Le GAFI dément mener un projet de surveillance des cryptos
Révélée avec fracas le 9 août, l’émergence d’un système de surveillance internationale dirigé vers les plateformes cryptos, sous l’égide de la Financial Action Task Force (FATF, aussi nommée GAFI pour Groupe d’Action Financière), pourrait finalement plus relever de la rumeur que du projet formalisé.
En mode gestion de crise, il n’aura pas fallu longtemps pour qu’un analyste senior du GAFI revienne sur ce qui est finalement qualifié de « fake news » dans un entretien à Finance Magnates.
Cependant, notons que ce cadre ne nie pas que son organisation soit en pleine réflexion sur le sujet, notamment s’agissant de la mise en place de nouvelles règles de transmission de KYC entre plateformes crypto. Ce que l’institution conteste, par contre, c’est d’être la supposée meneuse de ce mouvement de fonds de la sphère crypto.
Explications.
Big crypto-brother is watching you (enfin presque)
On l’apprenait donc hier, d’une source originellement japonaise « proche du dossier » conformément à l’expression consacrée : le GAFI (Groupe d’Action financière) était censé s’apprêter à coordonner la mise en place d’un système transnational de recueil d’informations financières s’imposant aux exchanges, plateformes de trading et autres brokers de cryptoactifs.
Ce nouveau cadre peut se résumer comme suit : il viserait à obliger les sociétés du secteur à communiquer les informations personnelles de leurs crypto-clientèles, et à bien plus communiquer à ce propos entre elles. Fort du soutien d’une quinzaine de pays (dont l’intégralité du G7, qui on le sait, a fait de la crypto et de sa régulation un de ses sujets de préoccupations majeures), ce système était évoqué comme devant s’appliquer à toutes transactions au-delà de 1000 dollars, mais probablement « pas avant plusieurs années ».
Nous avions relayé la nouvelle, en précisant pour autant que contrairement à l’annonce de principe effectuée en juin par l’institution financière, cette fois-ci cette dernière n’avait ni confirmé ni infirmé.
« You’re fake news »
Rétropédalage en règle dès le lendemain de la part de la FATF qui, par la voix de Tom Neylan, analyste senior de l’organisation, insiste : Personne chez eux n’a envisagé une seule seconde la mise en place d’un système de surveillance financier global et sans frontières, enfin !
« Le GAFI ne développe aucun système [de ce type], et nous ne récupérerions pas les données de toute façon » rappelle l’intéressé, tout en soulignant que le GAFI n’est pas investi du moindre pouvoir réglementaire, pas plus que cette organisation n’est capable de mettre en place une solution technologique. « Nous ne faisons qu’établir des normes et promouvoir leur application efficace ».
Certes. Cependant il convient de garder à l’esprit que le GAFI est une entité émanant du sommet du G7 de 1987 et disposant d’un siège au sein de celui de l’OCDE à Paris. Ainsi, si cette institution ne dispose effectivement pas de pouvoirs coercitifs, ses « recommandations » ne sont pas pour autant prises à la légère.
SAD!
La question du caractère foncièrement faux de la nouvelle se pose tant la réalité du rectificatif communiqué par M. Neyland se révèle finalement peu éloignée de la supposée « rumeur sans fondement ».
En effet, toute la nuance qu’apporte l’institution réside dans le fait qu’elle souhaite clarifier qu’elle n’occupe pas une place active dans l’organisation et la gestion d’un tel système de surveillance international – même si elle reconnaît aussi discuter avec les acteurs privés qui développent des solutions permettant d’atteindre ce but. En somme, elle n’est que force de proposition… Et advienne que pourra.
Vous avez aimé le KYC ? Vous adorerez son grand frère le KYC voyageur !
M. Neyland, s’il prend donc grand soin de désamorcer toute polémique potentielle s’agissant de l’apparition de rien moins que d’un réseau mondial de surveillance financière, offre un aperçu de ce qui pourrait devenir la norme dans le secteur : la transmission de KYC entre de multiples acteurs de l’écosystème, au gré des transactions !
Le principe ? S’inspirer très largement des process de la finance traditionnelle, notamment s’agissant du principe de « règle du voyage ». Point de paysages exotiques ou de vacances au bout du monde en l’occurrence, mais l’application d’un principe de sécurité obligeant les parties prenantes à une transaction à s’échanger des éléments d’identité sur les auteurs de cette dernière. La question du caractère d’usine à gaz difficile à mettre en place pour les plus petits acteurs du secteur pourrait se poser, comme l’avait signalé les industriels crypto en juin.
Le terrorisme et le blanchiment, tristes épouvantails
L’occasion est également bonne de dérouler tranquillement l’habituelle sémantique de la lutte anti-terroriste (dont on rappellera pourtant que son financement préfère le plus souvent le dollar à la crypto) :
« Nous ne faisons pas ça pour violer la vie privée de tout le monde, mais simplement pour nous assurer que les criminels et les terroristes peuvent être identifiés une fois que les forces de l’ordre savent qu’ils sont impliqués. »
Nous voila rassurés.