Et si Bitcoin était le chaînon manquant d’une véritable transition écologique ?

Lustucru – En dépit des discours enflammés qui entourent Bitcoin et sa consommation énergétique, certaines initiatives concrètes recentrent les débats. Loin des palabres, de plus en plus de projets concrets émergent notamment pour transformer certains déchets très polluants en actif valorisable. Les esprits chagrins y verront là une énième entreprise capitaliste, tandis que les pragmatiques et les professionnels saisiront l’opportunité (à tous les niveaux) que représente Bitcoin pour le secteur énergétique. S’il y a bien des flammes que Bitcoin peut éteindre, c’est celles des torchères.

Allumer le feu : Ah l’idée du siècle (dernier)

Les torchères à gaz sont des installations présentes sur les sites miniers qui extraient du gaz naturel. Le gas flaring consiste à brûler directement le gaz non désiré, issu de l’extraction. Les industries du secteur n’ont pas trouvé de meilleure solution depuis plus de 100 ans pour évacuer ces déchets. Si tout ce gaz était relâché sans combustion, les impacts environnementaux et atmosphériques seraient encore plus désastreux. 

Cette technique persiste depuis, car relativement stable – bien que polluante – pour évacuer les gaz « inintéressants » pour l’exploitant. Pour écrire les choses clairement, l’exploitant à peu d’intérêt à dépenser de grandes sommes d’argent pour isoler, traiter, acheminer, et vendre ces gaz associés. Il les rejette donc dans l’atmosphère après combustion. Cette technique est néanmoins utile car elle permet d’évacuer la pression de l’installation. Question ô combien cruciale pour éviter tout incident sur le site.

D’après des chiffres cités par la Banque Mondiale, 142 millions de m3 de gaz naturel associé ont été brûlés en 2020. Cela équivaut à 400 millions de tonnes de CO2 relâchées en un an.

Toujours d’après la Banque Mondiale, la facture liée à l’arrêt de la combustion se chiffrerait à 100 milliards de dollars. En effet, il faudrait aux exploitants collecter, traiter et distribuer ce gaz naturel. Pour reprendre une expression chère aux maximalistes, il se pourrait que « Bitcoin répare ça » (Bitcoin fixes this).

Bitcoin : pyromane ou pompier ?

Le réseau Bitcoin a besoin de beaucoup d’électricité pour assurer sa sécurité. Un « argument massue » d’après ses détracteurs, mais s’arrêter sur ce simple fait, sans approfondir ses recherches ne permet pas de juger de son apport. Car les faits débutent seulement ici.

Parmi ses vertus, Bitcoin possède la faculté de ne pas discriminer l’électricité qu’il utilise. Il peut toutes les exploiter. Les « bonnes » comme les « mauvaises », comme ce fut longtemps le cas en Chine avec des mines de charbon. Le dernier rapport de CoinShares le démontre bien et réaffirme ce principe inhérent à Bitcoin et sa conception.

Le réseau peut s’implanter à peu près n’importe où. Un simple container équipé du matériel de minage suffit. Le tout relié à une station off-shore ou un site terrestre peut ainsi transformer une perte en gain. Car la perte actuelle est sur tous les tableaux : économique, environnemental, durabilité. Bitcoin peut jouer sur tous les tableaux.

L’utilisation de nœuds Bitcoin pour rentabiliser ce qui est encore un déchet, va révolutionner l’industrie de l’énergie. Et les premiers gros acteurs comme Conoco Philipps émergent. Ils suivent la voie initiée par les pionniers il y a quelques années seulement. Bitcoin peut s’avérer être l’un des chaînons manquants pour financer la transition écologique.

Miner du Bitcoin plutôt que brûler de l’argent

Dès que l’argent et l’incitation économique entrent en jeu, les plus âpres contradicteurs d’une cause x ou y deviennent tout de suite plus nuancés. En effet, dans une société orientée vers le marché et la consommation, celle-ci se retrouve orientée par le marché et la consommation. Au vu des opportunités économiques offertes par le minage de bitcoins, il y a fort à parier que les professionnels du secteur de l’énergie entrent dans la chaîne. Soit en ouvrant leur propre filiale de minage pour exploiter leurs ressources, soit en faisant appel à des sociétés spécialisées.

Ce n’est pas Brent Whitehead ni Matt Lohstroh qui diront le contraire. Ces deux étudiants de l’université du Texas A&M ont fait partie des pionniers du minage écolo en 2019. Whitehead est un ingénieur dont les ancêtres ont aussi travaillé dans l’extraction minière, tandis que Lohstroh est spécialisé en finance et « obsédé par Bitcoin » comme le rapporte CNBC.

