Bitcoin en Argentine : Javier Milei retourne-t-il sa veste ?
L’épreuve du pouvoir. Vu ses discours enflammés contre les banques centrales, l’alors candidat et désormais président de l’Argentine Javier Milei avait suscité beaucoup (trop ?) d’espoir quant à l’adoption rapide de Bitcoin (BTC) et des cryptomonnaies dans le pays. Mais plus de 4 mois après son élection, les choses ne semblent pas forcément aller dans le bon sens selon certains observateurs. Mais en fait, il s’agirait surtout d’une inertie due au précédent gouvernement argentin, qui était, lui, farouchement anti-cryptomonnaies.
Une régulation des cryptomonnaies complexe à respecter en Argentine ?
Lors des premiers jours de ce mois d’avril 2024, l’annonce en Argentine de la création d’un Registre des prestataires de services d’actifs virtuels (PSAN) a suscité beaucoup d’inquiétudes de la part des acteurs de la cryptosphère.
En effet, toutes les entreprises liées aux cryptomonnaies sont amenées à devoir s’enregistrer au sein de ce registre PSAN argentin pour exercer leurs activités dans le pays. De quoi compliquer l’adoption des cryptos selon un acteur local, Hernan Yellati, cité par The Block. Ce dernier est partenaire du fonds Borderless Capital, qui souhaite ouvrir un siège latino-américain en Argentine, et il s’inquiète des obligations de conformité liées à ce registre :
« Cela semble aller dans la direction opposée à la rhétorique de Javier Milei. (…) Cette règle d’enregistrement semble un vestige de l’administration précédente [de Sergio Massa, ex-ministre de l’Économie], mais son annulation [par le nouveau gouvernement Milei] pourrait prendre du temps. (…) Même si le gouvernement [Milei] poursuit bien sa rhétorique de réduction de la réglementation (…), nous pourrions constater des retards importants et du sable dans les rouages pour annuler cette réglementation spécifique. »
Hernan Yellati, partenaire du fonds Borderless Capital
Une obligation pas si dramatique que ça, et qui pourra être minorée ?
D’autres acteurs cryptos sont toutefois moins soucieux de cette réglementation. Ainsi, Ruslan Lienkha, chef des marchés chez YouHodler également cité par The Block, considère que la cryptosphère a mis trop d’espoir (et surtout, trop d’empressement) dans la volonté d’adoption pro-crypto de Javier Milei qui a, en résumé, bien d’autres priorités à la tête du pays en grandes difficultés, notamment économiques.
Le nouveau président semble se rendre compte que de passer de la théorie à la pratique de l’exercice du pouvoir oblige malheureusement aux concessions, au moins temporaire, et surtout à la patience.
« Il n’y a rien de mauvais dans la règle d’enregistrement en elle-même. Toutefois, il s’agirait d’un pas possible vers une politique plus ancienne[, pré-Milei]. (…) Nous pouvons également remarquer le changement dans la rhétorique de Javier Milei, après qu’il ait décidé de reporter la suppression de la banque centrale et la dollarisation. »
Ruslan Lienkha, chef des marchés chez YouHodler
L’exercice du pouvoir est d’autant plus dur pour le nouveau président Milei, que les chambres parlementaires argentines sont toujours remplies des anciens partis dirigeants (devenus l’opposition, qui porte ici très bien son nom). Ainsi, contrairement à un Nayib Bukele dont le parti Nuevas Ideas a submergé les chambres législatives au Salvador, Javier Milei doit affronter et réussir à faire plier les parlementaires de l’ancien régime pour chacune de ses réformes. Et les cryptomonnaies ne semblent pas (pour l’instant) sa priorité dans ces combats acharnés.