Cryptomonnaies : les limites de la preuve de réserve
Avec des défauts, mais utile – Le désastre FTX a mis en avant la preuve de réserve. Certains acteurs cryptos la considèrent comme un rempart contre une mauvaise utilisation des cryptomonnaies des clients. Bien que cette preuve permette d’améliorer la transparence des dépositaires tiers, elle présente quand même certaines failles.
La preuve de réserve : une confiance limitée
Dans son tweet du 9 novembre dernier, le directeur technique de Casa, Jameson Lopp, a nuancé les réelles capacités de la preuve de réserve à instaurer la transparence nécessaire. Elle serait alors utile pour garantir la sécurité des cryptomonnaies des clients détenues par un dépositaire tiers. Casa est un fournisseur de gestionnaire de clés pour simplifier et sécuriser le stockage en self-custodial des cryptomonnaies.
À la suite des révélations scandaleuses qui ont déclenché la chute de FTX, ce type de preuve a bénéficié d’une forte médiatisation de la part d’acteurs cryptos majeurs. Notamment du PDG de Binance, Changpeng Zhao.
La preuve de réserve fut alors présentée comme LA solution pour prévenir un bis repetita de FTX, pour les bourses cryptos qui survivront à la crise actuelle. Mais dès les prémices de l’effondrement de l’empire de Sam Bankman-Fried, Jameson Lopp a souligné que « la preuve des réserves n’est pas une panacée ».
Pour le directeur technique de Casa, accorder sa confiance à ce type de preuve équivaut à en faire de même « à l’attestation de l’auditeur ». Il a également indiqué qu’avec une preuve de réserve, les observateurs ne peuvent en réalité qu’espérer « que les réserves soient supérieures au passif ».
James Lopp a d’ailleurs encore insisté sur ce dernier point plus récemment. Il a déclaré au média Decrypt que l’un des principaux problèmes de la preuve de réserve est son incapacité à « prouver qu’il n’y a pas plus de passif que d’actif ».
Dès le 9 novembre, le directeur technique de Casa avait ainsi tracé les limites de la preuve de réserve, dans son tweet. Toutefois, il avait admis qu’il était tout de même préférable d’avoir ce type de preuve, plutôt « que de ne pas l’avoir ».
Transparence des bourses cryptos : le mieux est l’ennemi du bien
D’autres acteurs du secteur ont aussi critiqué ou défendu la preuve de réserve. Mais dans leurs discours, ils évoquent tous les avantages et les limites de cette dernière.
L’analyste Nic Carter est un partisan de longue date de la preuve de réserve. Il souhaite ainsi une forme de preuve – car il peut y en avoir plusieurs – qui révèle aussi bien les réserves que les dettes du dépositaire. Par exemple, BitMEX figure dans la liste des bourses cryptos qui montrent ces deux facettes de sa situation financière.
Quant aux critiques contre la preuve de réserve, Nic Carter leur apporte une réponse qui se veut être pragmatique sur son site web. Bien que cette preuve ne soit pas « pas parfaitement fiable dans sa mise en œuvre actuelle », il a rappelé qu’ « aujourd’hui, la norme du secteur est une transparence quasi nulle ».
En d’autres termes, le dispositif présente des lacunes, mais c’est toujours mieux que rien, et surtout mieux que l’opacité actuelle concernant la gestion des avoirs des clients par les dépositaires tiers.
Malgré cette vision pragmatique qui promeut l’utilisation de la preuve de réserve, cette dernière souffre tout de même d’une autre limite théorique. Elle affecterait sa fiabilité. Récemment, des bourses cryptos auraient – au conditionnel – réalisé des transactions qui visent uniquement à passer – ou à manipuler, c’est selon – les audits de preuve de réserve.
La preuve de réserve ne permettrait donc pas de garantir aux clients d’une bourse crypto qu’ils pourront toujours retirer leurs cryptomonnaies, quand ils le souhaitent, à n’importe quel moment. Aujourd’hui, la détention en propre (self-custodial) resterait ainsi le seul moyen d’être certain de pouvoir disposer réellement de ses avoirs.