Grâce à un container rempli de milliers de mineurs alimentés en électricité issue de puits de gaz, Giga Energy Solutions crée une incitation économique à transformer un déchet en produit valorisable. Un déchet minier qui a généré 4 millions de dollars l’année dernière, grâce à cette innovation :

  • l’exploitant revend une matière première polluante et abondante, qui jusqu’à maintenant est brûlée
  • le mineur se procure une électricité peu coûteuse pour alimenter ses machines
  • le mineur valorise une énergie difficile d’accès, que personne d’autre ne pourrait exploiter « aussi facilement » que lui
  • les 2 parties y trouvent un intérêt économique en plus de participer à la réduction de la pollution atmosphérique liée à ce secteur d’activité


Bitcoin peut devenir le fer de lance de l’énergie propre


Si cette phrase vous effraie au premier abord, vous êtes au bon endroit. Peut-être même au bon moment… Massivement dénoncé pour sa consommation énergétique indéniable, le réseau Bitcoin peut assumer ce défaut et en même temps servir de pivot vers les énergies vertes. En effet, la transition énergétique voulue et clamée à chaque G8 ou forum de Davos nécessite de l’argent. Beaucoup d’argent.

Si le gas flaring est un exemple de cas d’usage concret de Bitcoin pour le bien de tous, il en existe d’autres, tout aussi significatifs. L’exemple de Sebastien Gouspillou (CEO de Big Block DC) dans le Parc des Virunga en est un. Cet entrepreneur nantais est spécialisé dans le minage de Bitcoin, retrouvez son entretien accordé au Journal du Coin lors de Surfin’ Bitcoin 2021 pour en découvrir plus sur son métier.

En tant que professionnel du secteur de l’énergie, il répète à qui veut bien l’entendre que les mineurs se désintéressent largement de l’énergie carbonée. Grâce à l’agilité permise par le réseau Bitcoin, ils peuvent s’adapter aux quatre coins du monde pour exploiter l’électricité la moins chère possible. Oui, l’électricité est le nerf de la guerre, la réelle matière première pour ces entreprises.

Installation de mineurs de bitcoins alimentés grâce à une centrale hydroélectrique dans le Parc des Virunga en République Démocratique du Congo
Installation de mineurs de bitcoins alimentés grâce à une centrale hydroélectrique dans le Parc des Virunga (Source : twitter @SebGouspillou)

Et pour Sebastien Gouspillou, l’électricité la moins chère est celle dont personne ne veut ou que personne ne peut utiliser. Ses machines de minage reliées à une centrale hydroélectrique dans le Parc des Virunga (République Démocratique du Congo) sont donc alimentées en énergie propre. Pas de quoi faire bouillir les océans donc…

Bitcoin a vocation à financer les énergies renouvelables et le développement local, pas les entraver

L’intervention de mineurs de Bitcoin n’est pas seulement profitable pour ceux qui récupèrent une énergie bon marché, mais elle profite au développement de la région entière. En effet, l’infrastructure pour utiliser la totalité de la production électrique n’est pas encore là. On produit donc à perte, et c’est le cas de nombreuses installations à l’échelle de la planète. Les mineurs offrent à la centrale un revenu régulier permettant d’amortir l’investissement de base avant qu’un marché mature soit présent.

Localement, la demande domestique n’est pas encore développée. Les exploitants de barrages et de centrales sont sûrement contents de pouvoir vendre une production qui avant ne l’était pas. Une fois que le réseau électrique domestique sera plus complet, les producteurs auront plus de clients et augmenteront théoriquement leurs prix (cf loi de l’offre et de la demande). L’électricité deviendra moins bon marché pour le mineur.

La consommation reviendra donc à la population locale et le mineur s’en ira, égoïstement et dans un but capitalistique, soutenir d’autres projets non carbonés. Capitalisme vert ?

L’accès à l’électricité est une problématique de fond en République Démocratique du Congo et l’infrastructure pour la distribuer doit se développer. Cela est chronophage et coûteux. Bitcoin peut participer à répondre à ce défi.

En 2019, 79,2 millions de congolais n’avaient pas accès à l’électricité

Population n'ayant pas accès direct à l'électricité en 2019. 79,2 millions de personnes n'ont pas d'accès direct à l'électricité en République Démocratique du Congo.
Population n’ayant pas accès direct à l’électricité en 2019 : 79,2 millions de personnes sont concernées en République Démocratique du Congo. Source

Bitcoin peut participer et soutenir des projets de transition comme de développement énergétique en offrant une incitation économique à chaque protagoniste. Les besoins du réseau en électricité sont certes considérables, mais les ayatollah de l’écologie ne semblent pas se soucier des dizaines de milliers de litres d’eau nécessaires pour fabriquer un seul jean, ou le bilan écologique du système bancaire. Ce sont pourtant des industries très énergivores également. Mais Bitcoin porte en lui le germe de l’innovation, et ses usages concrets ne font que pointer le bout de leur nez.


Jeff Makvs

Enfant d’internet, j’essaie de me coucher chaque soir moins bête que la veille, notamment en observant la blockchain et ses acteurs. Je me réjouis de partager mes découvertes dans cet écosystème fascinant et avant-gardiste dès que j’en ai l’occasion : avant j’écrivais dans mon journal, maintenant j’écris dans le vôtre !