Bitcoin, le sujet qui fâche chez YouTube ? Le géant vidéo supprime la chaîne du Journal du Coin
Dans la soirée du dimanche 11 avril 2021, en pleine diffusion du live hebdomadaire reprenant l’actualité crypto et blockchain de la semaine, la chaîne Youtube du Journal du Coin a été soudainement et sans sommation bannie de la première plateforme de diffusion mondiale. Si en l’état actuel, d’un bot un peu trop zélé à une authentique sanction émanant du géant de la vidéo en ligne, il est encore difficile de discerner les raisons de ce brusque bâillonnement, la situation appelle à une réflexion à la fois sur la toute-puissance des plateformes sociales, tout autant que concernant les modèles économiques dominants dans la presse gratuite.
Mise à jour du 12 avril 2020 : grâce à une mobilisation de la communauté du JDC aussi bienveillante qu’efficace, la chaîne Youtube du journal a été rétablie, moins de 24h après sa suppression ! Un remerciement tout particulier à la team Youtube France, Hasheur, la communauté Youtube crypto FR, et le député Pierre Person qui dans leurs sphères de compétences respectives n’ont pas ménagés leurs efforts afin de nous tirer de ce mauvais pas. Immense merci également à tout ceux qui ont spontanément proposé leur aide, la démonstration que les moments pénibles sont aussi des révélateurs d’instants de grâce et de bienveillance. L’équipe du JDC va maintenant se remettre au fourneaux, motivée comme jamais à continuer de vous offrir des contenus de qualité !
Le Journal du Coin en mode interruption de services
3 ans d’existence, des centaines de contenus gratuits, le résultat de milliers d’heures de passion et de travail. Le tout renvoyé au néant par la simple action d’un interrupteur numérique obscur, le changement d’une poignée de 0 en 1 ou peut-être simplement la conséquence désagréable d’une ligne de code en mode hors-piste.
Quelles qu’en soient les causes, l’effet a été brutal et instantané : la chaîne Youtube du JournalduCoin a littéralement disparue des radars quelque part entre 21h et 21h30.
C’est ainsi quelques milliers de spectateurs qui l’espace d’un instant on pu craindre que leur wifi ne se soit fait la malle, ou que, victime du fuseau-horaire de trop, Sami ne se soit pris les pieds dans les fils de sa caméra (ça arrive, ne jugez-pas).
Impossible pour l’heure de savoir si cette suppression – qui n’a pas été précédée du moindre signe avant-coureur – est le résultat d’une série de signalements (certains ayant des difficultés parfois avec la contradiction), d’une violation patente de tel ou tel point d’une sous-section des CGU/CGV de Google ou peut-être même d’une simple erreur de modération automatique, tant l’on ignore pas à quel point les thématiques des cryptomonnaies et de la blockchain, tendent à attirer les foudres de tout bord.
En effet, ces deux dernières années n’ont pas été avares en matière de médias « crypto » sanctionnés plus ou moins durement pour avoir commis l’erreur de faire leur métier. On pensera notamment au média américain Coindesk qui en février dernier subissait pareille mésaventure.
Chacun se souvient également de la vague de décembre 2019 – févier 2020 – y’aurait-il une saisonnalité ?- ayant abouti à la suppression de multiples chaines sur la thématique. La grande purge avait commencé par la chaîne du Youtuber américain Chris Dunn (210.000 followers) avant de s’étendre à de nombreux autres producteurs de contenus, atteignant également plusieurs Youtubers francophones comme Whale Tamer, CryptoMatrix ou encore Hasheur.
Au rang des victimes historiques de la chose, on évoquera également la chaîne du site Bitcoin.com, gérée par Roger Ver victime également d’une mise hors-ligne.
Si dans la très grande majorité des cas (à la triste mais notable exception de notre ami belge Whale Tamer) les chaînes ont été rétablies relativement rapidement, les producteurs de contenus se voyant même adresser des excuses par la plateforme Youtube et la maison-mère Google, la simple existence de cette épée de Damoclés perpétuelle n’est pas sans poser des questions sur les mécaniques auxquelles sont soumis les producteurs de contenus, victimes consentantes mais sans alternative d’un système au sein duquel le concept de « liberté d’expression » n’a pas sa place.
Business et liberté d’expression
Si au Journal du Coin la deception l’a disputé à la colère, tant créer et partager des contenus au profit de la communauté fait partie des raisons de se lever le matin de bonne humeur, hurler à l’arbitraire et brandir une violation à la liberté d’expression serait se tromper de débat.
