Comment les PDG des plateformes crypto gèrent ils la guerre en Ukraine ?

Toujours plus de sanctions ? – Depuis les premières turbulences sur le cours de Bitcoin (BTC) au début du conflit russo-ukrainien, les acteurs du marché crypto se sont retrouvés pris en plein chaos. Notamment à cause des pluies de sanctions économiques qui se sont abattues sur la Russie. Étant donné que la décentralisation et la résistance à la censure sont des sujets très sensibles au sein de la cryptosphère, la plupart des dirigeants de crypto-bourses marchent sur des œufs.

Binance ne ferait « pas assez » pour se conformer aux sanctions contre la Russie ?

Avant même le 24 février 2022 et le début de l’invasion de l’Ukraine, un sujet brûlant a fait surface avec la répression menée contre les manifestants du Freedom Convoy au Canada. Déjà à ce moment-là, Jesse Powell, CEO de Kraken, prévenait ces utilisateurs : « retirez vos cryptos » des plateformes centralisées, car elles seront obligées de se conformer au Emergency Act (Loi d’Urgence).

Cette dernière avait en effet donné des pouvoirs exceptionnels à Justin Trudeau, notamment celui de geler les comptes bancaires d’opposants participant au Freedom Convoy. Avec la guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie, des choix cornéliens similaires se sont posés à d’autres CEO de plateformes d’échange de cryptomonnaies.

Comme Binance, beaucoup d’exchanges se sont conformés aux sanctions imposées par les membres de l’OTAN et de l’UE. Toutefois, Changpeng « CZ » Zhao, CEO de Binance, a tenu à faire le distinguo entre les dirigeants russes et les simples citoyens russes. Dans une tribune parue ce 4 mars, il explique :

« Pourquoi Binance ne va-t-il pas plus loin en sanctionnant/gelant tous les actifs des utilisateurs russes ? Le point le plus important : nous ne pensons pas avoir l’autorité pour le faire. Les décisions de sanction sont prises aux niveaux les plus élevés des gouvernements (…) Nous ne pensons pas qu’il soit juste que des entreprises ou des plateformes décident unilatéralement de geler les avoirs de populations d’utilisateurs. (…) Deuxièmement. La crypto est-elle vraiment au centre de cette question ? Actuellement, les médias et les politiciens consacrent beaucoup d’efforts et d’attention à la crypto et aux sanctions. La vérité est que la crypto est trop petite pour [aider] la Russie [à contourner les sanctions] (…) »

Changpeng Zhao s’exprime sur les sanctions contre la Russie
Changpeng Zhao s’exprime sur les sanctions contre la Russie

Coinbase ne sanctionnera pas tous les utilisateurs russes, sauf si la loi l’y oblige

Du côté de la crypto-bourse Coinbase, c’est à peu près le même son de cloche. Son CEO Brian Armstrong entend se conformer aux sanctions, mais ne souhaite pas que sa plateforme s’arroge le droit d’aller plus loin.

Le dirigeant explique ainsi qu’il ne voit pas de raison de sanctionner le citoyen russe moyen, qui a déjà bien assez de mal à survivre avec le rouble qui s’effondre contre le dollar :

« (…) nous n’interdisons pas de façon anticipée à tous les russes d’utiliser Coinbase. Nous pensons que tout le monde mérite d’avoir accès aux services financiers de base, sauf si la loi en décide autrement. (…) Certains Russes ordinaires utilisent la crypto comme une bouée de sauvetage maintenant que leur monnaie s’est effondrée. Beaucoup d’entre eux s’opposent probablement à ce que leur pays fait, et une interdiction [globale] leur ferait du tort, à eux aussi. Cela dit, si le gouvernement américain décide d’imposer une interdiction, nous obéirons bien sûr à ces lois. »

Pour l’instant, l’heure est donc surtout à calmer le jeu pour les principales plateformes crypto. Un apaisement bienvenu dans cette montée en régime de sanctions tous azimuts, qui a même vu des chats originaires de Russie se voir interdire de compétitions internationales. Des acteurs cryptos comme la plateforme NFT DMarket sont déjà allés jusqu’à geler arbitrairement les comptes de toutes les personnes originaires de Russie et de Biélorussie : qu’elles soient pour ou contre cette guerre, en accord ou en désaccord avec leurs dirigeants, mêmes sanctions !

Rémy R.

Issu d’une formation universitaire en Sciences, je m’intéresse aux blockchains et à Bitcoin depuis 2013 et en ai même miné à l’époque. La bulle qui s'en est suivie m'en a détourné, mais je m'y suis replongé depuis 2017 et les étudie depuis avec passion.