Les milliards de FTX vont-ils faire exploser le marché crypto ?
« Un concurrent tente de s’en prendre à nous avec de fausses rumeurs. FTX va bien. Les actifs vont bien.»
Voilà ce que déclarait Sam Bakman-Fried ancien CEO de FTX en novembre dernier sur Twitter. La suite, vous la connaissez. FTX, le deuxième plus gros exchange du marché crypto, mettait la clé sous la porte. Rappelez-vous, cette débâcle aura coûté près de 9 milliards de dollars aux clients de la plateforme.
Retour sur la faillite de FTX
Quelques jours après cette déclaration, FTX tombait sous le fameux chapitre 11 des faillites de la législation américaine. Ce que ça veut dire, c’est que les actifs de la plateforme, les cryptos ou le cash par exemple, allaient devoir être retrouvés puis vendus pour rembourser les clients.
Depuis, les liquidateurs ont réussi à mettre la main sur plus de 7 milliards de dollars appartenant à la plateforme, que ce soit en cash, en immobilier, et plus important encore en cryptomonnaies.
Le 13 septembre dernier, le juge John Dorsey, chargé de l’affaire, a autorisé FTX à commencer la liquidation de ses cryptomonnaies. Concrètement, ce que ça veut dire, c’est que FTX va pouvoir vendre les crypto qui ont été retrouvées par les liquidateurs et commencer à rembourser ses dettes.
La mise en place de la liquidation des actifs de FTX
Mais de quelles cryptomonnaies et de combien est-ce qu’on parle exactement ? Au total, 3,4 milliards de dollars de tokens ont été retrouvés jusqu’à présent, incluant FTX, FTX.US et Alameda Research, les trois structures derrière lesquelles se trouvait Sam Bankman-Fried.
Dans les documents publiés par les autorités, on voit que l’écrasante majorité est en fait constituée de Solana et de Bitcoin. Plus précisément, plus d’un milliard de dollars de Solana et plus de 500 millions de dollars en Bitcoin. Le reste correspond à divers tokens, Ether, Aptos, Tether, dans de moins grosses proportions.
C’est plutôt conséquent, mais le problème se situe ailleurs. Il ne faut pas tellement regarder la quantité totale de tokens mais plutôt le ratio de pression vendeuse. Je m’explique.
Lorsque vous vendez une grande quantité de tokens dans un court laps de temps, il faut prendre en compte ce que le marché est en capacité d’absorber. Le but, c’est d’éviter au maximum le slippage, c’est-à -dire la différence de prix entre le premier et le dernier token que vous vendez.
Qu’est ce que le slippage ?
Vous vous demandez pourquoi il y aurait une différence de prix, après tout vous vendez le même token, non ?
Eh bien, imaginez que vous soyez sur une place de marché grandeur nature. Vous avez une grosse quantité de pommes à vendre et il y a une quantité limitée d’acheteurs. Naturellement, vous allez vendre vos pommes à l’acheteur qui offre le meilleur prix, disons 2 euros par pomme. Seulement voilà, cet acheteur n’aura pas besoin de tout votre stock, et une fois qu’il aura assez de pommes, vous allez peut-être devoir vous tourner vers son voisin, qui achète une certaine quantité de pommes à 1,90 euro. Dans cet exemple, vous ne pourrez pas vendre l’intégralité de vos pommes au même prix, en gros, c’est ça le slippage.
Revenons à nos tokens maintenant. Lorsque FTX va vouloir liquider ses jetons, ils vont chercher à éviter au maximum le slippage, à la fois pour ne pas perdre d’argent, mais également pour ne pas déclencher de cascades de liquidation.
Pour la faire courte, une cascade de liquidation peut se déclencher quand le prix d’un actif passe en dessous d’un certain seuil, avec un mouvement d’ampleur déclenché par une grosse vente de tokens, par exemple.
À ce moment-là, quand l’actif passe sous le seuil de liquidation, de nombreux traders se retrouvent forcés à vendre leurs actifs, on dit qu’ils se font liquider. Et les liquidations, ça déclenche encore plus de pression vendeuse, faisant encore plus chuter les cours, déclenchant encore plus de liquidations, bref, vous saisissez l’idée. C’est souvent ce qu’il se passe quand vous voyez le Bitcoin dévisser de 10 % en quelques heures seulement.
Bref, FTX dispose d’une grande quantité de tokens, mais pour comprendre les risques qui pèsent sur le marché, il faut en étudier le ratio de pression à la vente. Messari, une célèbre entreprise d’analyse du marché crypto, s’est justement penchée sur la question.
Quels sont les risques qui pèsent sur la liquidation de FTX ?
En fait, il se trouve que c’est bel et bien le token SOL de Solana qui a le ratio de pression à la vente le plus élevé. Celui-ci s’élève à 81 %, concrètement ça veut dire que les avoirs en SOL de FTX représentent un peu plus de 80 % du volume total de SOL échangé sur une semaine.
Le marché pourrait donc bien avoir des difficultés à absorber ces ventes si elles venaient à arriver. Même soucis sur le APT de Aptos par exemple, où le ratio atteint 74 %. Ainsi, si une vente massive de ces tokens venait à arriver, leur prix pourrait bien chuter vraiment très fort et très rapidement.
Mais pas de panique, la réalité est évidemment plus nuancée que ça, je vous explique.
