Comment la France snobe le Bitcoin (BTC) et se condamne au blockchain bullshit technocratique

Hier sortait un rapport signé par la Direction générale des entreprises (DGE). Sobrement intitulé “Blockchain : une technologie de stockage et de transmission d’informations à améliorer”, cet amoncellement de poncifs passéistes fera frémir ceux qui y poseront les yeux : visiblement, il n’y a bien que dans les services gouvernementaux français (et dans son paysage bancaire, certes) que l’on continue à répéter doctement que “la vraie révolution, c’est la blockchain, pas Bitcoin”.

« Le Bitcoin va disparaître si on ferme les yeux très, très, très fort »

S’il peut parfois être agréable de tomber par hasard sur une madeleine de Proust, celle-ci, on aurait parfaitement pu se l’éviter, tant la tristesse est grande de voir le rapport balayer d’un revers de main les cryptomonnaies (comme un espèce de vague sous-ensemble technologique dont on ne comprend de toute évidence pas grand chose dans les hautes sphères de l’administration), pour se concentrer sur de prétendus “verrous technologiques” censés empêcher l’adoption de masse de la sacro-sainte blockchain.

La France découvrant le Bitcoin, allégorie.

A la lecture du rapport, on se demande bien ce qu’on pourra faire de si révolutionnaire grâce à cette « chaîne de blocs », « permettant de stocker des informations (…) de manière extrêmement sécurisée » (sic). Pour les auteurs dudit rapport, ce seraient de plus « les blockchains privatives » qui auraient le plus d’avenir, écrasant de leur puissance disruptive ces dinosaures que seraient les blockchains ouvertes. Il conviendra de s’étouffer poliment face à des affirmations si déphasées, puisque qu’apparemment, du côté des rapporteurs, on est restés en 2017. C’est qu’on était à deux doigts de se voir proposer un ICO révolutionnaire pour débloquer les verrous de notre démocratie en marche… mais labellisé par l’AMF, alors pas d’inquiétude !

Face à de telles conclusions pour le moins totalement éclatées au sol, on pourra au choix maudire le génie français qui semble nous condamner à voir nos décisionnaires rejouer éternellement l’épisode du Minitel comme si nous étions coincés dans un remake foireux d’“Un jour sans fin”, film où le héros est condamné à revivre en boucle la même journée, inlassablement… ou alors nous pouvons hausser les épaules de dépit, face à l’échec actédéfinitif et pleinement assumé par nos élites gouvernantes.

Au diable l’anticipation, vive la planification (manquée)

La seule question à laquelle il conviendra de répondre pourrait finalement ne pas être celle que l’on attendait, au départ. La France aura-t-elle jamais eu les moyens de ses ambitions en matière de cryptomonnaies ? En définitive, oui, puisque d’ambitions, elle n’en a pas eu (si l’on excepte les quelques crypto-députés qui ont bien tenté de faire bouger quelques lignes). 

A l’heure où les grands groupes qui font la finance d’aujourd’hui et que ceux qui feront celle de demain se penchent sérieusement sur la question, combien de temps faudra-t-il encore attendre avant que la représentation nationale ou le gouvernement se décident à prendre réellement le sujet du Bitcoin au sérieux ? Difficile à dire, puisqu’aucune stratégie d’Etat ne semble exister, le navire voguant cahin-caha, du moment que ces fadas cryptophiles anarchistes déclarent bien leurs impôts et paient ce qu’ils doivent, parce que les rapports de cette qualité ne se paient pas tout seuls, mon bon monsieur.

Quoi qu’il en soit, nous avons tous hâte du prochain rapport coup de tonnerre qu’une agence gouvernementale stratégique voudra bien nous servir, qui sait un jour consacré au Bitcoin, avec un peu de chance avant que d’autres grandes puissances aient passé le cap, et que l’on espère de tout coeur ne pas voir titré “Une monnaie non souveraine et incensurable : bien mais pas top. Qui vivra verra… ou soupirera, encore.

Grégory Mohet-Guittard

Je fais des trucs au JDC depuis 2018. En ce moment, souvent en podcast et la tête dans le nuage.