Décentralisation ou illusion ? Hyperliquid sous le feu des critiques après l’ouverture du staking
Hyperliquid est une plateforme de trading perpétuel décentralisé hébergée sur son propre L1. En novembre, elle a fait parler d’elle en distribuant un airdrop massif. Au total, 310 millions de jetons HYPE ont été airdropés, soit 31 % de l’ensemble de la supply. Toutefois, le protocole est désormais au cœur d’un débat enflammé sur sa décentralisation.
- Hyperliquid a distribué un airdrop massif de 310 millions de jetons HYPE, déclenchant des débats sur sa décentralisation.
- Des préoccupations sur la centralisation et le manque de transparence ont été soulevées, notamment en ce qui concerne le code source et la sélection des validateurs.
La centralisation d’Hyperliquid pointée du doigt
Le 30 décembre, Hyperliquid a ouvert les portes du staking du jeton HYPE. Cela a également marqué l’ouverture du réseau à une multitude de validateurs indépendants, marquant un nouveau pas vers la décentralisation.
Toutefois, il n’aura pas fallu attendre bien longtemps pour que des questions soient soulevées quant à la décentralisation du réseau. Le 7 janvier, Kam Benbrik de ChorusOne a publié une lettre ouverte à l’équipe d’Hyperliquid sur le réseau social X.
Dans cette lettre, il revient sur les problèmes récurrents rencontrés par les validateurs et sur des questions relatives à la décentralisation du réseau.
Problèmes techniques et transparence
En tant que validateur lui-même via ChorusOne, Kam Benbrik a souhaité partager son expérience de ce point de vue spécifique.
Dans un premier temps, il pointe du doigt le fait que le code source du logiciel permettant d’opérer un validateur ne soit pas open-source. En effet, il s’agit d’un code propriétaire, qui plus est peu documenté.
Il déplore également la dépendance à une API centralisée. Pour rappel, une API est une interface permettant aux développeurs et programmes tiers d’interagir avec une application.
Malheureusement, cette suite de problèmes n’est pas sans incidences. En effet, comme soulevé par Kam Benbrik, il semblerait que cela entraîne de nombreux cas de « jailing ». Il s’agit de bannissements temporaires de validateurs qui, semblerait-il, surviennent sans explication claire sur les causes.
Sélection et récompense des validateurs
Dans un second temps, il expose différents problèmes liés à la sélection des validateurs dans le processus de consensus et aux récompenses associées.
En effet, Hyperliquid a récemment étendu son nombre de validateurs de 4 à 16 dans une volonté de décentralisation du réseau. Cependant, cette sélection est critiquée en raison du manque de transparence.
Kam Benbrik déplore le manque de transparence dans la sélection du set de validateurs. Ainsi, le réseau dispose de 16 validateurs :
- 4 validateurs qui ont été sélectionnés sur la base de leur uptime sur le testnet. Et ce, malgré les nombreux problèmes techniques (API en panne, jailing, crashs) rencontrés par d’autres validateurs sur le testnet ;
- 5 validateurs appartiennent toujours à la fondation Hyperliquid ;
- 7 autres validateurs ont été sélectionnés, mais sans explication officielle vis-à-vis des critères utilisés.
La centralisation autour de la Fondation Hyperliquid
De surcroît, lorsqu’on regarde les chiffres, la Fondation reste le validateur majoritaire. En effet, comme l’a souligné Benbrik, sur les 404 millions de HYPE déposés en staking, 329 millions le sont auprès de nœuds de la fondation. Cela représente 81,4 % des HYPE déposés en staking, un seuil qui pourrait impacter négativement le consensus.
« Nous n’avons pas beaucoup d’informations sur HyperBFT, mais en supposant qu’il fonctionne comme un système de tolérance aux fautes byzantines, l’hypothèse de base dans la plupart des systèmes BFT est que pas plus de 33 % des droits de vote ne se comportent de manière malveillante. Si une seule entité contrôle 1/3 des enjeux, elle peut arrêter la chaîne. Si elle contrôle 2/3 des enjeux, elle contrôle entièrement le réseau. »
De plus, cette centralisation vampirise les revenus pour les autres validateurs qui tentent de faire leur place sur le réseau. D’après les données compilées par Kam Benbrik, la Fondation empoche l’énorme majorité des revenus du staking, ne laissant que des miettes aux autres validateurs. Certains ne générant que quelques milliers de dollars annuels, soit bien en deçà des coûts en ressources nécessaires pour opérer le nœud.
Hyperliquid tente d’apaiser les inquiétudes
Il semblerait que cette lettre ouverte et sa médiatisation aient eu l’effet escompté. En effet, moins de 24 heures après le message de Kam Benbrik, les équipes d’Hyperliquid ont partagé une réponse sur le réseau social X.
Sélection des validateurs
D’une part, Hyperliquid affirme que tous les validateurs ont été sélectionnés sur la base de leurs performances sur le testnet. Les équipes réfutent aussi les insinuations selon lesquelles des places de validateurs avaient été achetées.
Malheureusement, cette réponse n’éclaire pas toutes les zones d’ombres. Si la sélection repose sur la performance, le problème vient du fait que l’accès au testnet était biaisé par la nécessité d’obtenir un grand nombre de jetons HYPE du testnet. Même si aucun slot de validateur n’a été « acheté officiellement », le marché noir des tokens testnet a favorisé ceux qui avaient déjà des connexions ou des ressources.
Récompenses et revenus
Concernant la vampirisation des revenus par la Fondation, celle-ci répond en mettant en avant son Foundation Delegation Program. Celui-ci vise à soutenir les validateurs performants avec pour but de favoriser la décentralisation.
Une fois de plus, cela répond à la question, sans pour autant couvrir tous les aspects. En effet, cela reste un processus centralisé, où la fondation garde le contrôle sur la délégation. L’impact réel sur la décentralisation dépendra de qui recevra ces délégations et comment elles seront attribuées. Une fois de plus, la Fondation se devra d’être transparente dans son processus de sélection.
Code source et décentralisation
Par la suite, Hyperliquid reconnaît que le code est actuellement fermé, ce qui n’est pas une bonne pratique. Toutefois, le protocole se veut rassurant et assure que le code sera publié de façon open source une fois qu’il sera stable et sécurisé.
De plus, ils insistent sur le fait que leur rythme de développement est bien plus rapide que d’autres projets, ce qui justifie selon eux l’absence d’open-source pour le moment.
Enfin, pour ce qui est de l’API centralisée, il ne s’agirait pas d’un problème selon eux. En effet, ils affirment que quiconque peut créer sa propre API indépendante en y connectant un simple nœud Hyperliquid. Une fois de plus, difficile de savoir dans quelle mesure la fermeture du code source permet effectivement et simplement de créer une telle API.
Quoi qu’il en soit, bien qu’Hyperliquid ait apporté des réponses, le protocole devra désormais montrer patte blanche et livrer les promesses de décentralisation.
De son côté, le cours du jeton HYPE semble s’essouffler. En effet, depuis son ATH aux à près de 35 $, le cours n’a cessé de chuter et évolue autour des 19 $ au moment de la rédaction de ces lignes.