Mt Gox, une liquidation au gout amer
D’abord, parlons rapidement de Kobayashi, l’avocat japonais chargé de la liquidation de Mt Gox, la plus grosse plateforme d’achat de Bitcoin de son époque. Après son hack en 2014, Kobayashi était chargé de la liquidation des actifs, et donc de la vente des Bitcoins de la plateforme. Autant vous dire que ça ne s’est pas super bien passé pour plusieurs raisons. D’abord au niveau des méthodes de vente, car une partie des Bitcoin ont été vendus au marché, entraînant plusieurs baisses significatives sur les cours.
Ensuite, sur le manque de discrétion car les transactions étaient réalisées au nez et à la barbe de tous, permettant au public de suivre de près toutes les transactions, entraînant encore plus de baisse.
Tout cela lui a valu de vives critiques à la fois des investisseurs, mais aussi des créanciers de Mt Gox. Ben oui, organiser ces ventes en perturbant autant le marché nuit forcément aux intérêts de ces derniers.
On espère que les mêmes erreurs ne vont pas être répétées avec FTX, voyons un peu de quoi il en retourne.
Il y a plusieurs choses. D’abord, certains se sont proposés de racheter les actifs de FTX par des deals OTC, comme Justin Sun par exemple, fondateur de la blockchain TRON. Le but évidemment, c’est de minimiser l’impact de la vente sur le prix des tokens. Pour expliquer rapidement, un deal OTC, pour « over the counter », c’est un échange qui a lieu de gré à gré, entre deux personnes ou entités, en dehors des places de marché donc.
C’est ce qu’il s’est passé pour Curve Finance, le célèbre protocole de DeFi victime d’un hack d’envergure en juillet dernier. Plusieurs deals OTC avaient été conclus pour vendre des tokens CRV et renflouer les caisses tout en évitant d’impacter encore plus le marché.
Évidemment, cette solution devrait être favorisée et serait bénéfique pour tout le monde.
La Liquidation de FTX : une question de mesure
En plus de ça, en examinant la décision en détail, on se rend compte que le plan des débiteurs de FTX prévoit que les actifs ne pourront être liquidés qu’à hauteur de 100 millions de dollars par tokens et par semaines.
Ce plafond pourrait être augmenté à 200 millions avec l’autorisation des autorités. À noter que cette limite ne concerne pas Bitcoin, et Ether, entre autres, et ceux-ci devront faire l’objet d’une procédure spéciale pour être vendus.
Au départ, FTX avait demandé une totale opacité dans la vente des tokens, ne voulant pas affecter le cours du marché. Ben oui, quand ce genre de décisions sont rendues publiques et qu’une vente est annoncée, la dernière chose que vous ayez envie de faire, c’est acheter ou garder vos tokens.
Cependant, ce n’était pas du goût du juge et finalement, les informations sur ces ventes seront soumises à des règles strictes de confidentialité et ne devraient être accessibles qu’à un certain groupe de personnes, incluant les administrateurs et le comité de créanciers… En gros, en tant que simple investisseur, vous ne devriez pas être au courant à l’avance de ces ventes.
FTX ne vendra pas toutes ses cryptomonnaies
Bon, en plus de tout ce qu’on vient d’évoquer, il semblerait aussi que FTX n’ait pas forcément prévu de vendre tous ses actifs. Au contraire, ils projettent de staker et de hedger certaines de leurs cryptomonnaies dans le but de limiter au maximum les pertes.
C’est Galaxy Digital, un célèbre gestionnaire de fonds spécialement orienté vers les actifs numériques qui a été choisi pour aider FTX dans toutes ces tâches. C’est plutôt risible quand on y pense, car ces derniers avaient perdu plusieurs millions de dollars au moment de la chute de l’exchange.
Enfin, il faut prendre en compte une dernière chose. On l’a dit, le principal risque se situe au niveau du ratio de pression à la vente, et particulièrement pour le token de Solana. Eh bien, il se trouve qu’une écrasante majorité des SOL détenus par FTX sont en réalité illiquides, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas directement y avoir accès pour les vendre.
C’est assez courant en fait, lorsque de gros acteurs participent très tôt au financement d’un projet crypto, ils ont la possibilité d’acheter des tokens à un prix très avantageux. Ce privilège s’accompagne souvent d’une période de vesting, c’est-à-dire une période où les tokens en question ne peuvent pas être vendus. Ça varie entre plusieurs mois et plusieurs années, et également en fonction des montants, mais on sait que FTX avait largement investi dans Solana dès 2020, c’est pourquoi une grande partie de leurs tokens sont encore verrouillés aujourd’hui.
D’ailleurs, on a une vue plus précise de tout ça grâce à Messari, encore une fois. On voit bien sur ce tableau qu’une grosse partie des tokens est en fait bloquée et sera débloquée chaque mois à hauteur de 650.000 SOL soit un peu moins de 10M de dollars au cours actuel.
Il y a bien un important déverrouillage de 7.5M de tokens prévu pour mars 2025, mais bon, à priori on a le temps de le voir venir.
De même, FS Insight a publié un tableau des actifs liquides de FTX, et il semble que seul 13 % de la totalité des tokens SOL soient liquides actuellement. Autant dire qu’avec tout ça, l’impact sur les cours risque d’être assez minime.
Bref, ce qu’il faut retenir de tout ça, c’est qu’on a des raisons de penser que l’impact de ces ventes ne sera finalement pas si significatif. Mais, on n’est pas à l’abri d’un rebondissement, et dans ce genre de cas, ça arrive plutôt souvent, affaire à suivre donc.
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