Telegram : une ICO à 1,7 milliard de dollars, mais pour quoi faire ?

Les bons comptes font les bons amis – Les choses se corsent toujours plus pour Telegram et son projet TON (Telegram Open Network). La Securities and Exchange Commission (SEC) avait déjà réussi à obtenir par contrainte judiciaire les données bancaires liées à l’ICO de 1,7 milliard de dollars de Telegram. Mais nous apprenons désormais que son CEO – Pavel Durov – a été cuisiné pendant pas moins de 18h par le gendarme financier US ! Explications.

A quoi devait réellement servir cette ICO ?

Pavel Durov, le CEO de Telegram, a effectué une déposition auprès d’un représentant de la SEC américaine. Cette dernière a été rendue publique par le gendarme financier américain ce 15 janvier 2020. Ce document révèle que Pavel Durov a été interrogé pendant 18 heures sur 2 jours, les 7 et 8 janvier dernier, concernant l’Initial Coin Offering (ICO) menée en 2018 sur les tokens GRAM de son projet de blockchain TON.

La SEC accuse en effet Telegram d’avoir réalisé une vente de titres financiers (securities) illégale, car non enregistrée auprès des services du régulateur. Pour le démontrer, la SEC a fourni de nouveaux éléments à charge, notamment des messages entre le personnel de Telegram et les investisseurs.

Ainsi l’ICO n’aurait été qu’un substitut à une levée de fonds classique par actions (une IPO). Ainsi, la SEC semble penser que Telegram aurait surtout eu besoin de récolter des fonds pour ses dépenses courantes… et que le projet de blockchain TON n’aurait été que secondaire de prime abord, avant de réellement se structurer.

« En 2017, la messagerie Telegram avait besoin de fonds pour continuer à acheter plus de matériel et à financer sa croissance (…) Un des amis de Durov, et d’autres investisseurs éventuels, ont proposé à Durov qu’ils investissent dans Telegram (…) ce à quoi Durov a répondu qu’à ce stade Telegram avait besoin de liquidités pour continuer à acheter plus de serveurs ».

La société de messagerie aurait ainsi malgré tout préféré choisir une ICO, plutôt qu’une levée de fonds classique ou l’appui sur un modèle de revenus orienté sur la publicité.

Donner le TON

La SEC pointe également le fait que la relation entre Telegram et le projet de blockchain qu’elle a initiée soit à « géométrie variable ». En effet, en janvier 2018, Telegram et TON semblaient associés dans l’idée de Pavel Durov :

« Nous considérons que TON et Telegram font tous deux partie intégrante du succès du projet, car Telegram fournit la base d’utilisateurs nécessaire à l’adoption de masse de la cryptomonnaie. C’est pourquoi nous ne séparons pas l’utilisation des fonds entre les deux, et nous affecterons les ressources là où elles sont le plus nécessaires ».

Un ton qui contraste fort avec sa déposition de janvier 2020, où le CEO déclare concernant le financement de TON :

« Nous ne prévoyons pas de grands changements [dans le budget alloué] avant le lancement de TON, mais nous nous attendons à ce que certaines dépenses diminuent ensuite, du fait que nous ne consacrerons plus de ressources au développement et aux tests de TON ».

Telegram n’est pas encore sorti de l’auberge : la SEC accentue donc la pression. Les derniers revirements stratégiques du projet poseront d’ailleurs question dans ce contexte : rappelons que l’équipe officielle a récemment annoncé que les GRAM ne seraient pas utilisables en l’état dans l’application Telegram, et que le développement futur devrait être le fait d’une « communauté de développeurs » libres invités à s’emparer du projet. Une façon comme une autre de refiler la patate chaude ?

Rémy R.

Issu d’une formation universitaire en Sciences, je m’intéresse aux blockchains et à Bitcoin depuis 2013 et en ai même miné à l’époque. La bulle qui s'en est suivie m'en a détourné, mais je m'y suis replongé depuis 2017 et les étudie depuis avec passion.