Ripple (XRP) vs SEC : le procès qui va changer la face de l’écosystème crypto

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« Une grande victoire pour Ripple mais surtout pour l’ensemble du secteur crypto. »

Voilà ce que disait Brad Garlinghouse, CEO de Ripple dans une interview sur CNBC le 14 juillet dernier. On est d’accord, ça fait un peu Neil Armstrong posant le pied sur la Lune, mais ce n’est pas totalement pour rien, le 13 juillet, Ripple a eu gain de cause devant les juges américains. Le jugement est sans appel, Ripple n’a pas enfreint la loi sur les securities en vendant son token XRP.

C’était déjà une petite victoire pour Ripple et vous en avez sûrement entendu parler jeudi dernier, il y a eu du nouveau. La SEC, le régulateur des marchés financiers américain qu’on ne présente plus, abandonne ses poursuites contre les dirigeants de Ripple. Alors, est-ce vraiment une capitulation de la part de Gary Gensler et son équipe ? Pas sûr.

En réalité, l’histoire ne touche pas totalement à sa fin. Restez avec nous, dans cette vidéo, on va parler de l’un des procès les plus importants du secteur, dont l’issue pourrait bien changer à jamais le visage de l’écosystème crypto.

Il était une fois, Ripple et son XRP

Laissez-moi revenir un peu sur Ripple Labs, la société au cœur de cette affaire.

En 2011, un certain Jed McCaleb trouve que le réseau Bitcoin est trop gourmand en énergie et décide de concevoir son propre système de monnaie numérique. Il s’associe avec un autre entrepreneur, Chris Larsen. En 2013, la société annonce une levée de fonds auprès plusieurs gros investisseurs institutionnels, comme le célèbre capital-risque Andreesen Horowitz et devient finalement la société que l’on connait aujourd’hui sous le nom de Ripple Labs.

Pour la petite histoire, McCaleb, le père de Ripple donc, est aussi le fondateur d’un exchange tristement célèbre que vous connaissez probablement. Cependant, il le revendra avant de se lancer dans Ripple, son nom, Mt Gox. Mais c’est une autre histoire et on vous parlera sûrement de cette saga à l’occasion d’une prochaine vidéo.

Le réseau Ripple a un fonctionnement bien particulier, qui ne ressemble pas vraiment à Bitcoin ou Ethereum. Pas de proof-of-work, ni de proof-of-stake, même pas vraiment de blockchain à vrai dire. Tout repose sur un algorithme exécuté par des nœuds choisis par le réseau qui, ensemble, forment la Unique Node List, composée d’un peu plus d’une centaine de nœuds.

Le système mis au point par Ripple repose sur sa propre cryptomonnaie native, le XRP. Pour faire simple, lors d’un transfert d’euro à dollars, par exemple, le protocole échange vos euros contre des XRP, puis vos XRP contre des dollars, le tout en très peu de temps et à moindres frais.

Voilà sommairement comment fonctionne la technologie de Ripple. Le but de l’entreprise est de proposer une nouvelle infrastructure aux banques et institutionnels pour accélérer leurs transferts financiers. Pour simplifier, là où Bitcoin se pose en concurrent du système bancaire actuel, Ripple essaye de l’améliorer. Aujourd’hui, Ripple a noué plus de 100 partenariats à travers le monde, ce n’est pas rien.

Ripple et la centralisation, une liaison dangereuse

Mais, il y a quand même quelques problèmes. Outre toute l’affaire avec la SEC, certains estiment que la centralisation des nœuds est un énorme problème sachant qu’une grande majorité d’entre eux sont entre les mains de la société mère. Vitalik Butterin, le fondateur d’Ethereum lui-même, s’est d’ailleurs exprimé plusieurs fois à ce sujet.

En plus de ça, l’émission et la vente du XRP sont en majorité contrôlées par la société. Sur 100 milliards de jetons, seuls 52 % sont en circulation, alors que l’autre partie est encore entre leurs mains, pour des raisons qui n’ont jamais été divulguées publiquement.

