La Banque de France pousse la tokenisation au niveau des instances européennes
Just do it – Le premier sous-gouverneur de la Banque de France a délivré un discours pressant les instances européennes d’adopter les technologies blockchains et DLTs (Distributed Ledger Technologies). Selon lui, elles pourraient « contribuer à remédier aux limites actuelles des infrastructures existantes ».
La Banque de France dit oui à la « blockchain »
Denis Beau, le premier sous-gouverneur de la banque de France, a donné un discours lors d’une conférence de l’AFME (Association for Financial Markets in Europe). Selon lui, l’Europe doit se presser d’expérimenter pour jauger de l’utilité (ou non) de ces technologies novatrices.
Naturellement, la création de nouveaux cadres réglementaires est vue comme une nécessité, puisque se reposer sur le cadre existant serait potentiellement limitant.
« À mon avis, nous ne devrions pas tenir pour acquis le cadre réglementaire actuel et partir du principe que ce cadre, qui a été principalement conçu avant les « perturbations » technologiques que l’on observe actuellement dans le système financier, n’a pas besoin d’évoluer. », a-t-il déclaré.
En effet, ce seraient bien la fintech en général (et pourquoi pas une de ses briques blockchain) qui pourrait à terme impacter considérablement le secteur financier dans son ensemble :
« La mise en œuvre de ces innovations pourrait avoir un impact important sur le secteur financier, en particulier pour faciliter les processus de livraison contre paiement, de règlement interdevises, de résilience et de rétablissement à la suite d’incidents opérationnels. »
Notons qu’il évoque le cas du projet MADRE de la Banque de France, un supposé système de registre décentralisé devant permettre de stocker des informations d’identification de créanciers SEPA. Nous rappellerons au lecteur attentif que ce projet fut pour le moins questionné à l’époque de son annonce, certains parlant même « d’errances » de la Banque de France.
Le cas Libra est comme d’habitude pointé du doigt sans avoir l’air d’y toucher et sans vraiment le citer : dans la juste résonance des propos tenus par le ministre des finances Bruno Le Maire, le projet de cryptomonnaie de Facebook est présenté comme une cause de risques systémiques pour l’ensemble du domaine financier.
« Je devrais également mentionner les menaces systémiques que les grands acteurs peuvent représenter s’ils utilisent leur vaste base de consommateurs et tirent parti des effets des réseaux mondiaux sans tenir suffisamment compte des conséquences sur la stabilité financière. »
L’encadrement de l’innovation
Cependant, Denis Beau reste conscient des risques que peuvent impliquer l’innovation et la nécessité de trouver des solutions avant même que les problèmes ne surviennent.
« L’innovation peut affaiblir certains acteurs, créer des déséquilibres et ses avantages à long terme pour la société peuvent être, dans certains cas, incertains. »
Il rappelle également la nécessiter de protéger les consommateurs ainsi que leurs données. Un discours on ne peut plus réaliste, au moment-même où nous apprenons qu’une fuite dantesque de données personnelles concernant près d’un milliard d’internautes viennent d’être découverte, en libre accès sur une simple URL.
« Les questions de protection des données et des consommateurs soulevés par les nouvelles technologies, les défis de la lutte contre le blanchiment d’argent posé par les nouveaux usages, les risques opérationnels propres aux tiers fournisseurs et l’externalisation dans les clouds, y compris les risques informatiques, les impacts sur la concurrence : la liste des problèmes est assez longue ! »
L’objectif est clair : les régulations ne doivent pas tuer l’innovation dans l’œuf, au contraire elles doivent l’accompagner et s’y adapter tout en restant conscient des différents défis qu’elle pose. En ce qui concerne nos très chers cryptoactifs, le sous-gouverneur a justement aussi un avis sur la question, dans ce contexte de législateur qui se doit d’encadrer – sans étouffer – le progrès :
« La tokénisation d’actifs financiers, associée à des solutions blockchain et à des technologies de registres distribués pour stocker et transférer ces actifs, pourrait aider à répondre aux demandes du marché. (…) À la Banque de France, nous sommes ouverts à des expérimentations allant dans le sens par exemple d’une monnaie numérique de banque centrale, avec la BCE et d’autres acteurs. »
En définitive, si la Banque de France affiche donc une position relativement ouverte sur le sujet, n’oublions pas qu’elle reste très prudente dès lors que l’on s’avance sur le terrain monétaire à proprement parler. Souvenons-nous que le même M. Beau exprimait en novembre déjà ses craintes concernant les cryptomonnaies et leur risque systémique. L’innovation, oui… Un banc-seing, non.