Le tribunal des cryptos : Hermès contre Mason Rothschild
30 janvier 2023, début d’un procès qui fera date – C’est ce lundi que s’ouvre à New York un procès qui s’annonce particulièrement savoureux : la maison de luxe Hermès attaque l’artiste Mason Rothschild pour contrefaçon. Dans l’attente de la décision, que nous ne manquerons pas de vous communiquer une fois qu’elle aura été rendue, il est important de revenir sur le contexte de cette affaire.
Tu pousses le bouchon un peu loin Mason
C’était il y a un an. Le 14 janvier 2022, les avocats de la maison Hermès portaient devant la justice la plainte déposée à l’encontre de l’artiste Mason Rothschild, lequel commençait à tanner le cuir de la luxueuse maison française.
Après avoir vendu pour 23 500 $ un NFT s’inspirant grandement de l’allure du sac « Birkin » iconique de la marque, l’artiste a réitéré en proposant sur OpenSea une collection de 100 NFT nommée « MetaBirkins ».
Assez logiquement, la mise en vente de ces NFT sous un nom approchant la marque Birkin et pour un prix semblable à ceux des sacs vendus en boutique n’a pas été du goût d’Hermès.
La première action de la marque au duc attelé a été de demander la suppression de la collection d’Opensea. La plateforme a rapidement coopéré avec Hermès en acceptant de « délister » la collection de ses pages.
Mais, il en fallait plus pour impressionner Mason qui a continué à promouvoir son projet via ses canaux de communications personnels et à vendre ses NFT sur d’autres plateformes.
L’artiste a même poussé le bouchon jusqu’à déposer le nom de domaine metabirkin, ce qui a poussé Hermès à passer à l’action.
Message artistique ou simple contrefaçon ?
Pour Hermès, l’artiste s’est illégalement approprié la marque Birkin et l’a contrefait sous un nom si proche de l’original qu’il n’est laissé aucun doute sur la volonté de Mason de profiter de l’aura d’un produit iconique vendu depuis maintenant presque quarante ans sous de nombreuses déclinaisons.
Si l’histoire de cette véritable légende de la mode vous intéresse, vous pouvez la consulter sur le site officiel d’Hermès, juste ici.
Rappelons rapidement ici qu’il est obligatoire pour les marques de défendre leurs propriétés intellectuelles. Au risque, sinon, de les voir accaparées par des tiers. En cas d’inaction de la marque, ces derniers pourraient laisser sous-entendre que l’ayant droit n’a rien fait pour empêcher l’utilisation ou la reproduction de sa création, qu’il a donc volontairement abandonnée.
Ainsi, en droit français, l’article L.714-6 du Code de la propriété intellectuelle dispose que :
« Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d’une marque devenue de son fait :
a) La désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service ;
b) Propre à induire en erreur, notamment sur la nature, la qualité, ou la provenance géographique du produit ou du service. »
L’histoire du droit des marques est jonchée de cadavres de produits qui, insuffisamment défendus par le titulaire de la marque, ont sombré dans la désuétude et la banalisation. Ne valant, au final, plus en tant que marque à part entière.
Bien que le sac Birkin n’en soit évidemment pas là, il est crucial pour la maison de luxe de maîtriser l’utilisation qui est faite de ses marques et produits afin d’en assurer la cohérence et d’en préserver la réputation auprès du public.
Mason se défend en brandissant le flambeau de la liberté d’expression
Aux États-Unis, la liberté d’expression est consacrée par le premier amendement de la Constitution américaine.
Quel rapport entre la création de NFT de sacs reprenant les codes d’une marque de luxe et la liberté d’expression ?
D’après l’artiste, l’objectif premier de sa collection consiste à dénoncer la maltraitance et la souffrance animale générée par l’industrie du luxe et du prêt-à-porter. D’où le fait que les sacs metabirkins arboraient tous une fourrure différente.
De fait, l’empêcher de passer ce message reviendrait à le censurer, et donc à le priver d’un droit constitutionnel.
La difficile défense des marques dans l’univers Web3
Cette action en justice va être l’occasion pour les juges américains de se pencher sur la notion de propriété intellectuelle dans le Web3 et du droit des marques.
La question est finalement simple : si le dépôt de la marque protège l’exemplaire physique du produit, cette protection s’étend-elle automatiquement aux exemplaires ou déclinaisons virtuelles de ces mêmes produits ?
À ce stade, on voit mal comment la réponse à cette question pourrait être négative. À défaut, les tribunaux ouvriraient la porte à la légitimation des projets qui tenteraient de surfer sur la notoriété de marques connues.
Une décision qui devrait faire date
La Cour Suprême britannique a reconnu en mai 2022 que les NFT sont des biens susceptibles de protection légale en tant que tels et donc, distincts de la chose représentée. Les données du NFT, quelle que soit l’image ou l’audio qu’il inclut, constituent donc un objet digital distinct du matériau de base.
Si les juges américains suivent la même direction, il pourrait devenir extrêmement difficile pour les marques de faire valoir leur propriété intellectuelle en ligne. Mais, la décision prise par les juges britanniques visait à défendre le droit de propriété des utilisateurs de NFT, et non d’amputer les professionnels de la possibilité de défendre leur propriété intellectuelle. Pas certain donc que les juges américains adoptent la même interprétation dans l’affaire qui nous occupe aujourd’hui.
Mais si la protection d’une marque existante trouverait logiquement à s’appliquer aux déclinaisons tant physiques que virtuelles des produits sous son égide. Le dépôt d’une marque nouvelle reste obligatoire en cas de lancement d’un projet novateur et principalement axé sur le web3.
Naturellement, nous ne manquerons pas de revenir vers vous une fois que la décision aura été rendue. De même que nous réserverons une attention toute particulière aux actions judiciaires futures qui, par le biais de la jurisprudence qui en découlera, aideront à construire l’aspect juridique de notre secteur.
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