Bref, fin 2020, la SEC, le gendarme des marchés financiers américains, dépose une plainte à l’encontre de Ripple Labs, la société derrière le jeton XRP. Évidemment, ils poursuivent aussi Chris Larsen et Brad Garglinghouse, les principaux directeurs de l’entreprise.

En gros, ils affirment que la vente des tokens XRP constitue une offre illégale de securities sur le territoire américain au sens du test de Howey.

Si vous ne connaissez pas ce test, sachez qu’il s’agit d’un ensemble de critères utilisés aux États-Unis pour déterminer si un investissement constitue une offre d’actifs soumis à la réglementation des titres financiers. Si votre investissement répond favorablement aux critères fixés par ce test, il est classé comme une securities, et tombe de facto sous le joug de la SEC.

Pour autant, Ripple n’a rien lâché, surtout à cause du manque de preuves avancées par la commission. Mais un élément en particulier viendra tout chambouler, les courriers de William Hinman, le prédécesseur de Gary Gensler à la présidence de la SEC.

Rendez-vous compte, il aura fallu 18 mois pour obtenir ces documents. La SEC avait même déposé une demande auprès de la commission pour les sceller, demande qui sera évidemment rejetée en mai.

Dans ces papiers, on apprend qu’Hinman avait essayé de répondre à la question épineuse de la classification des crypto. Alors, securities ou pas ?

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Gary Gensler, le patron de la SEC

Les cryptos sont-elles des securities ? L’éternel dilemme de la SEC

Pour lui, les ICO, par exemple, entrent bel et bien dans ce cadre. Pour rappel, les ICO ce sont les ventes de tokens, ça représente une espérance de gain pour l’investisseur donc, logiquement, on peut faire rentrer ça dans les securities.

Mais il y a quelques problèmes, par exemple, lorsque l’entreprise derrière les cryptoactifs n’est pas ou plus centralisée, comme une DAO par exemple. Et, c’est là qu’on atteint les limites du test de Howey. Pas surprenant, ce truc date d’avant l’apparition d’internet.

Côté Ripple, tout l’enjeu est de convaincre les juges que la majorité des investisseurs n’ont pas acquis des XRP pour du profit, mais pour la participation au réseau ou d’autres motifs disons… plus vertueux.

Pour défendre ça, l’entreprise aurait fait signer des déclarations sous serment à certains investisseurs, disant qu’ils n’ont jamais recherché de profit avec leur achat de tokens XRP mais plutôt l’utilité et la participation au réseau. Ça paraît un poil léger comme preuve.

Revenons à Hinman et les fameux documents. Ils étaient très attendus pour le cas Ripple, mais finalement, dedans, il n’y a aucune mention du XRP, nulle part. Par contre, Ethereum et Bitcoin sont bel et bien mentionnés.

Bon pour Bitcoin, rien de nouveau. L’invention de Satoshi Nakamoto est bien considérée comme une commodity, c’est-à-dire une marchandise. Et pour Gary Gensler, le patron actuel de la SEC, ça fait sens, même s’il ne veut pas le dire, il semble plutôt d’accord avec ça.

Par contre pour Ethereum, c’est plus compliqué. Déjà, Gensler fait clairement l’autruche vis-à-vis de la classification de la seconde cryptomonnaie du marché.

Ensuite, Ethereum possède une fondation, des fondateurs et des développeurs bien connus et identifiés, pas comme Bitcoin. En gros, la police peut frapper à la porte de Vitalik et cela aura des conséquences sur Ethereum. Par contre, bon courage pour frapper à la porte de Satoshi.

Peu importe, pour Hinman, Ethereum n’est pas une security. Oui oui, vous avez bien entendu, l’ancien patron de la SEC considérait Ethereum comme une matière première, comme Bitcoin.

