Comprendre la fiscalité des actifs numériques
Impôts et cryptos font-ils bon ménage ? Il n’existe pas de recette magique ou de modèle unique pour la fiscalité, nous retrouvons presque autant de systèmes d’imposition que d’États. La fiscalité est un enjeu stratégique dans un environnement mondialisé, et la création de nouveaux impôts est toujours un exercice périlleux. Nous allons donc étudier quelques exemples pour voir comment les grandes puissances se livrent à cet exercice.
L’imposition des actifs numériques dans le monde
Comme nous venons de l’évoquer, la fiscalité, en tant que prérogative régalienne, varie du tout au tout d’un État à l’autre. Aujourd’hui, nous traiterons des États-Unis, du Japon et de l’Allemagne, qui ont tous trois une approche différente de la fiscalité des actifs numériques. La Chine est volontairement exclue de nos propos du fait de sa relation complexe avec les actifs numériques.
États-Unis
Aux États-Unis, l’imposition se fait à deux niveaux :
- Au niveau fédéral, avec des taux commun pour tous les résidents,
- Au niveau des États, avec des impôts spécifiques et des suppléments d’imposition qui peuvent s’appliquer à certaines catégories de revenus.
Nous n’envisagerons que l’impôt fédéral sur les actifs numériques, dès lors que les directives de l’IRS – Internal Revenue Service – s’appliquent à tous les États fédérés.
Depuis 2014, l’IRS considère les actifs numériques comme des biens aux fins de l’impôt, alors que la CFTC – Commodity and Futures Trading Commission – les considère comme des commodités au même titre que l’or et le blé. De ce fait, les principes généraux d’imposition des biens s’appliquent aux ventes et échanges d’actifs numériques.
Dans le cadre de l’impôt fédéral, les biens détenus par les particuliers sont considérés comme des capital assets. Cette notion recouvre l’ensemble des biens détenus à des fins personnelles, d’investissement ou de commercialisation – voitures, immobilier, titres financiers, œuvres d’arts. À ce titre, la vente ou l’échange d’actifs numériques sont des événements imposables soumis à l’impôt sur les plus-values.
Dans le cas d’une vente, la plus ou moins-value est égale à la différence entre le prix de vente de l’actif et la base ajustée de son prix d’achat. Dans le cas d’un échange, la plus ou moins-value est égale à la différence entre la valeur de marché – la fair value ou juste valeur – de l’actif à la date de l’échange et base ajustée de son prix d’achat. Le coût de base d’un actif est son prix d’achat, et pour arriver au prix de base ajusté il suffit de retrancher les frais et éventuelles commissions. Dans le cas d’une ICO, le coût de base est simplement le prix d’acquisition.
Enfin, les contribuables devront choisir une méthodologie de calcul du coût de base. La méthode la plus répandue et la plus simple d’utilisation est celle du FIFO – First-In-First-Out. Selon cette méthode, les actifs acquis en premier sont considérés être les premiers cédés. Cette méthode de valorisation des stocks universellement reconnue sera aussi applicable par les contribuables français pour le calcul de leurs plus-values.
La particularité de la fiscalité étasunienne est que les opérations crypto-crypto sont imposables au même titre que les cessions d’actifs numériques contre des monnaies fiat. Ce qui n’est plus le cas en France ou en Allemagne pour un particulier considéré comme occasionnel, rappelons-le.
Par exemple, si 1 bitcoin – dont le coût de base est 6000 $ – est revendu contre 40 ether à un prix unitaire de 200 $ – donc 8000 $ d’ether -, alors la plus-value de 2000 $ sera imposable. L’imposition de cette plus-value dépend de la durée de conservation de l’actif, comme nous allons le voir.
Dans le système fiscal fédéral, le taux d’imposition des plus-values réalisées sur une cession d’actifs numériques dépend non seulement de la tranche d’impôt sur le revenu applicable au foyer fiscal, mais aussi de la durée de conversation de l’actif.
