Quand le Ripple n’assume plus son nom

Un rapport avec le procès à venir ? Mais non, mais non, vous voyez le mal partout.Pour vous, quelle différence existe-t-il réellement entre Ripple et Ripple, le token XRP et sa maison-mère ? Pour beaucoup d’investisseurs, la nuance est au mieux fine, si ce n’est même inutile. Pourtant, elle est fondamentale, étant donné que les fondateurs de l’entreprise sont les créateurs et principaux possesseurs de ce token en premier lieu, s’étant gardé une bonne part du gâteau au lancement.

Avec près de 55 milliards de XRP conservés de côté lors du lancement initial, les fondateurs ont gardé la main sur une manne conséquente : près de 60% de tous les tokens jamais disponibles sont possédés par l’entreprise Ripple, 7% supplémentaires sont possédés par Chris Larsen, et le PDG Galinghouse possède également de son côté 6% supplémentaires. En se focalisant seulement sur l’entité Ripple et ses fondateurs, on arrive donc à un système financier supposément révolutionnaire et censé être utilisé comme passerelle universelle par les banques du monde entier, mais dont près de 73% des tokens sont possédés par Ripple l’entreprise ou un de ses fondateurs.

Rajoutez à cela le comportement ambigu adopté pendant longtemps par la société, avec un discours ne dissociant pas réellement son token XRP, sa société Ripple, ainsi que sa technologie de transfert interbancaire xRapid, et vous obtenez la recette parfaite pour convier rapidement la SEC à votre barbecue de team bulding Ripple cet été.

C’est pourquoi la société Ripple, fondateur comme dirigeant, cherche désormais à en finir avec ce lien devenu gênant, une bonne fois pour toute.

Sortir du brouillard et se dire en règle ?

On observe donc depuis quelques temps un changement de paradigme : l’entreprise Ripple veut désormais se débarrasser de ce lien ressenti comme un boulet d’avec son token XRP, dont il est pourtant l’émetteur, et malgré qu’un certain nombre d’éléments appuie toujours la thèse selon laquelle Ripple l’entreprise et Ripple le token ne font qu’un, et le plus frappant d’entre eux étant que son symbole sur les marchés est une abréviation du mot “ripple”. Pour marquer la distinction nouvelle, des propositions de logos abondent pour adopter une représentation visuelle qui ressemble à tout sauf à un ricochet (ripple).

La stratégie assumée est donc d’essayer d’imposer un nouveau symbole pour le XRP. Un symbole qui ne soit pas seulement un logo, mais une véritable marque, voire même plus : un signifiant intégré par le public comme porteur de valeur monétaire, pour venir tenter de lutter d’égal à égal et à la même échelle avec une monnaie nationale ou encore Bitcoin. La recherche d’un signe universel propre au XRP est donc centrale pour l’entreprise Ripple. Le logo actuel est très connoté comme une référence à la compagnie Ripple, mais il convient et remplit son rôle.

Le nouveau logo devra être totalement différent et bien se référer préférentiellement visuellement au XRP, et à lui seul.

C’est pourquoi je vous fais part de ma proposition personnelle, que j’espère voir adopter dans un futur relativement proche et fleurir sur les exchanges du monde entier, à n’en pas douter :

Hey Ripple, let’s tokenize the world together, the XRP virus is spreading !

Pourquoi ce besoin de créer une nouvelle image de marque différenciée ?

Certains ont expliqué qu’il était possible que l’entreprise cherche à se distancer d’avec sa monnaie éponyme, dans le but de casser son image de possible valeur mobilière (securities) qui aurait été vendue illégalement par l’entreprise (pour rappel, Ripple est poursuivi dans ce cadre).

L’entreprise propose un service comme xRapid, qui peut fonctionner indépendamment et sans token associé. Un flou persiste pourtant entre ce service et le token : c’est une des raisons pouvant expliquer que le XRP se retrouve un jour classifié comme une security. Cela équivaudrait à statuer que l’entreprise Ripple aurait procédé, en vendant ses tokens XRP sur les marchés, à de la vente illégale d’actions; ce qui serait potentiellement répréhensible par la SEC, notamment.

Si le XRP était classifié comme valeur mobilière par la SEC, il est probable que beaucoup d’exchanges au moins américains se trouveraient forcés de le delister. Notons que cette question est épineuse, mais surtout qu’elle ne concerne cependant pas que Ripple : la SEC vient, par l’intermédiaire de son président, de déclarer que — même s’il fallait attendre qu’elle statue au cas par cas — pour lui, seul Bitcoin échappait à coup sûr à la classification de security à l’heure actuelle dans le paysage disparate des cryptomonnaies. Il s’agit probablement d’une des raisons poussant Ripple à chercher à se différencier de son token XRP.

