À qui profite le divorce entre l’Occident et l’Est ?
Au rythme des tensions à travers le monde, le monde se restructure sous nos yeux ; d’un côté, le divorce entre la Chine et les USA, de l’autre côté, le divorce entre l’Europe et la Russie. Faisons un tour d’horizon de ce qui en a découlé, mais également des changements à anticiper dans ce contexte géopolitique.
Table des matières
Posons le contexte
Nous en avions discuté dans l’article « C’est la fin d’une ère » ; l’équilibre du monde occidental reposait auparavant sur deux choses :
- La production chinoise à bas prix et une main-d’œuvre immigrée peu coûteuse, augmentant les salaires réels dans un contexte de stagnation des salaires.
- Un gaz naturel peu coûteux et abondant venant de Russie qui maintenait l’industrie européenne.
Ces mariages ont eu une importance capitale sur notre confort de vie en tant qu’Occidental durant les 40 dernières années. Le premier a été nommé « Chinamerica » (Chine – USA) et le second « Eurussia » (Europe – Russie).
L’Union européenne payait des euros pour du gaz russe peu cher, les USA payaient des dollars pour des importations chinoises, et la Russie et la Chine réinvestissaient les bénéfices réalisés en achetant des obligations auprès du G7. D’ailleurs, cela a valu à la Chine d’être le deuxième plus important détenteur d’obligation de l’État américain, derrière le Japon.
En bref, tous les pays étaient dépendants les uns des autres. Et si les pays sont tous d’accord pour commercer, tout le monde en profitera et il n’y a pas besoin de se faire la guerre. Sauf que, comme dans un mariage, tout se passe bien quand le monde entier est en harmonie. Cette harmonie repose sur la confiance, et bien qu’il puisse y avoir des désaccords, ils peuvent être résolus tant que la confiance est là.
Mais quand la confiance disparaît, l’harmonie disparaît avec.
Le mariage entre l’Allemagne et la Russie a été brillant. La Russie s’est enrichie en vendant du gaz à l’Allemagne, et l’Allemagne en retour, s’est enrichie en vendant des produits transformés grâce au gaz peu coûteux. Une réussite qui promettait encore de beaux jours : le Nord Stream 2 devait être construit, jusqu’à ce que le conflit russo-ukrainien vienne mettre un terme à la cérémonie, entraînant le divorce des deux partis.
Du côté de la Chine et des USA, la Guerre commerciale a commencé sous Trump. Le 8 mars 2018, Donald Turmp signe un décret instaurant des droits de douane de 25% sur les importations d’aluminium, et de 10% sur l’acier. 3 jours plus tard, il empêche l’acquisition de Qualcomm par Broadcom, dénonçant l’influence de la Chine dans cette acquisition.
Le 22 mars, il annonce une suspension temporaire des taxes pour plusieurs pays : le Canada, le Mexique, l’Union européenne, la Corée du Sud, le Brésil, l’Argentine, mais pas la Chine.
En réponse, la Chine dévoile une liste de 128 produits dont les droits de douane vont augmenter de 15%.
Quant à la relation entre la Chine et la Russie, elle est quelque peu spéciale. C’est un mariage de matière première et d’industrie. Le plus grand producteur de matières premières (La Russie), et l’usine du monde (La Chine). L’un obtient les matières premières qu’il n’a pas, l’autre des choses qu’il ne peut plus obtenir de l’occident en raison des sanctions.
Pour terminer cette partie, les USA se sont enrichis grâce à l’assouplissement quantitatif (QE) dont nous avons parlé bon nombre de fois désormais, et à l’hégémonie du dollar américain. Le QE est possible, tant que nous restons dans un régime de basse inflation, qui est lui-même possible grâce aux exportations abordables venant de la Russie et la Chine. Dans une période d’inflation, le QE est quasiment impensable. L’hégémonie du dollar quant à elle, est de plus en plus contestée.
Une guerre économique est une guerre de contrôle : le contrôle des technologies (puces), des matières premières (gaz), de la production et des détroits comme le détroit de Taïwan ou le détroit du Bosphore.
L’ennemi de mon ennemi est mon ami
Cette phrase est particulièrement cohérente avec le contexte géopolitique mondial :
- La Russie et la Chine organisent des exercices navals avec l’Iran autour du détroit d’Ormuz.
