Iles Marshall : Lancement prochain de la crypto nationale, le Sovereign (SOV)
Le Premier Ministre des Iles Marshall a rendu public un document détaillant les conditions et motifs du lancement prochain de sa fameuse cryptomonnaie nationale : le Sovereign (SOV). Cette devise aura vocation à évoluer en parallèle du dollar, qui est l’actuelle monnaie officielle de cette nation du Pacifique. Elle devrait être distribuée à la population et régie par des règles de gouvernance ad hoc.
Après de nombreux rebondissements depuis son annonce en 2018, le SOV des Iles Marshall semble n’avoir jamais été aussi prêt de voir le jour.
Un parcours semé d’embûches
Imaginez-vous arriver sur les Îles Marshall et ne rien en connaître. Vous voilà soudain en train de toucher terre sur ce petit territoire de l’aire micronésienne au cœur du Pacifique insulaire. Les Iles Marshall constituent une micro-nation de 50 000 âmes, dispersées sur plus de 1 100 îles. Même si ce petit paradis peut sembler à bien des égards loin de tout et de tous, vous vous rendriez rapidement compte que le Dieu Dollar y règne cependant en maître depuis 1947. Etat indépendant depuis 1976, la jeune nation a en effet conservé un accord de libre association avec les USA. Et c’est là que le bât blesse.
Afin de pallier aux désavantages de cette dépendance à la monnaie d’une autre nation, les Iles Marshall commencent très tôt à étudier sérieusement le déploiement d’une devise cryptographique nationale. Plus exactement, dès févier 2018, la présidente, le Dr Hilda C. Heine, fait état des premiers projets de mise en circulation d’une monnaie de cette nature : Le Sovereign (SOV).
Cette monnaie digitale est immédiatement présentée comme ayant vocation à évoluer en parallèle du dollar. Il est alors question – c’est la grande mode du moment – d’organiser une ICO pour lancer le SOV. Les détails et l’organisation sont supposés être encadrés par une entreprise israélienne spécialisée : Neema.
Las ! Les choses ne se passent pas comme prévu et la présidente se retrouve rapidement sous un feu roulant de critiques. Accusée de « ternir la réputation des Iles Marshall » (le territoire étant référencé en 2017 sur la liste grise des paradis fiscaux de l’OCDE), la présidente échappe de peu à une motion de censure. La petite nation se fait même carrément rappeler à l’ordre par le FMI : le lancement du Sovereign pourrait provoquer une rupture avec les banques traditionnelles et compromettre l’équilibre économique déjà précaire de ce pays d’Océanie.
La première Crypto-Island ?
Avançons dans le temps et revenons-en au présent qui nous occupe : Septembre 2019, et voici que beaucoup d’eau a coulé sous les blockchains. Le FMI s’est légèrement radouci sur le sujet crypto. Libra et les cryptomonnaies de banques centrales occupent même une part conséquente du débat public sans que personne ne convulse.
Et pendant ce temps, discrètement, les îles Marshall ont continué à travailler sur leur projet. En effet, le gouvernement en est convaincu, la configuration et les contraintes particulières caractéristiques de leur territoire en font le lieu idéal de démonstration de l’utilité concrète des applications « blockchain » !
La fièvre « blockchain » sévit aussi dans le Pacifique
C’est en substance ce que semble démontrer David Paul, ministre en charge de l’environnement, lorsqu’il dit :
« Il peut paraître surprenant que la République des Îles Marshall émette une monnaie basée sur la technologie blockchain, mais en réalité c’est tout le contraire : mes compatriotes vivent avec des systèmes décentralisés depuis des siècles. Pour nous, un pays d’un peu plus de 50 000 habitants réparti sur plus de 1 000 îles du Pacifique, les solutions centralisées ne sont pas seulement inefficaces : elles sont totalement inapplicables. La Blockchain nous offre l’opportunité d’acquérir enfin l’indépendance monétaire d’une manière qui reflète nos valeurs. Nous avons l’intention de saisir cette opportunité, de manière innovante et responsable. »
On ajoutera par ailleurs, que du point de vue de leurs fonctionnements sociaux, voire même des mécaniques de leurs organisations régionales (comme le Forum des Iles du Pacifique), les nations océaniennes accordent une importance centrale aux notions de consensus et de gouvernance partagée. S’il reste à voir de quelle manière ces belles idées seront censées guider les choix politiques des Îles Marshall en pratique, il est vrai que ces valeurs s’accordent sur le principe avec celles souvent mises en avant lorsqu’il s’agit de faire la promotion de la fameuse « technologie blockchain ».
Les caractéristique du futur Sovereign
Échaudé par les reproches du FMI s’agissant notamment des problèmes de conformité et de respect des normes KYC/AML, le gouvernement a établi que le SOV serait une devise crypto conçue pour ne pas faciliter l’anonymat de ses détenteurs.
David Paul fait d’ailleurs état d’un paradoxe patent : le respect des règles de conformité en matière de lutte anti terroriste et anti-blanchiment dans un système monétaire libellé en dollar représente une charge très importante pour un aussi petit territoire. Or, la blockchain de la future crypto nationale serait censée permettre la mise en place de règle de gouvernance strictes et inaltérables, d’une traçabilité rigoureuse et d’une transparence interdisant toute malversation.
Le Ministre semble en être presque étonné lui même :
« En fait, contrairement aux monnaies papier et fiduciaire classiques, les SOV seront conçues numériquement à partir de zéro pour prévenir toute utilisation abusive. »
La blockchain, outils de lutte anti-blanchiment. Et ce sont les Iles Marshall qui nous soufflent l’idée…
En outre, le Sovereign (SOV) devrait être émis en nombre limité et distribué aux individus et sociétés nationales. L’augmentation de sa masse monétaire circulante devrait être limitée à 4%, conformément à une des règles d’or de Milton Friedman. Les banques (et exchanges) seront naturellement en charge de l’application des classiques règles KYC/AML destinées à la lutte contre le blanchiment d’argent.
Plus curieusement, le gouvernement annonce également que cette monnaie échapperait à son contrôle et serait totalement décentralisée – ce qui peut laisser songeur au vue des caractéristiques évoquées auparavant.
On apprenait en début d’année que la start-up suisse Tangem avait été missionnée par les Iles Marshall afin de travailler sur des supports physiques, de nature à matérialiser sous forme de billets la cryptodevise. Rien n’indique cependant que cet accord soit toujours d’actualité, le gouvernement n’ayant pas encore communiqué sur les aspects les plus concrets du futur déploiement du SOV. Contactée par le Journal du Coin, la société Tangem n’avait pas répondu au moment de publier cet article.
Il est prévu que le Ministre David Paul fasse une annonce à l’occasion du Invest : Asia de Singapour qui se tiendra dans quelques jours. Nous saurons ainsi bientôt si la petite république des Iles Marshall deviendra le premier territoire a officiellement mériter le titre de premier Crypto-Îlot !