Selon un parlementaire US, le Libra de Facebook fera « des dégâts pires que le 11 septembre »
« Tout ce qui est excessif est insignifiant ». Cette maxime de Talleyrand pourrait sembler fort à propos s’agissant de l’avis du représentant démocrate Californien Brad Sherman sur le projet Libra de Facebook.
En effet, considérant que les nombreuses levées de boucliers de ces dernières semaines n’allaient pas encore assez loin, le parlementaire a carrément affirmé que les conséquences de la mise en place du stablecoin Libra seraient pires encore que le 11 septembre !
Si l’intéressé pourrait être accusé à juste titre de chercher à mettre du drama dans le débat, ses arguments de fonds sont révélateurs des inquiétudes américaines sur le sujet.
Libra, pire que le terrorisme pour les États-Unis ?
C’est peu ou prou la question que formule le représentant démocrate de Californie Brad Sherman à l’occasion de l’audition de David Marcus devant la Chambre des Représentants mercredi dernier.
Précisant sa pensée, il a souligné que la course à l’innovation sans entrave devait commencer à être sérieusement questionnée. Probablement parfaitement conscient de la subversivité de sa position, le parlementaire n’a pas hésité à dresser un parallèle audacieux entre les velléités monétaires de Facebook et de son projet Libra et l’attentat terroriste du 11 septembre, atteignant ainsi avec une remarquable rapidité ce qui représente la version américaine du Point Godwin :
« Maintenant, certains nous disent que l’innovation est toujours bonne. Or, la chose la plus innovante de ce siècle, c’est quand Oussama ben Laden a eu l’idée novatrice d’envoyer deux avions dans des tours. Il s’agit là de l’innovation la plus conséquente qui soit, et on voit bien toute la dangerosité que cela implique. » Déclaration de Brad Sherman durant l’audition de David Marcus.
Appelé à préciser sa pensée sur Bloomberg au lendemain de ces déclarations-chocs, Sherman a peut-être eu le sentiment d’adoucir sa position en soulignant que « Zuckerberg n’était pas aussi mauvais qu’Oussama ben Laden » (l’intéressé appréciera), mais que pour autant, son avidité à accumuler les centaines de millions de profits était de nature à générer des risques pour la sécurité nationale.
The Congressman who compared Facebook's Libra aka "Zuck Bucks" to 9/11 stands by the metaphor. He tells @emilychangtv why https://t.co/vsbYmOt2Yh pic.twitter.com/sHkD1pTxYG
— Bloomberg TV (@BloombergTV) July 19, 2019
Pourquoi Libra pourrait devenir une menace pour la sécurité nationale US
Si Brad Sherman convient qu’il ne s’agit pas de l’objectif du patron de Facebook, l’émergence d’une monnaie potentiellement aussi hégémonique que Libra serait de nature à avoir d’importantes conséquences de sécurité pour les États-Unis. Si le secteur est maintenant habitué aux accusations récurrentes s’agissant des risques de financement du terrorisme et autres vecteurs de blanchiment que faciliteraient supposément les cryptos, le parlementaire franchit encore une étape supplémentaire dans l’outrecuidance :
- Libra créera un outil monétaire qui facilitera le trafic de drogue dans la rue, générant « des décès quotidiens »,
- le manque à gagner en matière fiscale empêchera l’État fédéral de financer la recherche médicale contre le cancer et la Défense des États-Unis,
- il sera plus difficile empêcher l’Iran et la Corée du Nord de se doter de l’arme nucléaire..
En bref, des perspectives apocalyptiques auxquelles David Marcus aurait été bien en peine de répondre…si d’aventure la question lui avait été posée ! En effet, et peut-être par chance pour le CEO de Libra, le parlementaire n’a en réalité pas posé la moindre question. En effet, Brad Sherman plutôt qu’un échange s’est contenté d’utiliser le prétexte de l’audition devant la Chambre des représentants pour disposer d’une tribune afin de présenter sa sombre prospective.
Si l’avenir prouvera peut-être que Brad Sherman se faisait prophète s’agissant des graves répercussions de Libra, difficile cependant de ne pas remarquer l’outrance du propos.
On signalera dans la même veine qu’à l’occasion de l’audition précédente, c’est son homologue Chris Van Hollen du Maryland qui y allait de sa petite analyse hollywoodienne, n’hésitant pas à comparer Facebook à l’organisation maléfique « Spectre » des derniers James Bond.