Ils manipulaient la dette française, l’AMF leur tombe dessus – Il y a plus méchant que Bitcoin, la preuve

Quand la tentation prend le dessus – Le marché des actifs numériques est souvent comparé à un far west de la finance sans foi ni loi. À juste titre puisque ce marché n’est pas régulé, ce qui fait sa beauté et son danger. Certaines pratiques jugées fondamentalement illégales en finance traditionnelle, comme les diverses manipulations de marché, sont des événements récurrents dans la cryptosphère. Pourtant, aussi innovants que soient les crypto-enthousiastes, ils n’ont rien inventé en matière de malversations financières. Et les plus grands acteurs des marchés traditionnels sont, eux aussi, friands de ces pratiques illégales, mais lucratives.

Des traders allemands pratiquant le spoofing

Le spoofing est l’une des méthodes de manipulation de marché les plus courantes et est très présent sur le marché des crypto-actifs. C’est le processus par lequel des traders tentent d’influencer artificiellement le prix d’un actif en créant de faux ordres. Le trader va créer une illusion d’optimisme ou de pessimisme, au sein du carnet d’ordre, pour influencer le prix dans la direction voulue.

Pour ce faire, le trader place de gros ordres d’achat ou de vente sans avoir l’intention de les exécuter. Il annule alors les ordres lorsque le prix de l’actif évolue dans la direction souhaitée. Cette pratique permet de créer une impression de pression vendeuse ou acheteuse au niveau de prix souhaité par le trader.

Poste de trading

C’est à ce mode opératoire que les traders de Global Derivative Trading GmbH (GDT) ont eu recours pour influencer le cours des contrats sur les obligations de l’État français (FOAT), cotés sur Eurex.

Généralement, la position moyenne constatée sur les FOAT est de 5 contrats, soit 500 000 euros. Les traders de GDT passaient des ordres de plusieurs centaines de contrats à un prix supérieur au prix de marché. Cela permettait de faire monter les prix. Une fois que le prix est monté, les ordres d’achat ont été annulés et les traders ont vendu les contrats qu’ils avaient achetés avant d’artificiellement faire grimper le prix. Entre juillet et octobre 2015, la société GDT a réalisé plus de 300 000 dollars de profit avec cette pratique illicite.

Cours des contrats à terme sur la dette française en unité de temps hebdomadaire
Cours des contrats à terme sur la dette française (1W)

Du fait de la « gravité des manquements », à savoir la manipulation de la dette d’un État souverain, l’AMF a infligé 2 amendes d’un montant de 1,2 million d’euros. La première est à destination de l’entreprise, tandis que la seconde a été infligé à Thorsten Wagner, fondateur et actionnaire unique de GDT.

La manipulation des dettes souveraines, un lieu commun des institutions financières

Cette affaire rappelle l’inculpation de Morgan Stanley par l’AMF pour manipulation de la dette française en 2015. Le bureau de trading de la banque US était particulièrement exposé à la dette française. Si le marché n’évoluait pas dans la direction voulue, Morgan Stanley allait enregistrer une perte d’environ 20 millions de dollars. Les traders ont donc pris les choses en main afin d’influencer le cours de la dette française à la hausse.

Au moment des faits, Morgan Stanley avait le statut de Spécialiste en Valeur du Trésor (SVT), un statut de partenaire officiel de l’État français dans le financement de sa dette. Cet épisode lui a valu une amende de 20 millions d’euros et la déchéance du statut de SVT.

L’expression « la fin justifie les moyens » semble donc être le crédo des institutions financières, qu’elles soient pro-cryptos ou non. Un mode de fonctionnement que les régulateurs n’apprécient guère. Ainsi, y aura-t-il d’autres établissements qui feront l’objet de démêlés judiciaires à cause d’une manipulation de la dette d’un pays ?

Thomas G.

Financier et juriste, je suis passionné par les cryptomonnaies depuis leur apparition sur le Deepweb. Fervent supporter du Bitcoin, je suis convaincu que les devises numériques joueront un rôle déterminant dans l'avenir de nos sociétés. Je m'intéresse tout particulièrement aux aspects financiers et législatifs des cryptomonnaies.