
Immobilier tokenisé : RealT au cœur de la tourmente à Détroit
La tokenisation a le vent en poupe dans l’industrie crypto, notamment via l’essor des Real World Assets (RWA). Toutefois, celle-ci peut être utilisée comme un buzzword au détriment des investisseurs. Ainsi, la société RealT, spécialisée dans la tokenisation immobilière, fait face à des accusations graves de la part de la ville de Detroit.
- L’entreprise RealT, spécialisée dans la tokenisation immobilière, a été accusée par la ville de Detroit de gestion défaillante et de spéculation immobilière déshumanisée.
- La ville de Detroit a intenté une action en justice contre RealT pour des pratiques négligentes, mettant en avant des problèmes d’insalubrité et d’enregistrement des biens.

RealT : L’immobilier tokenisé à haut rendement
L’entreprise RealT a fondé sa réputation sur la démocratisation de l’investissement immobilier. Ainsi, celle-ci propose aux investisseurs d’acquérir des parts sur des propriétés immobilières à partir de 50$. Un modèle qui permet de devenir copropriétaire d’un bien et de percevoir une part des loyers.
Depuis 2019, RealT a acquis plus de 500 propriétés à Detroit, principalement des maisons individuelles dans des quartiers populaires. Chaque bien est divisé en centaines de tokens, détenus par une multitude d’investisseurs souvent anonymes et basés hors de Detroit, voire même des États-Unis.
Un modèle qui séduit et qui a permis à RealT d’augmenter son portefeuille à plus de 1 000 propriétés. Toutefois, alors que la ville de Détroit commence à mettre le nez dans ces opérations, une ombre grandissante plane sur le projet.
Gestion défaillante et conditions de vie dégradées
Derrière la promesse de rendement, la réalité est bien plus complexe. La gestion des biens, initialement confiée à des sociétés locales, a rapidement montré ses limites.
En effet, de nombreux locataires ont signalé des problèmes graves d’entretien : moisissures, plomberie défectueuse, absence de chauffage, fenêtres cassées, voire plafonds effondrés. Certains locataires, souvent bénéficiaires de loyers subventionnés, ignorent à qui verser leur loyer ou n’ont même pas de bail formel, tout en subissant des menaces d’expulsion.
Rien qu’à Détroit, RealT comptabilise plus de 1 000 amendes pour insalubrité et plus de 200 propriétés menacées de saisie pour défaut de paiement.
Pire encore, selon les informations révélées par Outlier Media, RealT aurait vendu des parts de 664 propriétés à Detroit. Sur ces 664 propriétés, plus de la moitié ne sont pas enregistrées au nom de la société auprès de l’administration des taxes, et près de 10% n’ont même pas d’acte de propriété enregistré sous une entité RealT.

Une situation qui a amené la ville à prendre les devants.
La ville de Détroit met son nez dans les affaire de RealT
Face à l’ampleur du problème, la ville de Detroit a intenté en juillet 2025 une action en justice contre RealT et ses filiales.
La plainte, qui vise plus de 400 propriétés, dénonce un réseau complexe de sociétés-écrans utilisé pour échapper aux responsabilités. En effet, selon les termes de RealT, chaque logement acquis est détenu par une LLC, elle-même détenue par les détenteurs des jetons tokenisés.
En parallèle, Detroit demande, par le biais de cette procédure, à RealT de payer les 500 000$ de contraventions et d’obtenir un certificat de conformité pour chacune des propriétés.
Cette offensive judiciaire vise à mettre un terme à ce que la ville qualifie de « spéculation immobilière déshumanisée », où la technologie sert de paravent à des pratiques classiques de négligence et d’abandon.
De son côté, RealT affirme avoir été victime de sociétés de gestion immobilière locales malhonnêtes, qui auraient détourné les fonds destinés à l’entretien et au paiement des taxes. L’entreprise dit avoir repris la gestion directe de ses propriétés depuis décembre 2024 et promet de remédier aux problèmes.
Un changement de méthode qui ne semble toutefois pas concluant. En effet, selon le média Outlier, sur les 25 biens immobiliers proposés par RealT après avoir entrepris de gérer elle-même les logements, 21 propriétés sont déjà en retard de paiement des taxes.
De plus, 14 seraient vacantes, selon les données du service postal américain fournies par Regrid. Pourtant, RealT a indiqué au moment des offres que 24 propriétés étaient occupées.
Pire encore, selon les registres du comté, RealT ne serait propriétaire que de 3 logements sur les 25.
« Dans trois cas seulement, les registres du comté de Wayne indiquent que RealT est le propriétaire. »
Des prix artificiellement gonflés ?
Pour son enquête, Outlier a été en contact avec McLeskey de Denovo Real Estate. Celui-ci a semble-t-il vendu un lot de 45 propriétés à RealT pour un prix de 20 000$ par propriété.
Toutefois, celui-ci a été des plus surpris de voir ces mêmes propriétés avec une valeur annoncée d’environ 55 000$ sur le site de RealT.
« Je n’ai aucune idée de comment quelqu’un peut justifier un tel prix. Ces logements ne sont pas vraiment conçus pour gagner de l’argent parce que les loyers des locataires sont plafonnés. C’est impossible (d’obtenir un loyer aussi élevé) à moins de n’avoir aucune facture fiscale et de ne faire aucun entretien. »
Une situation locale qui inquiète les investisseurs, alors même que les paiements mensuels de RealT continuent d’être distribués. Affaire à suivre.