Au jour de la vente, le contribuable devra déterminer la durée de détention des actifs numériques vendus pour appliquer le régime approprié :
- Si l’actif a été entre les mains du cédant un an – 365 jours – ou moins, alors la plus-value sera soumise à l’impôt sur le revenu au taux applicable à son foyer fiscal. Notons que l’imposition du revenu aux États-Unis est similaire à celle pratiquée en France. Les taux vont de 10 % à 33 % avec des tranches bien définies, où seule la portion des revenus dépassant la tranche précédente est imposée à un taux supérieur.
- Si l’actif est détenu plus d’un an – 366 jours – alors l’imposition est réduite, mais restera corrélée avec le taux d’imposition effectif du foyer. Dans le cas présent, le taux d’imposition varie de 0 % pour les premières tranches à 20 % pour les dernières.
Dans l’éventualité où le contribuable enregistrerait une moins-value nette sur l’ensemble de ses opérations pour une année fiscale donnée, alors il pourra déduire ses pertes de son revenu imposable. Cette déduction est plafonnée à 3000 $ par an, mais les pertes restantes pourront être reportées à l’année suivante jusqu’à ce qu’elles aient été entièrement imputées sur le revenu imposable. L’imputation des moins-values sur les revenus est une mesure de bon sens qui est appliqué par de nombreux pays tant en matière de cession d’actifs numériques, que de biens immobiliers ou de titres financiers.
Japon
Au Japon la NTA – National Tax Agency – considère que les profits réalisés sur des cessions d’actifs numériques doivent être classés dans les revenus divers qui s’additionnent au revenu du foyer fiscal lors de la détermination de la base imposable.
Selon l’Income Tax Act, les revenus sont imposés par tranches progressives – comme aux États-Unis et en France – avec des taux allant de 20 % à 55 % pour la tranche la plus haute. Enfin, il n’est pas possible d’imputer les pertes nettes sur une année donnée sur le revenu imposable, comme c’est le cas dans l’Hexagone.
Cette forte imposition pour les hauts revenus a incité une partie des traders du pays du soleil levant à ne pas déclarer leurs revenus. Selon le fisc japonais, ces revenus non déclarés représenteraient plus de 100 millions de dollars en 2019.
Le régime japonais est particulièrement sévère pour une économie aussi moderne qui représente une part importante des transactions en actifs numériques. Toutefois, le législateur japonais envisage d’adoucir sa règlementation en baissant le taux d’imposition applicable et en permettant d’imputer les pertes liées aux transactions sur les revenus de l’année.
Allemagne
La Bafin – de son petit nom Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht – est l’autorité financière allemande. Elle assimile les actifs numériques à des unités de compte, et donc des instruments financiers. Depuis février 2018, le Ministère des Finances d’outre-Rhin considère que les échanges de monnaies traditionnelles contre des cryptomonnaies, et vice versa sont exemptés de TVA – Taxe sur la Valeur Ajoutée. Pour le gouvernement allemand, les devises numériques qui sont utilisées comme des moyens de paiements doivent être traitées comme les autres moyens de paiement.
Les recommandations du gouvernement sont donc en accord avec la décision de la Cour européenne de justice qui a établi le 22 octobre 2015 que l’utilisation de devises numériques comme moyens de paiements ne devait pas être soumise à la TVA, les biens et services acquis y étant déjà soumis.
Pour ce qui est de la fiscalité, le régime allemand a l’avantage d’être particulièrement simple, et attractif pour les crypto-enthousiastes qui ne se livrent pas à des activités de négociation. Selon le German Income Tax Act, l’utilisation d’actifs numériques pour acquérir des biens et services ou de la monnaie fiat constitue une vente d’actif. Ces ventes sont considérées comme des transactions spéculatives, et sont imposables au titre de la Section 23 du German Income Tax Act.
Toutefois, cette classification en tant que transaction spéculative comporte certains avantages. Les plus-values réalisées sur cette catégorie fiscale sont totalement exemptées d’impôts dès lors que l’actif a été détenu plus d’un an. Si la cession intervient moins d’un an après l’achat alors elle sera imposable à un taux de 26 % après un abattement de 600 euros. Notons que cet abattement s’applique à toutes les transactions spéculatives réalisées sur l’année fiscale et pas seulement aux cessions d’actifs numériques.