Les choses doivent en effet être très claires : Youtube n’est en aucun cas tenu de proposer et faire respecter la moindre obligation de « liberté d’expression » ou d’on ne sait quel « droit à s’exprimer ».
Ces libertés fondamentales, obtenues de haute lutte et dont on rappellera qu’elles sont encore bien peu répandues à l’échelle de la planète, ne sont la résultante que d’un pacte social dont des instance désignées et contrôlables par le peuple sont les garants.
Or, Youtube n’est en rien tenu par ces standards. Ces droits puissants et complexes sont en effet forgés pour garantir la protection des opinions et la liberté de conscience et d’expression des individus. En rentrant – librement, gratuitement et sans contrainte – sur la plateforme en tant que producteur de contenus, vous acceptez en réalité d’abdiquer votre liberté d’expression pour la substituer l’espace d’un moment au respect des « Conditions Générales d’Utilisation » imposées par la plateforme américaine.
Or, Youtube se préoccupe peu de vos droits et libertés… et c’est parfaitement normal. Ce n’est tout simplement pas son boulot. Cela ne signifie pas que Youtube et les GAFAM sont dirigés par d’affreux satanistes mangeurs de chiots, mais simplement que le géant de la vidéo n’a pas foncièrement vocation à servir d’autres intérêts que les siens.
Et c’est là que l’événement – grave à l’échelle d’un média comme le JDC – mais négligeable à celle de la plateforme, est révélateur d’un fonctionnement profondément biaisé et qui doit nous pousser à la réflexion.
En effet, une fois ôtées toutes les apparences de coolitude communautaire et les jolies couleurs acidulées, tout ce qui reste ne relève que du business froid et efficace. Et le problème c’est qu’en dépit d’un semblant de contrat initialement lié entre plateforme et utilisateurs ou producteurs de contenus (celui-là même que personne ne lit), la relation est profondément asymétrique.
A Youtube les métadonnées, le traffic, l’essentiel des revenus publicitaires et le rôle de gendarme et de juge de paix. Aux producteurs de contenus la fonction d’alimenter sans cesse et indéfiniment l’insatiable machine à faire des vues.
Car s’il y a bien un sujet sur lequel plateforme et producteurs de contenus s’accordent, c’est sur cette nécessité de « faire des vues », générer de l’audience, condition sine qua non au maintien de la rentabilité de modèles dont la gratuité n’est permise que par des architectures reposant sur la publicité.
Une gratuité devenue d’ailleurs tellement la norme pour le consommateur qu’il tend à ne la questionner qu’aux rares instants où des contenus promotionnels lui sautent un peu trop au visage, gênant son confort de lecture.
Bref, un modèle de fonctionnement déséquilibré, qui laisse on le voit place à l’arbitraire, et se révèle au final peu satisfaisant… au point de chercher à trouver des alternatives ?
Quelle place pour un plan B ?
Éventons immédiatement le suspense : il n’existe pas à l’heure actuelle de solutions décentralisées, équitables, non censurables et techniquement au point qui permettent de disposer d’une alternative crédible à Youtube et ses 2.3 milliards d’utilisateurs, en tout cas pas sous l’angle des besoins d’un média dont la raison d’être est d’atteindre une forte audience.
En revanche, la bonne nouvelle, c’est que de multiples initiatives prometteuses se développent, et pourraient à terme ébranler ce modèle dominant. On pensera notamment à Theta, Peertube ou dtube.
Pour autant, 12 ans après la création de Bitcoin et l’essor des technologies blockchain, nous ne somme encore qu’à l’aube de l’émergence d’un nouveau modèle monétaire. C’est dire si des schémas plus secondaires comme la manière dont on crée et distribue du contenu seront encore longs à être réellement modifiés en profondeur.
Pour l’heure, et en attendant d’avoir quelques éclaircissements de la part de Youtube et peut-être le soulagement de récupérer l’accès à vos contenus favoris, vous pouvez retrouver le Journal du Coin sur de multiples autres plateformes, parmi lesquelles Twitter, Telegram ou encore Discord. S’agissant des vidéos sachez que par un hasard de calendrier aussi heureux qu’ironique, votre canard favori s’est lancé récemment sur Twitch.
N’hésitez pas à nous retweeter et à nous aider à donner de la voix pour nous faire entendre par YouTube, nous en avons besoin et vous en serons très reconnaissants 🙂