Pourquoi payer un tueur à gages en Bitcoin n’est pas l’idée du siècle
C’est une nouvelle sombre affaire que nous allons prendre le temps de vous conter dans les pages du Journal du Coin. Nous vous en parlions il y a tout juste quelques jours de ce jeune californien de tout juste 25 ans qui s’était mis en tête de monter un petit commerce de proximité consistant en une plateforme de change crypto illégale devant servir à du trafic de méthamphétamines, et qui – cachez votre surprise – a fini en prison, où il risque de passer le restant de ses jours. Eh bien, il semblerait que nos amis américains ne soient décidément pas avares en histoires croustillantes qui finissent mal (en général), comme nous allons le voir.
Killing Eve
Aujourd’hui, découvrons un nouvel exemple de l’efficacité très relative du Bitcoin dès lors qu’il s’agit de s’en servir à des fins que l’on qualifiera sans difficulté d’un peu extrêmes tout en faisant du reste à peu près n’importe quoi, comme si la simple utilisation d’un cash numérique offrait un anonymat complet et perpétuel. Laissez-nous vous conter l’histoire de Tina Jones.
L’affaire remonte au mois de juillet 2018. Les producteurs et réalisateurs de l’émission de CBS « 48 Hours » préparent méticuleusement un sujet plus large sur le Darknet. Ils seraient tombés par accident sur Mme Jones… et contrairement à eux, elle s’aventurait dans ces contrées du web avec une idée en tête : trouver un tueur à gages pour éliminer une rivale en amour.
L’équipe de producteurs aura donc pris contact avec la police locale pour réaliser un signalement. Ce n’est qu’après enquête que les forces de l’ordre se sont rendues compte que Mme Jones pouvait être suspecte dans cette affaire. Ses liens aventureux et adultères avec le mari de la victime dont la tête avait été mise à prix l’auront donc menée à sa perte.
Mais comment cette prévenue pour le moins déterminée comptait-elle réaliser son forfait ? En passant par un marché noir d’assassinat, pardi !
C’est donc plein d’entrain que Mme Jones aurait cherché son bonheur sur la face cachée du Net, jusqu’à trouver un tel marché promettant d’honorer rien de moins que des contrats d’assassinats.
Remember Sanjuro
La prévenue aura donc échangé pendant plusieurs mois avec l’administrateur du site, selon l’accusation. Ce sont au total quelques 12 000 dollars en bitcoins qu’elle aura versés à l’opérateur en question, mais avec facilités de paiement en trois fois s’il-vous-plait.
Malheureusement pour elle, si elle s’était formée en troisième vitesse sur la meilleure manière d’acheter des bitcoins, elle n’avait visiblement pas pris le temps de faire de simples recherches en clair sur ces mystérieux marchés de la mort. Elle aurait sinon pu se rendre compte que la totalité de ces assassination markets finissent en eau de boudin. Ils sont en effet souvent gérés par des petits malins se limitant à recevoir les dons involontaires en bitcoins de « clients ». Ces derniers sont ensuite bon pour une petite dépression, ne voyant jamais leurs demandes honorées.
Le marché choisi pour conclure l’affaire s’appelant le « Sicilian Hitmen International Network », aucune raison d’être suspicieuse, n’est-il pas ?
Rappelons-nous par exemple de Sanjuro, une marketplace de ce genre bien particulier mais fonctionnant comme un marché prédictif de la mort. Ce site avait connu une période de forte couverture médiatique après son lancement en 2013, notamment du côté de chez Forbes.
Ce marché proposait de miser sur des personnalités données, principalement politiques. Le site proposait de constituer une cagnotte en Bitcoin sur une cible donnée. S’il se trouvait un tueur potentiel parmi les internautes, et qu’il pouvait prouver avoir tué la personnalité en question en envoyant auparavant la date et l’heure de la mort à l’administrateur du site, il lui était promis de toucher la cagnotte (déduction faite de 1% de frais de dossier).
Evidemment, dans le cas de Sajuro comme dans celui du Sicilian Hitmen International Network, les opérateurs étaient plus du genre à ramasser les bitcoins qu’on voudrait bien leur envoyer et à disparaître, qu’à véritablement mener les funestes projets de leurs clients à terme. Car de Sicilian Hitmen International Network, il n’y avait pas. Le meurtre n’eut ainsi jamais lieu. La seule chose que Mme Jones gagna dans l’histoire fut donc une arrestation en bonne et due forme, et un procès.
L’histoire se finit mal pour Tina Jones, condamnée hier par un juge local à 12 ans de prison, assortie d’une peine de sûreté de 10 ans. C’est bien la fin de la course pour l’apprentie génie du crime dont la carrière fut pour le moins courte. Si les marchés d’assassinats font souvent fantasmer, il semblerait que – pour l’heure en tout cas – leur succès et leur effectivité soient pour le moins très relatifs. Et ce n’est pas la « dApp » Augur qui nous fera dire le contraire, fort heureusement.
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