Ethereum, le caillou dans la chaussure de Gary Gensler

Mais, ça, c’était avant et le passage en proof-of-stake pourrait remettre cela en cause. Ben oui, rappelez-vous, le Merge d’Ethereum a eu lieu sous l’ère Gensler et, pour ce dernier, les cryptos en proof-of-stake constituent à priori des securities.

Autant vous dire que du côté de Ripple, ça l’a mauvaise et à raison puisqu’Hinman aurait contacté Ethereum pour comprendre comment fonctionne la fondation et le protocole, dans le but de confirmer qu’il ne constitue effectivement pas une security. Il n’en fallait pas plus pour que certains y voient une forme de lobbyisme d’Ethereum pour s’attirer les grâces de la SEC, chose dont n’a pas bénéficié Ripple.

Mail d’Hinman

Cela dit, le 13 juillet dernier, il y a eu du nouveau dans toute cette affaire. D’après Analisa Torres, la juge en charge du cas Ripple, les ventes de XRP sur les plateformes d’échanges ne sont pas des contrats d’investissement, pas besoin, donc pour toutes ces entités d’enregistrer le XRP comme security.

D’ailleurs, bon nombre d’exchanges comme Coinbase et Kraken n’ont pas tardé à re-lister le token XRP sur leurs plateformes respectives juste après la nouvelle.Il faut bien comprendre que cette décision marque un tournant majeur dans l’une des affaires judiciaires les plus célèbres de l’écosystème crypto, un à zéro pour Ripple.

Les institutionnels, le bémol dans la classification du XRP

Bon, tout ça, c’est très bien, mais il y a un hic. Dans le jugement, les ventes institutionnelles semblent bel et bien considérées comme une émission illégale de securities sur le territoire américain. Et ça, ça peut être un problème.

Il faut bien vous dire qu’une grande partie de la supply de XRP est aux mains de la société, et certains spéculent sur le fait que Ripple soit engagé auprès de certaines institutions pour leur vendre des tokens à une certaine date et à un certain prix.

Et c’est là que le bas blesse. En principe, pour conclure ce genre de ventes, vous devez être en conformité auprès des autorités américaines. En gros, vous devez remplir de la paperasse. Vous vous en doutez, Ripple ne l’a pas fait, soit parce qu’ils ne savaient pas qu’ils vendaient des securities, soit parce qu’ils ont suivi le vieil adage américain, agir avant et réguler après.

Si vous voulez mon avis, tout ça n’a pas grand chose à voir avec de l’ignorance, mais passons.

Jusqu’en février 2021, la SEC autorisait régulièrement les mauvais élèves à rentrer dans le rang auprès de l’administration, et plus particulièrement à remplir ces fameux formulaires pour se mettre en conformité. Mais depuis cette date, soit juste avant l’arrivée de Gensler, ces pratiques ont été interdites. Tiens donc.

En clair, Ripple ne pourra peut-être pas honorer ses potentielles ventes privées destinées à ses investisseurs institutionnels. Ceux-ci devront passer par la voie du marché, celle des retails en somme. Plutôt que de passer par l’entrée des artistes, ils devront faire la queue comme tout le monde.

Et là, la question qui se pose, c’est si cet état de fait ne va pas entraîner un désintérêt généralisé de la part des gros poissons pour ce token en particulier. Peut-être qu’on est en train d’assister à la fermeture des voies royales normalement réservées aux gros fonds.

Alors, XRP est-il une security ?

Un point qui n’est pas un détail concernant cette affaire, c’est que la décision rendue n’est ni plus ni moins qu’un jugement sommaire. Un jugement sommaire, c’est une décision judiciaire rapide basée sur des éléments de preuve insuffisants pour un procès complet. En d’autres termes, c’est une perte de temps et de ressources pour le tribunal, le XRP n’est donc pas considéré comme une security dans la plupart des cas, point.

