« Ma vie privée ? Je m’en fiche, je n’ai rien à cacher ! » Ces bitcoiners qui se moquent d’être pistés
Leur vie privée importe peu – Dans leur dernier rapport, Antoine Le Calvez et l’équipe de Coin Metrics font l’état des lieux de la confidentialité des transactions cryptos. Le constat est sans appel : les utilisateurs de cryptomonnaies se soucient peu de leur vie privée.
Les cryptomonnaies anonymes sont peu utilisées
L’étude comparative de Coin Metrics porte ainsi sur l’utilisation de 3 cryptos anonymes bien connues.
ZCash et la vie privée
ZCash a vu le jour suite aux problèmes de confidentialité rencontrés par certains utilisateurs du réseau Bitcoin. Le protocole utilise des preuves à divulgation nulle de connaissance (zk-SNARKs) pour anonymiser une transaction. Concrètement, cela signifie que pour valider une transaction, les nœuds du réseau n’ont pas besoin de connaître son contenu (émetteur, récepteur, montant).
Cependant, ZCash n’assure pas cet anonymat par défaut. Ce sont les utilisateurs qui décident d’activer cette fonctionnalité. Il y a donc deux types de coins : les ZEC « transparents » et les ZEC shielded (protégés).
Comme nous pouvons le voir, seuls 5 % des ZEC en circulation sont présents sur des shielded addresses.
Coin Metrics a également mesuré le pourcentage de transactions impliquant les fonctionnalités d’anonymat du réseau.
Il y a donc en réalité 3 catégories de transactions :
- Celles totalement transparentes (la majorité) ;
- Celles partiellement anonymes (une partie des coins impliqués fait partie du shielded supply) ;
- Celles réellement privées (toutes les interactions se déroulent au sein du shielded pool).
Ainsi, seulement 2 % des transactions effectuées sur le réseau sont complètement confidentielles. Plutôt étonnant pour une cryptomonnaie créée pour préserver l’anonymat de ses utilisateurs.
Monero et Grin
Monero est basé sur le protocole Cryptonote. Il utilise différentes méthodes pour cacher les adresses émettrices et réceptrices d’une transaction (signatures de cercle et adresses furtives). Contrairement à ZCash, sur Monero, la confidentialité n’est pas en option. En effet, l’utilisateur peut modifier la taille du cercle des signatures, donc le degré de confidentialité de sa transaction, mais le réseau requiert un nombre minimal de signataires.
Quant à Grin, il s’agit d’une implémentation du célèbre protocole Mimble Wimble. Le degré de confidentialité de Grin est très élevé. Il est non seulement possible de masquer les adresses et les montants, mais également le graphe d’une transaction, c’est à-dire le chemin par lequel les coins sont passés.
Les analystes de Coin Metrics ont comparé le pourcentage combiné des transactions ZCash, Monero et Grin par rapport aux transactions Bitcoin :
Ainsi, la totalité des transactions effectuées via ces cryptos anonymes représente seulement 6 % des transactions Bitcoin.
La cryptosphère s’éloigne de ses origines cypherpunk
Dans son rapport, Coin Metrics fait plusieurs fois référence au manifeste cypherpunk d’Eric Hughes.
« La vie privée est le pouvoir de se révéler sélectivement au monde. »
Ainsi, les cypherpunks ont compris très tôt que la défense de leur vie privée passerait par la conception d’outils financiers anonymes. Les citoyens devraient avoir le droit de choisir quelles informations personnelles révéler lors d’une transaction. Bien évidemment, les États et les banques centrales ne sont pas de cet avis. Il est ainsi de plus en plus difficile d’utiliser des moyens de paiements anonymes. L’utilisation de l’argent liquide est restreinte à de petites sommes, et il deviendra de plus en plus compliqué de se procurer des cryptomonnaies confidentielles. Dans plusieurs juridictions, les plateformes de change n’ont plus le droit de proposer des privacy coins.
C’est sans doute un frein pour l’adoption des cryptos sus-citées. Mais le principal facteur est l’insouciance des utilisateurs.
« Pourquoi me soucierais-je de mon anonymat ? Je n’ai rien à cacher. Je n’utilise pas mes cryptos pour acheter de la drogue sur le darkweb. »
Accepter la surveillance financière de masse parce que l’on n’a rien à cacher est aussi dangereux que d’accepter la censure parce que l’on n’a rien à dire.
L’anonymat des transactions protège avant tout la vie privée des citoyens honnêtes. Qui peut prétendre que les autorités n’utiliseront jamais ces informations à des fins abusives ? Ou qu’elles ne se les feront jamais dérober ? Ou que ce qui était légal hier ne deviendra pas illégal demain ? L’Histoire a souvent montré l’inverse. Les récents utilisateurs de cryptomonnaies semblent peu soucieux d’une caractéristique pourtant essentielle de ces dernières : la résistance à la censure.