- L’Iran a accueilli des pourparlers entre la Russie et la Turquie concernant des expéditions de céréales par le détroit du Bosphore.
- La Turquie et la Russie ont convenu de régler les flux commerciaux bilatéraux, y compris le gaz, en roubles
En bref, la Turquie, la Russie, l’Iran, la Corée du Nord et la Chine, des pays sanctionnés par les USA, qui se rapprochent de plus en plus sur le plan économique et militaire. Une alliance qui force les pays alliés aux USA à calculer leurs prises de position, par exemple l’Inde a décidé d’augmenter ses importations de pétrole en provenance de Russie. Cette dernière importe du pétrole russe, le raffine, et le revend aux Occidentaux au prix du marché la part qu’elle ne consomme pas. Selon CNN, elle a également augmenté ses achats de charbon et d’engrais russes, et s’est abstenue à plusieurs reprises lors d’un vote des Nations unies sur la suspension de la Russie du Conseil des droits de l’homme, appelant au « dialogue et à la diplomatie ».
L’inde a également participé aux exercices militaires russes Vostok en 2022.
En, bref, elle veut se situer entre Russie et les Occidentaux, en évitant de froisser la Russie qui est son principal fournisseur d’armes.
Voilà pour le petit résumé des différentes fractures et alliances à travers le monde. Évidemment, je n’ai pas été exhaustif, il y a eu beaucoup d’événements durant l’année 2022 en termes de géopolitique.
La guerre des puces électroniques
La puce électronique est un composant électronique indispensable à notre société actuelle. Elles sont utilisées dans :
- Nos ordinateurs, téléphones, tablette…
- Réseaux de communication, satellites…
- Télévision, consoles, appareils photo…
- L’électronique présente dans nos automobiles (et qui deviendra de plus en plus au fur et à mesure que tous les pays s’équiperont de véhicules électriques).
- L’industrie ; les capteurs, robots, systèmes d’automatisation industrielle, armements…
Je glisse en dessous l’excellent visuel de « Visual Capitalist », permettant de mieux comprendre l’importance de ces composants électroniques.
Et voici un autre graphique, représentant les plus grands producteurs de puces électroniques :
Comme nous pouvons le voir, la Chine, Taïwan et la Corée du Sud sont les plus grands producteurs. Taïwan est d’une importance particulière, étant donné que la compagnie « Taiwan Semiconductor Manufacturing Co » (TSMC) représente plus de 50% du marché global. Elle produit des puces pour Apple, AMD, Nvidia, Qualcomm…
La Russie fait face à des sanctions occidentales, qui lui limitent l’accès aux puces électroniques. La Chine fabrique une partie de ces puces, mais le plus important de la production se trouve à Taïwan, île revendiquée par la Chine.
Suite à la visite de Nancy Pelosi à Taiwan, événement envers lequel la Chine s’était montrée très hostile, la Corée du Sud s’est également montrée méfiante envers les USA.
Selon le Washington Post, le Président Sud Coréen a déclaré ne pas être disponible pour rencontrer Nancy Pelosi car il est en vacances. Une déclaration bien surprenante qui a éveillé la curiosité des journalistes.
Le porte-parole de M. Yoon, Choi Young-bum, a déclaré que les vacances d’été du président avaient été planifiées avant le voyage de Mme Pelosi en Asie et que M. Yoon avait assisté à la représentation théâtrale avant l’arrivée de l’avion de Mme Pelosi. Selon M. Choi, M. Yoon a affirmé qu’il n’était pas disponible pour rencontrer Mme Pelosi, qui s’est envolée pour la Corée du Sud le soir même.
« On m’a demandé si le président avait évité de rencontrer la présidente de la Chambre des représentants parce qu’il se méfiait de la Chine », a déclaré M. Choi. « Toutes ces décisions sont prises sur la base d’un examen approfondi des intérêts nationaux de notre pays. »
Il a également rejeté la question d’un journaliste suggérant que l’indisponibilité de M. Yoon signalait un changement d’orientation de Séoul dans le contexte de la rivalité entre les États-Unis et la Chine, qualifiant cette question d’exagération.
Il est donc probable que Pékin exerce une certaine pression sur la Corée du Sud, qui est également un autre producteur important de puces électroniques et par extension, un pays crucial dans le contexte actuel.