John Reed Stark, un ancien cadre de la SEC tempère tout ça dans un post LinkedIn où il explique qu’il ne faut pas se réjouir trop rapidement. Pour lui, le verdict est assez tendancieux. En quelque sorte, on dirait qu’il décrit un statut de “quasi security”. XRP serait une security lorsqu’il est vendu à des investisseurs institutionnels, mais pas lorsqu’il l’est sur un exchange à des particuliers ? C’est un peu bizarre.

Pour lui, cette décision est contre-intuitive, incompatible avec la jurisprudence de la SEC et sans précédent dans ce contexte. Et aussi, ça suppose une sorte de hiérarchie de connaissance et de savoir-faire chez les investisseurs qu’il paraît très compliqué de vraiment bien légiférer.

D’ailleurs, pour la juge en charge du dossier, les tokens vendus sur les exchanges ne sont pas considérés comme des securities parce que les investisseurs ne savent rien de l’émetteur du token en question.

Pour Stark, c’est plutôt curieux comme affirmation. Le fait qu’un investisseur soit ignorant n’a jamais servi de défense viable à une violation de la loi sur les securities.

Bref, pour certains experts, dont Stark, la décision allait très vite être mise en appel par la SEC et donc, il ne fallait pas crier victoire trop vite. Mais, devinez quoi, la juge Analisa Torres a tout simplement refusé. La SEC ne pourra pas faire appel avant le début officiel du procès en avril 2024. Leur attitude non constructive dans cette affaire a même été plusieurs fois pointée du doigt. Deux à zéro pour Ripple.

Et là, vous l’avez peut-être vu, le 19 octobre, la SEC a finalement abandonné ses poursuites contre Larsen et Garlinghouse. Trois à zéro pour Ripple. Alors, jeu set et match ? Pas tout à fait.

La SEC n’a pas encore perdu sa guerre

Déjà, il faut bien comprendre que la SEC n’abandonne pas l’intégralité des charges contre la société, mais uniquement celles qui concernent ses dirigeants à titre individuel.

On ne sait pas trop pourquoi ils ont décidé de faire ça, mais il y a probablement des motivations derrière. Déjà, ça pourrait leur permettre de se concentrer sur le gros du procès, c’est-à-dire la désignation du XRP comme une security.

Ensuite, Katherine Kirkpatrick, la directrice juridique de CBOE Digital, souligne le fait que cela pourrait leur permettre de faire appel plus tôt dans la chronologie du procès qui va se tenir l’année prochaine.

Cette affaire n’est donc pas terminée, et il y a fort à parier que peu importe son dénouement, cela aura un fort impact sur le visage de l’écosystème. On devrait en savoir plus en avril 2024, même si pour l’heure, une solution peut encore être trouvée avant la décision de la commission.

Récemment, la sénatrice américaine Cynthia Lummis, a rappelé le besoin urgent de réglementation du secteur des cryptos en évoquant son fameux Lummis-Guillibrand Responsible Financial Innovation Act, une sorte de cadre réglementaire qu’elle a construit avec la sénatrice Kirsten Gillibrand. Le but, c’est d’apporter plus de clarté dans la réglementation des cryptos en adaptant le test de Howey à cette nouvelle classe d’actifs, en quelque sorte.

Et ce n’est pas la seule à s’être exprimée sur le sujet, côté politique américaine, ça bouge pas mal en ce moment, surtout avec les élections qui approchent. Mais on garde ça pour une prochaine vidéo.

Ce qui est certain, c’est que l’aboutissement de cette affaire pourrait créer un précédent qui influencera la réglementation des cryptomonnaies aux États-Unis, et qui va chambouler la manière dont les gens achètent et vendent ces actifs d’un nouveau genre. Reste à observer comment tout cela va se goupiller.

Romain

Cofondateur du Journal du Coin et crypto-addict depuis de nombreuses années. J'aime partager ma passion et aider les nouveaux arrivants à évoluer dans cet univers.

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