Jackson Palmer, le créateur du Dogecoin, a par exemple expliqué pourquoi il considérait que Ripple et XRP ne faisaient en réalité qu’un :

Le code du client s’appelle “Ripple”, l’explorer de la blockchain s’appelle “Ripple”, coinmarketcap.com liste le token comme étant “Ripple”, la majorité des exchanges listent le token comme “Ripple”.

Il peut paraître assez superflu de même entrer dans un débat à propos de cette distinction entreprise/token, tant il peut paraître clair que les deux sont liés. Notez bien que je ne parle pas de la catégorisation ou non en tant que valeur mobilière, mais bien du lien indéniable entre l’entreprise et le token qu’elle émet souverainement.

Il semble assez aventureux de considérer qu’il n’y a vraiment aucun lien entre l’entreprise Ripple et son token XRP ; alors même que le code source, le site Internet de l’entreprise, l’explorer de la blockchain XRP renvoient tous nécessairement à des mentions de l’entreprise Ripple, que la quasi-totalité des ajouts au code source a été effectuée par des développeurs assermentés par l’entreprise Ripple, ou encore que pour devenir opérateur de nœud XRP il faut la permission et le support de serveurs de Ripple.com.

Présentation Ttwitter de David Schwartz, un des fondateurs de Ripple

Quand la générosité sert d’écran de fumée

Une des facettes de la nouvelle stratégie Ripple est également médiatique : apparaître le plus possible dans les medias et les nouvelles, principalement pour des oeuvres de charité ou des dons à des universités en difficulté financière.

Ripple a par exemple dernièrement fondé et annoncé le University Blockchain Research Initiative (UBRI), institut sous sa direction dont le but est de gérer la distribution de ces tokens dans cette optique. Rien que cette année, l’entreprise Ripple a donc, par l’intermédiaire de l’UBRI, donné à 17 universités dans le monde la somme de 50 millions de dollars mais en XRP.

De la même manière, Ripple ou ses fondateurs ont par exemple donné, toujours en XRP, l’équivalent de 29 millions de dollars au fonds de charité DonorsChoose pour les écoles publiques, ou encore 4 millions à Ellen Degeneres pour son fonds de charité lors de son émission télévisée “ The Ellen Show ” massivement suivi aux USA.

Il n’est néanmoins pas certain que la stratégie soit payante, particulièrement parce que même si Ripple parvenait à s’attirer massivement la sympathie du public, cela n’aurait pas nécessairement d’impact sur les possibles décisions judiciaires à venir et l’avis rendu par la SEC à son propos.

D’aucuns ont soufflé qu’il y avait une autre solution toute simple, quoique assez brutale, de se démarquer pour l’entreprise Ripple, et se dissocier ainsi totalement du token XRP : Ripple pourrait tout simplement se débarrasser de son trésor de guerre, sous une forme ou une autre (vente OTC, airdrop, etc).

Une technologie sans lien avec le token XRP

L’autre problème majeur que rencontre Ripple, que nous avons rapidement évoqué précédemment, est qu’en s’étant appuyé sur le token XRP, à chaque fois que l’entreprise annonce un partenariat possible avec une banque ou une expérimentation de sa technologie de transfert de fonds inter-bancaires, connue sous le nom de xRapid, la confusion perdure sur un possible impact positif de ces essais sur la valorisation du token XRP, alors que ce dernier n’est en fait pas en réel lien avec xRapid.

La compagnie, par l’intermédiaire de son PDG, continue paradoxalement quand elle s’adresse aux financiers de dire “qu’ils seront utilisés par des banques”, sans préciser si elle parle de la technologie xRapid ou du token XRP, laissant les médias supposer d’eux-mêmes qu’il s’agit du XRP, même si la réponse paraît désormais plus claire au lecteur de cet article.

Cette indécision manifeste peut poser question, mais elle s’explique probablement car il s’agit simplement d’un double discours, l’un à destination du grand public, pour l’inciter à valoriser le token XRP et ainsi les fonds en token de l’entreprise ; pendant que le discours plus nuancé est réservé aux instances judiciaires ou financières réglementées.

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Sources : Twitter ; News.Bitcoin.com || Images from Shutterstock

Grégory Mohet-Guittard

Je fais des trucs au JDC depuis 2018. En ce moment, souvent en podcast et la tête dans le nuage.