Bitcoin amené à s’imposer ? De l’importance de la notion de réseau
Bien qu’étant innovants, les registres distribués ne sont à leur cœur que des réseaux. Et les réseaux sont des systèmes substantiellement antérieurs aux crypto-actifs. Au même titre que tous les systèmes complexes, les réseaux ont été décortiqués et étudiés sous toutes leurs coutures, et plusieurs méthodes pour leur attribuer une valeur fondamentale ont vu le jour. La première tentative est attribuée à David Sarnoff, qui aurait établi que la valeur d’un réseau de diffusion serait proportionnelle au nombre d’utilisateurs dans son audience.
La valeur d’un réseau, selon la loi de Metcalfe
Une théorie similaire sera formulée dans les années 1980 par Robert Metcalfe, un chercheur en informatique. Metcalfe part du postulat qu’un réseau doit atteindre une masse critique afin d’avoir une utilité. Tant que cette masse critique n’est pas atteinte, le coût de maintien du réseau dépasse sa valeur, limitant ainsi son utilité. La valeur d’un réseau serait donc proportionnelle au carré du nombre d’appareils communicant sur le réseau.
Cette loi initialement pensée pour des systèmes filaires a été réadaptée à l’ère d’internet. La formulation moderne de la loi établit que la valeur d’un réseau est proportionnelle au carré du nombre d’utilisateurs.
La valeur V d’un réseau serait dérivée du nombre de nœuds (les utilisateurs) interagissant entre eux. Avec N nœuds, chaque nœud peut se connecter à N-1 nœuds. Ici V, serait proportionnel au nombre total de connexions possibles N x (N-1), soit environ N². Cette relation entre l’utilité pour l’utilisateur et le nombre d’utilisateurs est maintenant connue sous le nom d’effet réseau. Appliqué à un réseau social comme Facebook, l’effet de réseau pour être expliqué de la sorte :
- Si une seule des connaissances d’un utilisateur est présente sur le réseau, alors il n’a pas ou peu d’utilité pour l’utilisateur.
- Si la majeure partie des connaissances de l’utilisateur est présente sur le réseau, alors son utilité croît exponentiellement pour l’utilisateur.
Les applications de la loi de Metcalfe
En 2015, Zhang et ses collaborateurs ont démontré la pertinence de cette loi, en comparant la croissance du nombre d’utilisateurs à celle des revenus de Facebook et Tencent. L’étude statistique des revenus des 2 géants du web démontre que les bénéfices des deux sociétés sont proportionnels au carré du nombre d’utilisateurs mensuels. Cette relation n’est pas étonnante, car ces 2 entreprises tirent la majorité de leurs revenus de la publicité. Et plus il y a d’utilisateurs, plus la publicité est lucrative. Mais qu’en est-il pour les crypto-actifs et les blockchains ?
La valeur d’une blockchain et son nombre d’adresses actives
De la même manière que les réseaux filaires ou dématérialisés, les blockchains sont des réseaux d’utilisateurs interagissant entre eux au sein d’un espace numérique. La loi de Metcalfe appliquée aux cryptoactifs signifie que, plus un réseau aura d’utilisateurs, plus les utilisateurs en tireront de la valeur. Dès lors, la valeur globale du réseau devrait augmenter proportionnellement.
L’effet de réseau peut être rattaché à des caractéristiques concrètes des réseaux cryptographiques. De fait, l’augmentation du nombre d’utilisateurs améliore la sécurité des systèmes en preuve de travail ou en preuve d’enjeu, dont la stabilité et la sécurité dépendent du nombre de participants effectifs.
Pour ce qui est des actifs numériques, la valeur du réseau est matérialisée par la capitalisation totale de l’actif. Et le nombre d’utilisateurs est représenté par le nombre d’adresses individuelles actives sur le réseau.
La transposabilité de cette loi aux crypto-actifs a été démontrée à plusieurs reprises, notamment par Jacob Franek, qui a étudié la corrélation des devises numériques majeures avec la loi de Metcalfe. Le prix d’actifs, tels que le bitcoin ou l’ether, entretient un coefficient de corrélation proche de 100 % avec le nombre d’adresses actives.
Analyse de Bitcoin, selon les lois de Metcalfe
De nombreuses itérations de la loi de Metcalfe ont été proposées. Selon les travaux de Franek, 3 des formulations de la loi de Metcalfe sont adaptées aux actifs numériques :
- La loi originale de Metcalfe : Valeur du réseau = N²
- La loi de Metcalfe généralisée : Valeur du réseau = N^1,5
- La loi d’Odlyzko : Valeur du réseau = N – logarithme de N
Face à cette multiplicité de lois, comment déterminer la plus pertinente pour analyser Bitcoin ? C’est une question complexe et, par chance, Dimitri Kalichkin s’est penché dessus pour nous. Kalichkin combine 2 formules matérialisant cette même loi, ce qui permet de modéliser une tranche haute et une tranche basse du prix du bitcoin.
Kalichkin utilise la loi de Metcalfe et la loi d’Odlyzko pour définir les limites supérieures et inférieures du range. Selon la logique de la loi de Metcalfe, N² est un nombre de connexions potentielles entre les utilisateurs du réseau. En réalité, il y a des limites au nombre de connexions utiles qu’un utilisateur peut avoir. La loi de Metcalfe surestime donc probablement la valeur du réseau. C’est pourquoi il est logique de l’utiliser comme limite supérieure pour l’évaluation du réseau Bitcoin. Enfin, la loi d’Odlyzko donne systématiquement un résultat inférieur à la loi originelle. Cela permet de matérialiser la limite basse du range.
Conclusion
Vous avez ici l’une des manières de valoriser les fondamentaux du réseau Bitcoin. La loi de Metcalfe est l’un de mes modèles long terme favoris avec le stock-to-flow. La loi de Metcalfe valorise l’aspect transfert de valeur, tandis que le stock-to-flow valorise l’aspect réserve de valeur.
Les travaux de Kalichkin sont largement inspirés de ceux ce Willy Woo sur le « Network Value to Transaction ratio ». La loi de Metcalfe mesure le nombre d’utilisateurs, alors que le ratio de Willy Woo mesure l’intensité de l’utilisation. C’est 2 métriques sont très proches et revêtent les mêmes fonctions. Elles permettent toutes 2 de détecter des bulles et des opportunités d’achat long terme. Si vous souhaitez aller plus loin sur le sujet, vous pouvez lire l’article de Dimitri Kalichkin qui entre dans les détails des équations utilisées pour son modèle.
Sources :
- Zhang et al. (2015). Tencent and Facebook Data Validate Metcalfe’s Law. Journal of Computer Science and Technology.
- Metcalfe, Bob. (2013). Metcalfe’s Law after 40 Years of Ethernet. Computer.
- Dmitry Kalichkin (2018) Rethinking Metcalfe’s Law applications to cryptoasset valuation.
- Jacob Franek (2018) Valuing Bitcoin and Ethereum with Metcalfe’s Law