KYC, filtrage, et sanctions : l’Autorité Bancaire Européenne veut durcir la régulation crypto

Deux salles, deux ambiances. Alors que l’euphorie pro crypto gagne les USA, le son de cloche n’est pas le même en Europe. Le 14 novembre 2024, hier donc, l’Autorité Bancaire Européenne (ABE) a publié des lignes directrices à destination des Prestataires de Services sur Actifs Numériques (PSAN) et des Fournisseurs de Services de Paiement (PSP). Ces documents visent à renforcer la conformité des acteurs financiers face aux mesures restrictives de l’Union Européenne. Ces recommandations constituent une réponse directe aux défis croissants liés à la supervision des flux financiers alors que les prix des cryptomonnaies, Bitcoin en tête, explosent. Explications.

Les points clés de cet article :
  • L’Autorité Bancaire Européenne a publié des lignes directrices pour renforcer la conformité des acteurs financiers face aux mesures restrictives de l’Union Européenne, particulièrement dans le contexte de l’explosion des prix des cryptomonnaies.
  • Ces recommandations incluent le renforcement de la gouvernance interne, l’utilisation de systèmes de filtrage automatisés, et la gestion des risques de contournement, représentant une avancée significative dans l’harmonisation des pratiques au sein de l’UE.

Essor des cryptomonnaies : Une réponse coordonnée de l’Europe

L’ABE, basée à Paris, a été créée en 2011 à la suite de la crise financière de 2008, avec pour mission :

  • d’assurer la stabilité financière,
  • de garantir une harmonisation des règles au sein des 27 États membres de l’Union européenne.

Face aux menaces que représentent le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, l’ABE s’attache à rendre les régulations plus cohérentes et efficaces dans toute l’Europe.

Dans ce cadre, les nouvelles lignes directrices dans un guide de 71 pages, publiées, s’inscrivent dans le prolongement du paquet législatif anti-blanchiment (AML) adopté par la Commission Européenne en 2021. Ce paquet inclut le règlement (UE) 2023/1113, qui entrera en vigueur le 30 décembre 2025, et impose une conformité stricte aux mesures restrictives nationales et européennes.

En parallèle, MiCA (Markets in Crypto-Assets), adopté en 2023, est un cadre réglementaire plus large qui couvre les activités liées aux actifs numériques dans l’Union européenne. Il établit des règles pour les émetteurs de stablecoins, les exchanges et d’autres services liés aux actifs numériques, en mettant l’accent sur la protection des consommateurs et la transparence des marchés.

Bien que les deux règlements aient des points de contact (par exemple, ils s’appliquent aux PSAN), ils ont donc des objectifs distincts. En bref :

  • MiCA : Régulation des marchés et protection des consommateurs dans le secteur des actifs numériques.
  • Règlement (UE) 2023/1113 : Lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

C’est donc un nouveau coup de massue pour l’écosystème.

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Ce que prévoient les lignes directrices de l’ABE

L’ABE a formulé des recommandations claires pour encadrer les PSP et les PSAN. Ces mesures visent à renforcer la conformité et la sécurité financière en Europe seront à appliquer à partir du 30 décembre 2024 et obligatoires à partir du 30 décembre 2025. Voici les principaux points :

Renforcement de la gouvernance interne

L’ABE impose aux PSP et PSAN de mettre en œuvre un cadre de gouvernance robuste afin de réduire les risques opérationnels et juridiques. Ces institutions doivent intégrer des politiques spécifiques liées aux mesures restrictives dans leurs systèmes de gestion des risques.

L’objectif principal est de garantir qu’aucune entité ou individu sanctionné n’accède aux services financiers, assurant ainsi une stricte conformité avec les régulations européennes.

Systèmes de filtrage des transactions

Les PSP et PSAN doivent obligatoirement utiliser des systèmes automatisés de filtrage pour repérer les individus ou organisations présents sur les listes de sanctions de l’Union Européenne et de ses États membres.

Ces outils, en constante amélioration, permettent d’identifier avec précision les entités sanctionnées tout en minimisant les erreurs, telles que les « faux positifs ». Ces derniers correspondent à des alertes incorrectes générées par le système. Ils sont souvent dus à des similitudes de noms ou des erreurs dans les données et nécessitent une vérification humaine pour éviter des blocages injustifiés.

Gestion des risques de contournement

Les institutions doivent également adopter des procédures pour identifier et gérer les tentatives de contournement des règles. Cela inclut une surveillance renforcée des transactions provenant de zones géographiques sensibles ou utilisant des outils d’anonymisation sophistiqués, tels que les mixeurs de cryptomonnaies.

Enfin, les employés des PSP et PSAN devront être régulièrement formés pour rester à jour sur les évolutions réglementaires et pour détecter efficacement les nouveaux risques liés à ces mesures restrictives.

À l’ouest rien de nouveau pour les cryptomonnaies

Ces lignes directrices, qui deviendront obligatoires le 30 décembre 2025, représentent une avancée dans l’harmonisation des pratiques au sein de l’Union Européenne. En théorie.

Dans la pratique, en clarifiant les attentes et les responsabilités des PSP et des PSAN, l’ABE entend renforcer la sécurité des flux financiers tout en consolidant la confiance dans les services sur actifs numériques. Toutefois, cette ambition de standardisation européenne s’accompagne de contraintes notables pour les acteurs du secteur.

D’une part, les deux règlements européens – MiCA et le règlement (UE) 2023/1113 – affichent une approche stricte, parfois perçue comme une sévérité excessive vis-à-vis de l’écosystème crypto. Bien que visant à harmoniser les pratiques, ils imposent des obligations techniques et administratives complexes, en particulier pour les plus petites structures. Le document publié par l’ABE, censé offrir un cadre clair, est d’ailleurs particulièrement technique, rendant son application potentiellement difficile pour certains opérateurs.

D’autre part, la mise en place des systèmes de filtrage automatisés pour se conformer aux mesures restrictives européennes soulève des questions éthiques et philosophiques. Les exigences en matière de KYC (Know Your Customer) entrent en contradiction directe avec les idéaux fondateurs portés par Satoshi Nakamoto et la philosophie décentralisée qui sous-tend la DeFi (finance décentralisée). Ces nouvelles règles risquent de limiter la portée des solutions DeFi en imposant des contraintes qui vont à l’encontre de leur nature sans permission et anonymisée.

Enfin, bien que ces réformes soient présentées comme un levier pour stabiliser et protéger l’écosystème financier européen, elles pourraient aussi en freiner l’élan en opposant une réglementation centralisée à une technologie fondamentalement décentralisée. Cela pose la question de l’équilibre à trouver entre contrôle étatique et respect des principes fondateurs de la blockchain. Ou comment faire rentrer un carré dans un rond. À suivre, sur Le Journal du Coin.

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Magali

De simple lectrice en 2017 à rédactrice en chef depuis septembre 2023, j'allie maintenant l'écriture à mes connaissances à travers mes articles pour Le Journal du Coin. Mon seul but est celui de vous informer sur l'univers de demain : celui de la blockchain, des cryptomonnaies, des NFT et du metaverse. Persuadée que Bitcoin est une révolution, j'entends participer à la vulgarisation de notre écosystème.