des rebondissements dans cette triste affaire, aussitôt que davantage d’informations seront disponibles !

Julien C.

Tombé dans le domaine des cryptomonnaies durant l’été 2017, je m’intéresse particulièrement aux projets novateurs et aux relations dans la communauté. Chasseur de scam à mes heures perdues, vous pouvez me retrouver tous les matins dans notre newsletter !