NFT et blockchain : l’identité numérique en question

1984… mais en 2022S’identifier formellement sur différents sites internet sans avoir besoin de mot de passe ? Avoir une carte d’identité numérique pour tous les services administratifs sans possibilité de fraude ou d’usurpation ? Voici probablement un des plus grands défis technologiques des années à venir et sûrement un des marchés les plus juteux de la prochaine décennie. Sur le papier, la blockchain permet assez simplement de mettre en place ce type de réseau. Mais qui le contrôle ? À quelles fins ? Où vont nos données personnelles ? Public, privé, centralisé ou décentralisé ? Nous n’allons pas aujourd’hui répondre à toutes ces questions, mais plutôt tenter d’en cerner les enjeux et les perspectives.

L’identification rythme notre vie quotidienne

Essayez de penser à combien de fois par jour, vous avez besoin de vous identifier. Il y a d’abord les services publics comme la santé, les impôts, les services de la Préfecture ou encore les aides gouvernementales (Pôle Emploi, CAF, …). Ensuite, on peut ajouter les services privés quasiment indispensables comme les banques, les assurances ou les mutuelles. Et on pourrait même compléter avec la téléphonie et internet qui sont devenus incontournables dans nos sociétés modernes.

Enfin, il est temps de penser également à nos loisirs et de rajouter les réseaux sociaux, les plateformes diverses et variées d’achat, de vente, de vidéo, de recherche, de courrier électronique, de jeu, de lecture, de musique, une grande partie de notre vie est devenue numérique. Vous imaginez les enjeux ? Et si un seul identifiant permettait de gérer tout ça ?

Une identité numérique unique serait très pratique pour s'identifier sur l'ensemble des services et des plateformes que nous utilisons au quotidien. Mais est-ce si simple ? Quid de la vie privée et de nos données ?
Une identité unique simplifierait la vie !

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L’intérêt évident de l’administration, des sociétés et des consommateurs pour la blockchain

Pour l’administration, la lutte contre les fraudes et notamment l’usurpation d’identité est bien entendu une priorité. D’où l’intérêt d’un système sécurisé pour délivrer des « titres » officiels et les utiliser pour les différents services en ligne. Pour illustrer la mise en place d’un tel protocole, prenons la direction de l’Inde. Dans l’état du Maharashtra, le Service Administratif Indien (IAS) a travaillé à un Certificat de Caste pour l’octroi de prestations sociales. Shubham Gupta, l’officier chargé du suivi du programme, a déclaré à ce propos :

« Le Web3 amène le concept de démocratisation à un tout autre niveau, dans lequel les données et les informations peuvent non seulement être ouvertement partageables, mais aussi ouvertement infalsifiables. »

Notons que ce service fonctionne sur Polygon et concerne plus d’1 million de personnes. L’Inde a collaboré sur ce programme avec LegiDoc, une société spécialisée dans les documents numériques « inviolables » pour les collectivités et les grandes sociétés. Pour compléter le propos, laissons maintenant la parole à une autre spécialiste, celle que l’on appelle « CryptoMom« .

Le NFT, cet ami qui vous veut du bien

Ancienne banquière, elle est désormais à la tête de sa propre entreprise de conseils et gère également un site de paris sportifs basé sur la blockchain. Véritable icône des réseaux sociaux, Brenda Gentry éclaire un peu plus notre sujet :

« L’idée d’identifications numériques basées sur la blockchain flotte depuis un certain temps, mais elle s’est retrouvée sous les feux de la rampe avec le récent boom des NFT. (…) La mise en œuvre à grande échelle des identifiants numériques prendra du temps, mais je crois fermement que c’est la destination vers laquelle le monde se dirige ».

En effet, un NFT unique permettrait à l’utilisateur d’être protégé et de gagner du temps, tout en garantissant à l’administration et aux sociétés privées un fonctionnement optimisé. Gain de temps, de personnel et baisse des dépenses, ce système serait-il alors la panacée ?

Un spécialiste de la question, chef de projet et cofondateur de LegiDoc apporte un éclairage un peu différent sur la question. Neil Martis imagine plutôt un système dans lequel les utilisateurs seraient en plus les « propriétaires » de leurs données personnelles :

« L’auto-souveraineté est l’un des plus grands avantages des identifiants numériques basés sur la blockchain. (…) Elle permet aux utilisateurs de partager des informations partielles ou sélectives avec leurs fournisseurs de services au lieu de transmettre leur identité complète. »

Il n'est pas facile de trouver le bon dosage entre le décentralisation de nos données et le contrôle par les autorités de l'authentification de ces dernières.
Comment concilier respect de la vie privée et identification sur la blockchain ?

Les limites de la décentralisation et la question du réseau

Mais dans ce cas-là, qui peut garantir l’authenticité des documents ? Il faut bien que les autorités légales aient un contrôle sur l’émission et la gestion des identifiants ? Peut-on imaginer l’administration d’un pays déléguer complètement un service pareil ? Et ensuite collaborer avec des grandes sociétés pour partager les données et assurer une sorte de KYC (identification) unique à l’échelle planétaire ?

« Si les autorités émettrices ne reconnaissent pas la validité des identifiants de la blockchain, alors ceux-ci ne peuvent pas être utilisés pour profiter de la majorité des services publics. C’est à mon avis la plus grande limite du système. »

La question reste donc entière, d’autant plus que les choix du réseau et de son architecture sont aussi problématiques. Shubham Gupta précise en effet que pour être efficace et fonctionner correctement, il faut maîtriser les frais de gaz. Il ajoute que la scalabilité et la fiabilité sont des facteurs essentiels à l’adoption d’une telle technologie et rappelle non sans ironie « les pannes célèbres de certains réseaux ». Alors, registre distribué ou centralisé ? Le débat est vif chez les spécialistes. Au vu de toutes ces considérations, pour Neil Martis la solution est simple.

« Les identités numériques devraient être gérées et émises par des blockchains publiques hautement décentralisées qui échappent au contrôle de l’État. C’est pourquoi Bitcoin et Ethereum s’imposent comme des choix évidents à cet égard. » 

Nous laisserons à ce professionnel la responsabilité de ses propos, mais il est clair que la question n’est plus seulement technique. Des choix forts seront à faire avant d’arriver à un monde idéal où votre identité sera un simple QR code. Ceci étant dit, ce rêve éveillé pourrait également ressembler à un cauchemar pour les défenseurs des libertés individuelles. D’aucuns voient dans ces avancées technologiques le moyen pour les sociétés et les gouvernements de contrôler la population. On est clairement loin des aspirations libertariennes de Satoshi et des Cypherpunks des origines… Et que dire des monnaies numériques de banques centrales qui seront à coup sûr associées à cette identité ! Big Brother is watching you…mais c’est pour votre bien !

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Ben Canton

Prof à la ville comme à la scène, vulgariser et expliquer c'est mon quotidien. Crypto-agnostique pratiquant, je cherche la lumière dans les ténèbres des internets en essayant d'éviter les querelles de chapelles ! En attendant la révélation, j'achète du Bitcoin pour mes enfants et je m'enthousiasme pour les projets à destination du grand public.