La détermination de la plus-value se fait de la même manière qu’aux États-Unis. Enfin, les moins-values nettes sont imputables aux profits futurs relatifs aux transitions spéculatives.
L’Allemagne ressemble donc fortement à une terre accueillante pour les holders, contrairement à l’Hexagone… où les nuances dont il faut tenir compte sont plus nombreuses et contraignantes.
Heureusement, comme nous en reparlerons, le Trading du Coin a pensé à vous et vous a préparé une formation adéquate pour vous tenir à jour de ces sombres obligations fiscales !
La fiscalité des actifs numériques en France
Avant l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2019, le régime fiscal des actifs numériques était défini par l’instruction du 11 juillet 2014. Sous ce régime, l’imposition des cessions réalisées à titre occasionnel relevait des BNC – Bénéficices Non Commerciaux – et les cessions réalisées à titre habituel des BIC – Bénéfices Industriels et Commerciaux -. Tandis que les revenus issus du minage pouvaient entrer dans les deux catégories.
Cette doctrine administrative a été partiellement remise en cause par une décision du Conseil d’État, qui a établi le 26 avril 2018 que les bitcoins et autres actifs numériques sont assimilés à des biens meubles incorporels.
Cette classification ne peut que nous rappeler la décision de la CFTC du 17 décembre 2015 établissant que les actifs numériques sont assimilables à des commodities, donc des biens meubles. Le Conseil d’État rattachait donc les actifs numériques à l’article 150 UA du CGI – Code Général des Impôts – détaillant le régime des plus-values relatives aux cessions de biens meubles.
La dernière étape de l’évolution de l’imposition des actifs numériques en France est la loi de finances pour 2019 qui instaure un régime spécial pour cette nouvelle classe d’actifs. L’article 41 de cette même loi institue un régime d’imposition spécifique pour les plus-values de cession d’actifs numériques réalisées par les particuliers.
Le nouvel article 150 VH bis du CGI soumet les plus-values relatives aux cessions d’actifs numériques à un taux global d’imposition de 30 %. L’application d’un taux similaire à celui du prélèvement forfaitaire unique rapproche la fiscalité des actifs numériques de celle des revenus tirés de valeurs mobilières – dividendes d’action, intérêts sur obligations, etc..
L’adoption d’un régime spécifique était nécessaire, le régime des plus-values sur biens meubles étant largement inadapté aux actifs numériques, dès lors qu’il sous-entendait une imposition des opérations crypto-crypto ne dégageant pas de liquidités pour payer l’impôt.
Et justement, le Trading du Coin a réalisé une formation complète sur ce régime spécifique pour vous aider à mieux appréhender la fiscalité des actifs numériques en France.
Le mot de la fin
Comme nous l’avons évoqué, la fiscalité est un enjeu stratégique pour les États. Au-delà de la captation de revenus pour les caisses de l’État, l’imposition des flux financiers est un facteur d’attractivité pour les économies nationales. À nos yeux, les éléments nécessaires à la création d’un régime fiscal cohérent sont :
- L’imputation des pertes sur le revenu imposable
- L’exemption d’impôt après une certaine période de détention de l’actif.
D’une part, la première mesure permet de satisfaire les traders du dimanche, comme les plus chevronnés d’entre eux, qui n’auront pas à payer d’impôt après avoir réalisé une perte nette sur un exercice fiscal donné.
D’autre part, l’exemption d’impôt, qui tend à réduire la spéculation, pourrait permettre si elle est généralisée d’encadrer la volatilité du marché dès lors que la fiscalité serait plus clémente pour les holders que pour les traders. Bon nombre d’efforts restent donc à faire pour des pays comme le Japon ou la France s’ils entendent créer un régime fiscal attractif pour cette nouvelle classe d’actifs, comparativement à ceux de certains de leurs voisins.