Ethena Labs : les craintes s’élèvent concernant l’USDe
En quelques années, les stablecoins sont devenus centraux à l’écosystème crypto. En pratique, deux grandes familles de stablecoins coexistent. D’une part, les stablecoins indexés sur des monnaies fiduciaires détenues par l’entreprise émettrice. De l’autre, les stablecoins algorithmiques, indexés sur des collatéraux en cryptomonnaies. Ces derniers mois, un nouveau stablecoin algorithmique, l’USDe, émis par le protocole Ethena Labs, est au cœur des débats.
Ethena Labs et l’USDe
En juillet dernier, Ethena Labs a annoncé un nouveau protocole sur Ethereum. En pratique, celui-ci vise à introduire un nouveau stablecoin dans l’écosystème : l’USDe.
Il s’agit d’un stablecoin algorithmique proposant une nouvelle manière d’assurer sa stabilité via des positions dites delta-neutral.
À l’instar des autres stablecoins algorithmiques, l’USDe est adossé à des cryptomonnaies. En pratique, Ethena utilise plusieurs jetons en collatéral, tels que l’ETH, les Liquid Staking Tokens de l’ETH et des stablecoins.
Cependant, là où d’autres protocoles font le choix de la surcollatéralisation, à savoir que la valeur du collatéral déposé est supérieure à la valeur en stablecoin émise, Ethena utilise une stratégie différente et propose une collatéralisation 1:1.
Pour cela, lorsque 1 stETH est déposé sur le protocole, Ethena va ouvrir une position short (un pari à la baisse) de la même taille. Cela permet de créer une position dite delta-neutral, où peu importe le sens dans lequel ira le cours de l’ETH, la valeur du dépôt reste constante.
« La stabilité est assurée par des positions short sans effet de levier, exécutées contre la garantie dès l’émission. Cela garantit que la position est delta-neutre et que les USDe ne sont jamais délivrés aux utilisateurs sans que le solde notionnel initial ne soit parfaitement couvert. »
Le mécanisme de stabilité
Prenons un exemple pour mieux comprendre comment cela fonctionne. Imaginons que je crée des USDe en déposant 100 millions d’USDT.
Ethena va prendre ses USDT et les convertir en BTC. Cependant, le BTC étant volatil, cela ne permet pas d’assurer la stabilité de l’USDe.
Ainsi, Ethena va utiliser les BTC pour ouvrir une position short, de la même taille que le dépôt. Soit une position de 100 millions de dollars
Si le Bitcoin baisse de 20 %, le collatéral aura perdu 20 % de sa valeur. Il sera alors estimé à 80 millions de dollars. De son côté, la position Short aura gagné 20 % de sa valeur et sera estimée à 120 millions de dollars.
Par conséquent, le résultat des deux positions s’annule et la valeur totale reste la même.
Ethena : un nouveau Terra Luna ?
En l’espace de quelques mois, le protocole Ethena a connu une croissance démentielle. Si bien que le protocole comptabilise actuellement 2,3 milliards de dollars de TVL.
Cependant, cette croissance a également engendré de nombreux débats autour de la stabilité du système. Ainsi, nombreux sont les observateurs à craindre qu’Ethena mène à un nouveau fiasco similaire à celui de Terra Luna.
En effet, les utilisateurs qui déposent leurs USDe en staking peuvent obtenir jusqu’à 37 % de rendement annualisé. Ces chiffres ne sont pas sans rappeler les 20 % qui étaient proposés sur l’UST de Terra Luna, avant son effondrement.
Sans trop entrer dans le détail, Ethena génère ce rendement via le funding rate de ses positions short. Le funding rate est un paiement entre acheteurs et vendeurs sur des plateformes de trading de futures pour s’assurer que le prix du contrat suit bien le prix réel de la cryptomonnaie.
Du fait du marché haussier dans lequel nous sommes, le funding rate sur le BTC et l’ETH est actuellement positif. Cela signifie que les positions Long paient les positions Short. Cela implique que les traders qui ont des positions Short génèrent un rendement, payé par les traders en position Long. Comme Ethena utilise des positions Delta-Neutral, la valeur de la position reste stable et les positions Short permettent de générer des rendements via le funding rate.
Les craintes s’élèvent vis-à-vis d’Ethena et de sa stabilité
Toutefois, en cas de retournement du marché, les positions Short pourraient bien ne plus payer de rendement. Ainsi, Ethena verrait son rendement sur l’USDe s’effondrer en cas de retour en bear market.
Pourtant, cela pourrait ne pas ébranler la stabilité du stablecoin et uniquement baisser ses rendements.
Mais au-delà de cela, certains observateurs, tels que Mike van Rossum le fondateur de Folkvang, ont exprimé leurs inquiétudes. Bien qu’en théorie, cette stratégie semble sécurisée, « beaucoup de choses qui peuvent mal tourner ».
« Par exemple, tout problème lié à l’un des exchanges sur lesquelles ces positions (et le collatéral) sont gérées. Ainsi que les problèmes liés à l’exécution de centaines de millions (ou de milliards) sur des marchés très volatils. »
Bien que ce type de stratégie soit bien connu des traders, comme le souligne Mike van Rossum, l’appliquer pour créer un stablecoin à destination des utilisateurs lambda semble être un pari risqué.
« J’adore cette stratégie, j’adore tweeter à son sujet et j’adore que d’autres y participent aussi. Mais le fait d’intégrer cette stratégie dans un produit à revenu fixe appelé « stablecoin », qui ne présente pratiquement aucun risque, et de le vendre au détail… »
Ainsi, en théorie la stratégie est sécurisée et assure la stabilité de l’USDe. Cependant, en cas de défaillance sur l’un des maillons de la chaîne, notamment au niveau des exchanges où sont déposés les fonds et où les positions short sont créées, cela pourrait avoir des effets désastreux.
Le fondateur d’Ethena se défend
Invité par Laura Shin, dans le podcast Unchained, Guy Young, le fondateur d’Ethena a balayé en bloc les comparaisons avec Luna.
« Comparer ce que fait Ethena à Luna est un argument très faible et superficiel. La différence fondamentale ici est de regarder à quoi le stablecoin est adossé. L’UST était soutenu par le jeton LUNA, qui a grimpé de 100 % et chuté de 50 % en une semaine. L’USDe d’Ethena est entièrement soutenu et entièrement collatéralisé. »
Concernant les craintes de voir les rendements chuter en cas de bear market, Guy Young concède qu’il s’agit d’une « préoccupation légitime ». Toutefois, il rappelle qu’en plus des rendements obtenus sur le funding rate, l’USDe dispose du rendement du staking d’Ethereum via les LST déposés sur le protocole.
Un rendement qui reste « au-dessus des bons du Trésor américain » et qu’en cas de bear market, il était fort probable qu’on observe une « réduction raisonnable de l’offre de l’USDe ».
De surcroît, il a déclaré ne pas exclure le fait de modifier la stratégie de rendement de l’USDe pour qu’elle puisse également s’adapter à un bear market.
Vous l’aurez compris, il s’agit là d’un sujet complexe. Bien que la stratégie semble à toute épreuve, le défaut de tiers tels que les exchanges pourrait ébranler la stabilité du protocole. Ainsi, comme à l’habitude, prudence est mère de sûreté.