Démondialisation & multipolarité
Beaucoup d’éléments pour en venir au fait que le contexte géopolitique actuel accélère le ralentissement de la mondialisation et du monde multipolaire, ce qui incite davantage à la délocalisation des chaînes d’approvisionnement.
Cette transition s’accompagne de coûts et d’une inflation persistante. Par exemple, la construction d’infrastructures pour importer du gaz naturel des USA afin de ne pas dépendre des énergies fossiles russes.
Les entreprises américaines sont aussi largement dépendantes de la Chine, une tendance qui ralentit avec les événements géopolitiques récents, mais également la période COVID. La Chine, avec sa politique zéro covid, avait fait peur aux entreprises américaines.
« Toutes les entreprises auxquelles je m’adresse actuellement s’emploient à repenser leurs chaînes d’approvisionnement [centrées sur la Chine]. »
Tony Danker, directeur de la Confédération de l’industrie britannique
Selon Foreign Policy :
« Apple a commencé à déplacer sa production de la Chine vers le Vietnam, où ses AirPods Pro 2 sont désormais susceptibles d’être produits. Il y a deux ans, Samsung a transféré sa production chinoise au Viêt Nam. Hasbro a déplacé sa production chinoise en Inde et au Vietnam. En juillet, Volvo a annoncé qu’il ouvrirait sa première usine européenne en 60 ans, en Slovaquie. (Les entreprises de l’habillement et de la chaussure, telles qu’Adidas, ont quant à elles transféré leur production au Viêt Nam, bien que cette décision ait été principalement motivée par les coûts. »
Le PDG d’Apple, Tim Cook, a déclaré que l’Inde était une des priorités d’Apple. La multinationale fabrique désormais 7% de ses iPhones en Inde, en 2021 ce chiffre n’était que de 1%.
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À qui profitent ces divorces ?
Cette période de transition est également une source d’opportunités. Certaines zones géographiques et certains secteurs peuvent bénéficier d’une prime.
Les entreprises occidentales cherchent des pays où les réserves de main-d’œuvre sont importantes et peu coûteuses. Le Mexique et l’Inde sont deux exemples de bénéficiaires de cette nouvelle ère. Le Mexique bénéficie d’une proximité avec les USA, ce qui en fait un très bon élève, sa monnaie gagne d’ailleurs en valeur depuis le début du conflit Ukraine Russie et la relocalisation des chaînes de production.
La création de nouvelles chaînes d’approvisionnement entraînera une augmentation de la demande dans des secteurs tels que les puces électroniques, l’automatisation et robotique, les technologies propres, la défense, le gaz industriel, les métaux et les exploitations minières.
Rabobank a publié un rapport, écrit par Michael Every, concernant cette tendance à la relocalisation.
Concernant les emplois « Low Tech », l’Inde devrait être le pays qui en profiterait le plus.
« L’Inde est un candidat sérieux pour reprendre une partie des emplois de faible technicité de la Chine, en raison de sa vaste main-d’œuvre et de son coût peu élevé. »
Michael Every, Rabobank.
Concernant les emplois de moyenne technologie, l’Inde, la Turquie, le Brésil pourraient être les principaux bénéficiaires.
Il ajoute :
« Les emplois de fabrication de niveau intermédiaire sont susceptibles de se déplacer vers l’Inde, le Brésil et la Turquie. Ces pays disposent d’une main-d’œuvre abondante, sont relativement bon marché et produisent déjà des biens de niveau intermédiaire. Cependant, même certaines parties de l’Europe et de l’Amérique du Nord sont dans la liste. »
La France, le Japon, l’Italie et le Canada pourraient être les principaux bénéficiaires des emplois de haute technologie.
Concernant les biens technologiques, Michael Every pense que les marchés émergents à revenu intermédiaire supérieur et même certains pays occidentaux sont susceptibles de prendre les emplois, car les coûts de main-d’œuvre sont moins importants. La Malaisie, Singapour, l’Irlande et le Canada se distinguent, de même que les membres de l’Europe de l’Est. Les États-Unis, bien sûr, connaîtront également un changement aidé par des subventions.
L’Inde revient souvent, et c’est tout à fait cohérent car elle a un avantage démographique :
Pour terminer en beauté, voici une liste de plusieurs actions susceptibles de profiter de la relocalisation des chaînes de production, sélectionnée par JPMorgan.
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